ODG de la Côte chalonnaise
Un marathon de pédagogie à faire

Cédric MICHELIN
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Comme la veille pour le Mâconnais, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) avait donné rendez-vous aux vignerons des ODG de la Côte chalonnaise le 3 novembre à Mercurey. Si la plupart des thèmes étaient communs (suite du gel, assurances, déclaration récoltes, technique, dépérissement, flavescence, communication, etc.), la cohabitation avec « les Chalonnais » semble compliquée dans les vignes, et le sera d’autant plus, si les futures ZNT sont durcies (lire notre édition précédente).

Un marathon de pédagogie à faire
Il est très facile de trouver et télécharger les tracés des 5, 10, 21 et 42 km sur des sites web spécialisés dans les courses à pied, à Givry comme partout ailleurs au milieu des vignes, des champs et des prés.

Tout avait pourtant bien débuté lors du tour d’actualité des différents ODG des AOC de la Côte chalonnaise. Pour le cru Bouzeron, Pierre de Benoist indiquait qu’un groupe de vignerons travaille sur la géologie des terroirs pour « monter in fine » un dossier de reconnaissance de premiers crus à l’avenir. Pour l’AOC Rully, David Lefort invitait les vignerons à participer au concours de la Côte chalonnaise qui « aura bien lieu » le 9 janvier prochain, avec néanmoins « moins d’échantillons » en raison évidemment du gel mais aussi « des importantes maladies : jaunisses, esca… un constat alarmant ». Pour Mercurey, Loïc de Suremain annonçait les finitions d’une nouvelle aire de lavage et du site Internet de l’appellation. Il rebondissait néanmoins sur le dépérissement des vignes qui n’était pas inéluctable : « on nous enlève un par un les produits de traitement et on n’a plus les moyens de lutter contre les maladies. J’ai peur à l’avenir qu’on rentre dans le dur et qu’on ne devienne qu’une viticulture d’image et non plus de production ». Même analyse aussi pour le cru Montagny, François Legros s’exprimant pour Laurent Cottenceau, « cette année, le dépérissement dû au bois noir est catastrophique avec des vignes touchées jusqu’à 10 %. On est à la limite du supportable si on doit éliminer tous ces pieds ». Ce qui amenait un débat sur les causes : « gel ? mauvaise sélection des portes greffes ? mauvais greffages ? », questionnait François Berthenet. Difficile de trancher à l’heure actuelle, bien que la recherche avance avec le plan national Dépérissement. Mais pour Pierre de Benoist, une solution pourrait venir « des anciens vignerons qui ont sauvegardé un patrimoine végétal adapté à chaque terroir » dans les villages de la Côte chalonnaise. « Mettons-nous tous en recherche de ces vieilles vignes », invitait-il pour les étudier collectivement et voir si elles ne sont pas adaptées aux défis climatiques. Même état d’esprit volontaire pour Guy Sarrazin : « allons aussi voir nos pépiniéristes puisqu’avec les réglementations, nous ne pouvons plus faire ce métier comme autrefois. Il faut faire attention à garder du matériel pérenne et bien sélectionné pour nos terroirs, sans éliminer ou foncer sur n’importe quel porte-greffe. Le 161-49 C est neutre et permet de bien exprimer nos terroirs », plaidait-il pour faire les choses dans l’ordre, ne serait-ce qu’en envisageant différentes méthodes culturales à l’avenir. Chambres d’agriculture et BIVB ont sélectionné des porte-greffes et recherchent des vignerons volontaires pour les tester.

AOC ou Nature ?

Mais le gros des débats ce 3 novembre à Mercurey aura aussi porté sur un sujet de fond bien éloigné. Baptiste Lumpp et Nicolas Ragot témoignaient des problèmes et incivilités qu’ils rencontrent à Givry. De deux ordres. Le premier est en lien avec la révision du cahier des charges du cru qui voit « 10 à 15 ha de terres à vignes notamment être intégrées dans un zonage naturel ou naturel protégé », commençait Baptiste Lumpp qui veut que ces zones en AOC soit classées en zones agricoles et non pas en zones naturelles protégées. « Attention, cela n’est pas l’air du temps », alertait-il. « J’incite mes collègues à vite arracher leurs parcelles peu "entretenues" pour replanter le plus rapidement possible car on sent une volonté de contrôler ces projets », témoignait Nicolas Ragot à la suite des difficultés qu’il rencontre sur l’une de ses parcelles, classée en Natura 2000, et qui fait l’objet de contentieux, obligations « dissuasives de la DDT », polémiques médiatiques et autres, « mouvances cherchant à tout bloquer même pour un simple trou dans ma parcelle », lui qui a pourtant dû engager des frais en cabinet d’études et pédologues pour ne serait-ce que « tenter de répondre aux questions posées par les autorités environnementales. Et encore Dreal et DDT ne sont pas d’accord entre elles », s’exaspérait-il, fatigué. La DDT a édité un guide des questions à se poser et des procédures à respecter avant de planter, rappelait Charlotte Huber, directrice technique à la CAVB.

Espace public ou privé ?

Le comble pour lui, et deuxième débat de la soirée, est surtout de voir que dans ces mêmes vignes, en Natura 2000, il voit passer 150 à 200 personnes chaque weekend ! Du public « moins éduqué aux bonnes manières du savoir-vivre », ne supportant pas que les vignerons travaillent dans leur propre vigne, alors que ces promeneurs du dimanche se sentent prioritaires de marcher ou même s’entraîner. Ceci est un effet collatéral - indésirable - du Marathon des vins de la Côte chalonnaise qui n’avait pas été anticipé. « Des coureurs reviennent faire la boucle sans se poser la question des terrains privés. Ils ne savent pas que le parcours n'avait été validé que le temps du weekend du Marathon ». Les participants, eux, ont enregistré le parcours sur leur GPS de course et ne se posent pas la question de la détérioration des vignes après leurs nombreux passages. « Cela devient dément et les élus des collectivités, qui font la promotion du territoire, ne veulent pas expliquer ces bonnes règles de circulation », pour ne pas se mettre à dos leurs concitoyens.
La directrice de la CAVB, Marion Saüquère faisait le parallèle avec la "Véloroute" en Côte-d’Or, où il a fallu « redire aux élus que le vignoble est un espace partagé » et que les vignerons ont des droits. Il paraît néanmoins bien difficile d’indiquer partout dans les vignes, chemins ruraux… ce qui relève de l’espace privé ou public. Un long travail de pédagogie en perspective donc… et cela semble pour l’heure retomber, une nouvelle fois, sur le dos des vignerons qui n’ont pourtant pas que cela à faire.