Grandes cultures bio
Adieu les adventices ?

Cédric Michelin
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Le 28 octobre à Saint-Germain-lès-Buxy, la Biolo’week prenait ses quartiers chez Richard Lardy, qui témoignait de son passage en bio en grandes cultures et plus précisément, de ses méthodes de désherbage mécanique. Avant de dire adieu aux adventices, il y a beaucoup de travail, de matériels et d’expérience à acquérir.

Adieu les adventices ?

Installé en 1999, hors-cadre familial, Richard Lardy qualifie son exploitation avec humour « d’usine à gaz » car en réalité se cachent trois sociétés différentes derrière, suite à des reprises de fermes. Sa surface (SAU) atteint au total 520 ha dont 350 sont engagés en bio. Une partie est donc restée en conventionnel (un tiers environ). Sa conversion remonte à trois ans. Il est donc bien placé pour témoigner des avantages et des inconvénients. Sa conclusion pour l’heure, après des années 2021 ou 2022 aux antipodes climatiques, excès ou absence d’eau, est plutôt positive. « Je resterai en bio à l’avenir. Je ne suis pas de nature angoissé, mais en bio, tant que ce n’est pas semé, vous faites du tracteur, vous dépensez… tout va bien. Après semis, vous vous posez tout le temps la question si vous allez pouvoir passer, y arriver. C’est pesant », ne cachait-il pas sur la thématique du jour, à savoir le désherbage mécanique.
Pour sa première récolte certifiée AB en 2022, Richard a visé deux cultures « rémunératrices », blé et soja. Après avoir visité de nombreux collègues en Bio, Richard s’est équipé : houe rotative, herse étrille, bineuse, écimeuse, rotavator… son investissement net, hors semoir utilisé en conventionnel, s’élève alors à « plus de 150.000 € » et il est vrai avec de belles largeurs (12 m) pour « être en adéquation » avec ses surfaces. Son premier conseil est donc de bien choisir son matériel - « de regarder du côté des marques pionnières » plutôt - et de choisir une bineuse « correspondant » à son semoir en termes de nombre de rangs identiques, sinon, guidage RTK ou cameras, rien n’y fera.

S’offrir des chances supplémentaires

Sa première "erreur" de bio, reconnaît-il, est de ne pas être éleveur. Pour fertiliser, il achète donc des fientes de poules (400 t), du fumier de cheval ou de bovin qu’il composte en Cuma. Il s’arrange donc intelligemment avec des voisins, mais est néanmoins sujet à des hausses des prix de ces « intrants ». Il a pu comparer un blé fertilisé avec un blé non fertilisé Bio et les rendements vont immédiatement du simple au double (45-48 qtx/ha contre 14-22 qtx/ha).
Pas question donc de rater les désherbages et risquer de perdre davantage. Ces sols limoneux-sableux ne lui facilitent pas la tâche. Sur « ses terres blanches » comme il aime à les appeler, il précise qu’en cultures d’automne, il désherbe en prélevé avec sa herse étrille, mais ne peut que constater des « traces » de ses passages de roues malgré tout (pneus faibles pression…). Il sème également ses blés à 25 cm d’écartement pour pouvoir passer une bineuse au printemps si besoin. Un « joker supplémentaire ». Car, avec sa houe, un passage « trop tôt et c’est comme dans du beurre et si trop tard, comme dans du béton », fait-il comme parallèle.
Habitué à des moissons « propres » en conventionnel, il sait que le « revers de la médaille » de semer à 25 cm est d’avoir un interrangs laissant plus « monter les adventices » et une moisson au final « moins propre ».

Combiner méca et agronomie

Comme le disent les techniciens de la chambre d’Agriculture, qui organisaient cette demi-journée, en agriculture biologique et notamment en grandes cultures, le désherbage mécanique doit être combiné avec l’agronomie et les rotations de cultures.
Justement, Richard visant une première moisson « rentable » en bio, sa rotation n’a « pas été idéale », soja-blé-soja, même si au final, elle n’a « pas été très sale en 2022 ». Pour ses premiers blés bios, l’implantation s’est faite sur une parcelle après deux années de ray-gras + trèfle. Un ray-gras qu’il avait sur-semé et qui est par contre, bien reparti dans le rang de blé. « J’aurai dû labourer », constate-t-il a posteriori, n’étant pas pour ou contre la charrue. « Il faut pouvoir labourer, mais pas systématiquement », a-t-il pour principe, « surtout si dactyles », il y a.
Conseillère, Aline Villot rappelait que l’historique de chaque parcelle compte pour beaucoup, selon les stocks de graine dans le sol « à gérer ». « La logique de ces rotations est de laisser reposer le sol et d’étouffer les adventices avec de la luzerne souvent pendant deux ans ». Richard implante systématiquement des couverts entre deux cultures pour apporter de la matière organique et limiter les adventices donc.
« J’apprends tous les jours » confie Richard Lardy qui fait donc très attention à sa préparation de sol avant semis « plus profonds » en semoir monograine « pour une levée homogène », la date et variété, les densités « un peu plus » élevées car malgré tout, il faut du temps pour « apprendre à manier l’agressivité des herses », entraînant de la perte. Sur la pratique de réaliser de faux-semis (à 5-6 cm de profondeur), « c’est bien sur le papier, mais surtout lié aux pluies et dans mes terres blanches, les couverts d’été ne lèvent jamais ».

Plus de passages, plus de temps…

Sa bineuse, il l’utilise maintenant aussi en conventionnel pour ses maïs, tournesol et soja (50 cm). Ou sa herse étrille en prélevée au printemps, « avec agressivité pour bien dégager » les rangs. À condition bien sûr que derrière, les conditions soient séchantes pour ne pas voir les adventices repartir. « Il n’y a pas de règle unique, tout dépend de l’année ».
Ce qui le freine au final, c’est le temps à y consacrer, malgré un salarié, sur ses 145 ha de soja, sa moyenne aura été de 12 passages ! Représentant aussi un important poste GNR.
Son dernier conseil est sur le choix de la marque de bineuse qui doit se faire, selon lui, en fonction aussi de la « qualité » du logiciel de la caméra associée. « À l’œil nu, je ne voyais par exemple pas de différence dans mes sojas. La caméra si et permet ainsi le guidage ». Et même deux caméras pour l’aider en cas de bout de rang d’un côté ou de l’autre, afin de relever ou abaisser. Enfin, ce n’était pas tout à fait son dernier conseil, car finalement, en désherbage mécanique, il en aura toujours de nouveaux.