Biolo’week
Expérimenter un maraîchage en sols vivants 

Ariane Tilve
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Jeudi 27 octobre, Adrien Chevalier reçoit un groupe hétéroclite de jeunes installés, de porteurs de projets ou encore de curieux dans le cadre de la Biolo’week. Tous sont venus au Jardin de la Motte, à St-Berain-sous-Sanvignes, pour échanger sur le Maraichage en sols vivants.

Le Jardin de la Motte accueillait jeudi 27 octobre un après-midi de la Bilo'week dédié au maraîchage.
Le Jardin de la Motte accueillait jeudi 27 octobre un après-midi de la Biolo’week dédié au maraîchage.

Sur la dizaine de personnes présentes, certaines sont venues de Côte-d’Or, d’autres de la Nièvre et ont échangé sur les techniques de la thématique du jour. Il y a des salariés agricoles, curieux de connaître d’autres façons de travailler, des porteurs de projets et même un agent de Cerfrance venu pour comprendre les problématiques spécifiques aux maraîchers. La Saône-et-Loire est le département qui compte le plus d’exploitations en maraîchage en Bourgogne Franche-Comté. Sur les 120 exploitations du département, 102 sont en bio ou en conversion, majoritairement de petites surfaces, ce qui explique une moindre représentativité en termes de SAU. Dans la région, il y a 3.249 ha de maraîchage, dont un tiers en bio. « Toutes les installations que j’accompagne aujourd’hui ont la volonté de se labelliser », confie Julie Pinto, nouvelle conseillère spécialisée à la chambre d’agriculture. Elle suit entre sept et onze porteurs de projets chaque année. Tous souhaitent être labellisés, c’est une constante dans la filière, même si tous n’iront pas jusqu’au bout du processus, dans un premier temps, et préfèrent « mûrir le projet et le reporter ». Ceux qui font choix de se labelliser vont-ils au bout du processus pour répondre à une demande des consommateurs, ou bien pour être en adéquation avec des valeurs qui leur sont chères ? Dans le cas d’Adrien Chevalier, hôte de cet après-midi de la Biolo’week, la réponse est claire. Le légume bio est pour lui une valeur éthique acquise. Il ne se voit pas vendre un légume dont il ne serait pas fier pour ses qualités gustatives et sanitaires. Il ne conçoit pas de produire autrement, d’autant plus qu’il est, avec ses enfants, le premier consommateur de sa production. Il a donc la volonté d’avoir une production saine. C’est également le cas de la plupart des porteurs de projets et des installés en bio. Il y a une valeur éthique forte, la volonté d’un travail propre pour l’environnement et le sanitaire, en laissant derrière soi des sols agronomiquement viables pour les générations à venir.Un exemple de produits bio du Jardin de la Motte

La certification en question

Au-delà de ces valeurs, il y a la certification en tant que telle, dont les industriels se sont emparés depuis plusieurs années déjà, laissant penser que la bio d’aujourd’hui sera le conventionnel de demain. Le nouveau cahier des charges, entré en vigueur le 1er janvier 2022, est-il suffisant ? C’est ce qui inquiète de nombreux exploitants, mais aussi la Fédération nationale des agriculteurs bio (Fnab) qui a décidé de lancer son propre label pour remédier à ce qu’elle qualifie de manquements dans le texte original (lire notre article La Fnab complète son label sur la biodiversité et le social). Ailleurs en France, les exploitants, qui sont plus légumiers que maraîchers, travaillent souvent en coopérative.

Ce n’est pas le cas en Saône-et-Loire, où les exploitations en maraîchage bio travaillent en indépendants. « À très long terme, il y aura, je pense, deux options, estime Julie Pinto. Nous distinguerons deux formes de bio, l’une plus stricte que l’autre, à laquelle les petits maraîchers pourront adhérer et qui fera le tri entre les exploitants qui portent une éthique et les industriels qui souhaitent avoir accès à un marché » plus large.

En attendant, le cahier des charges européen, durci en France, n’a rien à voir avec celui de la Chine, de l’Afrique du Nord ou encore de l’Espagne. Par exemple, le lien au sol est inscrit en France, mais pas dans les pays nordiques, même si la nouvelle réglementation prévoit que ces derniers ne pourront plus certifier les productions hors-sol à compter de 2031. Mais tous ces produits se retrouvent en grande distribution, notamment, sous un seul et même label. De quoi perdre les consommateurs, qui se tournent vers le local. Encore faut-il savoir ce qu’est le local, qui n’est défini par aucun texte et peut concerner un rayon de 15 km, le département ou même la France. « C’est une nouvelle façon de perdre le consommateur », déplore Julie Pinto. D’où l’intérêt de la vente directe et des circuits courts qui permettent d’établir un lien de confiance avec les producteurs. En maraîchage, de nombreux porteurs de projet font ce choix, qui implique pourtant la mise en place d’une logistique relativement complexe.

Les produits bio importés

D’après la nouvelle réglementation, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, tous les produits importés devront être conformes au règlement bio européen. En conséquence, les Organismes certificateurs (OC) des pays tiers devront être reconnus par l’Union européenne et devront être en mesure de tracer et vérifier que les produits certifiés sont conformes au cahier des charges européen. L’UE devra procéder à des évaluations concernant l’usage de certains produits phytosanitaires, autorisés à l’étranger. Mais là encore, il s’agit de se plier à la réglementation européenne, moins contraignante que la française. Quant aux accords bilatéraux conclus entre la France et les pays tiers, ils prendront fin, au plus tard, le 1er janvier 2027.