DOCUMENTAIRE
« La théorie du boxeur » donne la parole aux agriculteurs

Avec « La théorie du boxeur », le réalisateur Nathanaël Coste propose un documentaire sur l’agriculture et l’alimentation face au défi climatique. Ce film 100 % drômois donne la parole aux agriculteurs pour relater leur propre expérience.

« La théorie du boxeur » donne la parole aux agriculteurs
Katia Sabatier-Jeune, arboricultrice et productrice de semences d’ail dans la commune de Grane. ©K.S-J

« La théorie du boxeur », la métaphore est frappante ! Depuis des décennies, le changement climatique provoque coups et blessures à l’agriculture. Face à ces attaques climatiques, les agriculteurs tentent d’esquiver et de s’adapter. Dans son film « La théorie du boxeur », Nathanaël Coste donne, en Drôme, le territoire qui l’a vu grandir, la parole à celles et ceux qui luttent au quotidien pour ne pas prendre l’ultime coup, le KO. « À l’origine, l’angle était celui des différents changements climatiques, mais à travers les témoignages, ce qui est ressorti, c’est la problématique du manque d’eau », explique Katia Sabatier-Jeune, arboricultrice et productrice de semences d’ail dans la commune de Grane. Pour cette agricultrice, participer à ce projet, c’était « l’occasion de parler de notre métier, de nos observations sur les évolutions climatiques, et sur la façon de nous adapter à ces changements ». L’occasion de se remémorer des évènements encore vifs dans esprits : « il y a eu de lourdes restrictions d’eau en maraîchage ou en arboriculture notamment. Pour l’arboricultrice, le réel problème, au-delà des fortes chaleurs, c’est le manque d’eau ressenti davantage au fil des années. On doit faire attention à cette ressource vitale, et le message à passer se doit d’être clair, à la fois auprès des jeunes agriculteurs, ceux qui souhaitent s’installer, et auprès du grand public ». Elle espère que le grand public pourra se rendre compte de ses difficultés, que le film pourra faciliter la compréhension, et ainsi gommer les idées reçues sur le monde agricole.

Déconstruire les idées préconçues

« C’est toujours dur d’affronter les réflexions des uns et des autres », affirme Jérôme Vignon, éleveur ovin en polyculture à Chamaloc. « La théorie du boxeur » est un moyen d’authentifier le rôle de l’agriculteur, ses difficultés et ses atouts, pour lutter contre les idées préconçues. « Dans ce film, il n’y a pas de scénario. C’est nous qui l’avons créé, au fil de nos témoignages. Rien n’est prédéfini, c’est le résultat des connaissances et du ressenti de chacun », explique-t-il. Ce projet, il y a participé avant tout par engagement. « Tout le monde ne connaît pas les problématiques auxquelles l’agriculture doit faire face, ce à quoi nous sommes confrontés ». Pour l’agriculteur en Gaec avec son frère depuis plus de vingt ans, les clichés sont avant tout symptomatiques d’un manque de connaissances du milieu. « On est vite jugés, catalogués, à travers des articles, dans les médias. Ce film nous a donné une place pour dire ce qu’on ressent tous les jours. » Jérôme Vignon espère que grâce au film, le grand public percevra les efforts réalisés par les agriculteurs et que les jugements deviendront moins sévères. Idem pour Christian Caillet, agriculteur depuis trente ans en poules pondeuses bio et céréales et vice-président à l’agriculture, à l’alimentation et à l’irrigation au sein de la CCVD (Communauté de communes du Val de Drôme). « Il y a souvent des idées peu réalistes de notre métier. L’agriculteur n’a pas pour ambition de gaspiller de l’eau ». D’après lui, l’ambition du film est de briser les clichés, mais également, il l’espère, de créer un déclic et des changements.

Secouer les consciences 

Le tournage de « La théorie du boxeur » a démarré en 2021, et s’est poursuivi jusqu’en 2022, jusqu’à l’été. « On était en très mauvaise posture, dans le film on ressent le stress des agriculteurs qui se demandent comment ils vont pouvoir finir l’été. Attaquer ce tournage en 2021, jusqu’en 2022, alors que le secteur sud de la Drôme avait été interdit de pompage pour l’irrigation, ça a donné tout son sens au film. » Ce projet a aussi fait écho à la politique menée par Christian Caillet : « En 2020, je disais que les agriculteurs n’étaient plus dans la résilience, la transition : mais bel et bien dans la rupture ». Un terme lourd de sens qui lui a valu quelques réprimandes de la part de ses pairs agriculteurs. « Le mot était fort mais c’était voulu, pour secouer les consciences et faire rendre compte que l’on est au pied du mur, qu’il faut trouver des solutions ». Selon lui, « le cinéma est un vecteur important pour passer des messages ».

Charlotte Bayon