Influenza aviaire
La vaccination démarre, premiers embargos

Cédric Michelin
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En déplacement dans le Sud-Ouest le 2 octobre, Marc Fesneau a lancé la campagne de vaccination des canards contre l’influenza aviaire. Premières conséquences sur l’export : les États-Unis et le Canada ont fermé leurs frontières aux volailles françaises.

La vaccination démarre, premiers embargos

« Une lueur d’espoir » : c’est ainsi qu’Éric Dumas, le président du Cifog (interprofession du foie gras), a accueilli le démarrage de la vaccination des canards contre l’influenza aviaire. Une campagne lancée le 2 octobre par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lors d’un déplacement dans les Landes et le Gers. Et l’aboutissement d’un chantier amorcé début 2022 par son prédécesseur Julien Denormandie, et très attendu par les filières avicoles. Pour M. Dumas, la vaccination « doit permettre de sortir de l’ornière sanitaire ». « Ce dispositif de vaccination, avec toutes les mesures de surveillance qui lui sont associées, est une première mondiale », rappelle cet éleveur landais, qui a reçu le ministre dans son exploitation.

De son côté, Marc Fesneau a salué « un soulagement pour les éleveurs et pour tous ceux qui les ont accompagnés dans ces périodes de crise ». Le but de la vaccination, rappelle le Cifog : « protéger tous les élevages d’oiseaux » et « mettre fin aux abattages préventifs ». La France est officiellement indemne d’influenza depuis le 14 août (dernier cas au 11 juillet). Mais la lutte contre la maladie a conduit à abattre 10 millions de volailles en 2022-2023 (pour 402 cas), et 22 millions l’année précédente (1 378 cas).

Vaccin gratuit la première année

Un arrêté publié au Journal officiel le 28 septembre a autorisé la vaccination. En général, ce moyen de prévention reste « interdit », sauf par dérogation pour « les établissements détenant plus de 250 canards mulards, Pékin ou Barbarie » ; le vaccin est alors obligatoire. L’arrêté (n°17) fixe également le cadre de la surveillance et de la traçabilité qui y sont associées. Un second arrêté (n°18) ajoute l’acte de vaccination, ainsi que les visites de surveillance, à la liste des actes vétérinaires pris en charge par l’État. Il fixe des barèmes pour l’injection d’une dose de vaccin, ainsi que pour les opérations de vaccination (réalisées par un vétérinaire ou par un tiers sous sa supervision).

« L’administration fournit gratuitement le vaccin lors de la première campagne de vaccination », prévoit le texte. L’État prend en charge 85 % du coût de la vaccination (sur un total de 96 M€). Les 15 % restants correspondent à une partie de la surveillance (analyses). Après les 80 millions de doses fournies par Boehringer Ingelheim, un deuxième appel d’offres de 60 millions de doses doit être lancé à l’automne pour boucler la campagne en cours, a rappelé Marc Fesneau le 2 octobre. Les 64 millions de palmipèdes à vacciner recevront chacun deux doses.

Rappelant que la vaccination devra probablement être répétée, le ministre a appelé à « trouver un équilibre économique » pour la campagne suivante (2024-2025), en construisant « un schéma où l’État [prendra] sa part et où d’autres [prendront] aussi leur part ». Le coût de la vaccination « va monter en puissance les prochaines années », prévenait Éric Dumas le 8 septembre. Alors que la part financée par les pouvoirs publics se réduira, « il va falloir entrer en discussion », notamment avec la grande distribution.

Alerte sur de premiers embargos

« Le problème, c’est que les États-Unis sont très observés, et un certain nombre de pays pourraient avoir tendance à les suivre, prévient Yann Nédélec. Il faut faire attention aux réactions “boule de neige” ». Le 7 septembre, avant l’annonce de la décision états-unienne, Anvol alertait sur de premiers embargos dans quatre pays asiatiques (Japon, Hong Kong, Taïwan, Thaïlande). Les discussions continuent toutefois, au moins avec Washington, Ottawa et Tokyo. En avril, la filière européenne des volailles disait craindre jusqu’à une quarantaine d’embargos.

Washington annonce un embargo

Par ailleurs, l’arrêté n°17 permet aussi de « regrouper et de mettre à jour la réglementation relative à l’IAHP aviaire dans un texte unique », a indiqué le ministère de l’Agriculture à la presse : niveaux de risque, zonages, mesures de biosécurité, mesures applicables en cas de suspicion et de confirmation. Parmi les nouveautés, ce texte permet au préfet, « selon une analyse de risque locale, d’instaurer des mesures de surveillance et de prévention adaptées au contexte épidémiologique local » (plus dures qu’au niveau national).

Comme attendu, la vaccination a immédiatement produit de premières conséquences sur l’export. Dans un communiqué du 29 septembre, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) a annoncé mettre en place des « restrictions » sur les importations de volailles françaises, ainsi que celles de « canards vivants, œufs de canards et produits de canards non traités ». Une mesure surprenante de la part d’un pays qui teste lui-même la vaccination. En vigueur depuis le 1er octobre, cette décision s’applique aussi aux autres États membres de l’UE et à l’Islande, la Suisse, le Lichtenstein, ainsi qu’à la Norvège, en raison de « l’accès ouvert au marché commun européen ». « La décision française de vacciner présente un risque d’introduire l’IAHP aux États-Unis », estime l’USDA, car la vaccination « peut masquer la circulation du virus IAHP chez les volailles ». Les autorités françaises espéraient prévenir des embargos de ce genre grâce à l’utilisation de vaccins dits « DIVA », qui permettent de détecter les souches sauvages du virus.

Attention à l’effet boule de neige
D’après La France agricole, les autorités canadiennes ont, comme pressenti, pris une décision similaire, estimant ne pas savoir « comment la France identifiera, tracera et contrôlera les reproducteurs vaccinés ». Là aussi, les garanties apportées par la France n’ont pas convaincu : Paris a pourtant interdit la vaccination des canards reproducteurs. Les envois de produits avicoles vers ces deux destinations concernent surtout la génétique. L’exportation d’œufs à couver vers les États-Unis représentait « pratiquement 5 M€ en 2022 », indique Yann Nédélec, le directeur d’Anvol (interprofession des volailles de chair) à La France agricole. « Nous exportons des canetons vers le Canada et surtout du foie gras cru. Le foie gras transformé n’étant pas concerné », selon la directrice du Cifog (interprofession du foie gras) Marie-Pierre Pé.