Fermoscopie bovins lait 2020
L’importance de l’agilité et de l’adaptabilité

Marc Labille
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Un prix du lait convenable permet aux exploitations laitières de tirer leur épingle du jeu malgré les pertes végétales consécutives à la sécheresse. Profitant de la bonne dynamique, les investissements reprennent. 

L’importance de l’agilité et de l’adaptabilité
Pour Cerfrance71, « investir et réussir sont compatibles » pour une exploitation laitière.

Dans le contexte très particulier de 2020, le lait parvient finalement à tirer son épingle du jeu. Profitant d’une conjoncture stabilisée depuis plus de trois ans, les éleveurs laitiers remontent la pente, synthétisait Émilie Golin de Cerfrance 71 lors du Fermoscopie en direct sur le web le 27 novembre dernier. 

Les perturbations de marché liées au Covid-19 ont été limitées dans la filière laitière. À 364 €/1.000 litres de moyenne, le prix du lait reste rémunérateur en Saône-et-Loire en 2020, introduisait l’intervenante. Mais les évènements de l’année font tout de même peser une incertitude pour la suite, mettait-elle en garde. Qu’en sera-t-il de la crise économique à venir et de la consommation des ménages ? Idem vis-à-vis des conséquences du Brexit…

Les cultures plombent le revenu

S’il demeure convenable, le prix du lait diffère selon les exploitations et selon les collecteurs du département et il n’a pas pu empêcher une baisse de revenu de – 31 % (à 17.300 €/UTAF), révélait Émilie Golin. En cause la sécheresse qui a fait souffrir les exploitations laitières de Saône-et-Loire et la chute des rendements céréaliers responsable d’une perte de chiffre d’affaires de – 25 % en système de polyculture.

Les charges évoluent peu, si ce n’est la mécanisation avec une reprise des investissements. En hausse de 5 €, le prix d’équilibre s’établit à 332 €/1.000 litres de lait, indique l’experte. Avec un EBE de 103.000 €, l’équilibre est assuré et la trésorerie préservée. Mais l’efficacité économique baisse. La bonne dynamique laitière de ces dernières années a fait repartir les investissements, confirmait-on. Une bonne nouvelle avec cependant une incitation à la vigilance. Fin 2019, 20 % des exploitations laitières de Saône-et-Loire couraient tout de même un risque moyen ou élevé. 

Les investissements possibles…

« Devant faire preuve d’agilité et d’adaptabilité », les exploitations laitières investissent à nouveau. Si la décision ne doit pas être prise à la légère, « investir et réussir sont compatibles », assure Cerfrance 71. Pour étayer son propos, il compare un groupe dit des « investisseurs » avec l’ensemble des exploitations du groupe. Entre les deux, le niveau de revenu par Utaf est proche, comme quoi « un investissement peut avoir des conséquences minimes sur le revenu », commente Émilie Golin. 

L’approche coûts de production met en évidence un niveau d’annuité moyen de 70 €/1.000 litres de lait. Ce niveau d’annuité atteint 89 €/1.000 litres pour 40 % des exploitations ; notamment celles qui ont investi dans un robot de traite, fait valoir Émilie Golin.

Dans le groupe des investisseurs, la rentabilité est supérieure de deux points par rapport à l’ensemble du groupe. Le niveau de production et la productivité sont supérieurs (+ 1.100 litres par vache).

Si le poste mécanisation est assez proche, la part du bâtiment est supérieure (38 €/1.000 litres pour les investisseurs contre 28 pour l’ensemble du groupe). Les frais financiers sont supérieurs aussi. Les charges de structure identiques. Le taux d’endettement atteint 56 % chez les investisseurs contre 53 % dans l’ensemble du groupe. Et les capitaux pour produire 1.000 litres de lait sont supérieurs de 145 €, équivalant à 40.000 € par UMO.

Si l’efficacité économique le permet

Pour faire face, les investisseurs réalisent des ajustements sur leurs prélèvements privés et ils savent être efficients, explique-t-on.

Révélateur de la capacité de l’entreprise à dégager de la richesse, le rapport EBE/produit brut passe de 27 à 29 % chez les investisseurs. Il doit dépasser 30 %, rappellent les experts de Cerfrance 71.

Investir est donc possible, concluent-ils. Mais la réussite passe par plusieurs impératifs.  « Il convient de respecter les équilibres économiques et financiers. Évaluer l’incidence des investissements sur les coûts de production. Vérifier la cohérence de mes choix avec la stratégie de ma laiterie et les attentes sociétales. Le préalable à tout projet est l’efficacité économique. Enfin, cet investissement se doit d’être transmissible », mettait en garde Émilie Golin.

La loi ÉGAlim patine

Plus de deux ans après la promulgation de la loi ÉGAlim, tous les contrats laitiers n’ont pas encore été mis en conformité. « Nous en sommes loin encore », regrette Francis Amand, médiateur des relations commerciales agricoles, interrogé le 2 décembre. Pour preuve, deux des plus grosses laiteries françaises sont en médiation pour tenter de s’accorder avec les organisations de producteurs sur une formule de prix. Et d’autres sont toujours en discussion avec leurs producteurs. Le médiateur avait pourtant demandé en mai dernier que les accords-cadres soient conclus avant le 1er décembre. Une situation qui agace au plus haut point France OP Lait, le jeune syndicat des OP laitières. « Nous sommes le 1er décembre et il n’y a pas eu d’avancées fulgurantes », dénonce Christine Lairy, directrice de l’OPLGO (producteurs livrant à Lactalis), qui collabore également avec France OP Lait. Pour le syndicat, « ce qui bloque c’est que les formules proposées par les OP qui intègrent les modalités d’ÉGAlim aboutissent inévitablement à une augmentation du prix du litre de lait, et ça les industriels ne veulent pas ».

Une série d'analyses économiques

Cerfrance a organisé une série de webinaires pour analyser comptablement l'agriculture en région, par département et par grande production. Dans notre édition du 20 novembre, une erreur de chiffres s'est glissée dans le bilan comptable des productions "grandes cultures" en Bourgogne Franche-Comté. Le résultat courant moyen a baissé de 24.900 € pour s'établir en négatif à -7.200 € en 2020, contre 17.700 € en 2019. Vous pouvez également retrouver l'analyse départementale dans notre précédente édition. La semaine prochaine, place à l'analyse de la filière bovins viandes.

C.M.