Manifestation pour arrêter les attaques des prédateurs
Objectif zéro attaque de loup !

Cédric Michelin
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Le 12 décembre, à l’image du temps à Mâcon, une cinquantaine d’éleveurs laissait exprimer leur tristesse et leur colère froide, la plus vénéneuse si aucune réponse n’est apportée. Les éleveurs manifestaient sous les fenêtres de la Préfecture alors que se tenait un Comité départemental loup. Accrochant des cadavres de brebis éventrées à la grille, les témoignages poignants ne laissaient aucun doute : « notre élevage n’est pas compatible avec le loup ».

Objectif zéro attaque de loup !

2024 a encore été une année terrible pour la Saône-et-Loire avec 299 animaux tués par des loups. Sans oublier 98 blessés et les « pertes » indirectes de non-gestation pour les survivantes. L’équivalent de deux exploitations rayées de la carte. Des éleveurs ne pouvant trop se plaindre, de peur d’être la cible des ONG pro-loup venant les menacer pour avoir osé demander de l’aide. Les louvetiers craignant eux les procès devant les tribunaux s’ils tirent. Une éleveuse ne voulant pas être nommée de peur de représailles pleurait de désespoir : « l’État nous demande d’accepter que nos bêtes qu’on aime meurent, que ce soit un carnage. Il faut que ça cesse ».

Alors que la FDSEA et les JA de Saône-et-Loire avaient boycotté le Comité loup pour manifester leurs mécontentements, faute de ne pas avoir de réponses concrètes depuis un an sur le secteur de Morey et Saint-Bérain, secteur particulièrement prédaté, le préfet se décidait à sortir et descendre pour aller à la rencontre des manifestants en fin de Comité. Yves Séguy redisait que ses services font au plus vite, dans le cadre fixé par la loi. Message passé lors du Comité loup où l’on notait d’ailleurs la présence de la sénatrice, Marie Mercier, de la députée, Josiane Corneloup, de l’eurodéputée, Valérie Deloge et des deux députés, Aurélien Dutremble et Arnaud Sanvert. Toutes et tous ont écouté les représentants de la chambre d’Agriculture. Éleveur ovin et élu chambre, Alexandre Saunier redisait la volonté de la profession d’arrêter les attaques de loup à travers huit mesures concrètes pour tendre vers le « zéro attaque ».

Yves Séguy se disait sincèrement « comprendre l’exaspération » et déplorait ne pas avoir obtenu de la Préfète missionnée pour coordonner les prélèvements limités à 209 en 2024. Les éleveurs lui faisaient remarquer que le loup sévissant dans le secteur est « déjà comptabilisé mort », après avoir été touché à une patte. D’où son surnom de « loup à trois pattes » qui s’acharne sur les élevages du secteur. Sa perte ne changera rien donc. Le préfet reconnaissait la « récurrence » et le nombre élevé de brebis tuées et veut plaider en ce sens pour obtenir enfin un tir de prélèvement. En attendant, il a permis les tirs de défense à l’exploitation (auparavant à la parcelle). Le président de la FDSEA et le secrétaire-général de JA71, Jérémy Gravalon, le mettait en garde : « on veut rapidement des résultats tangibles, sinon on reviendra », et la colère pourrait être bien plus chaude à calmer cette fois.

1.013 loups en France, sérieux ?

La préfecture de la région Auvergne-Rhône-Alpes a dévoilé le 12 décembre les chiffres de la population de loups en France. Selon la nouvelle méthode de comptage adoptée et annoncée dans le plan loup 2024-2029 « plus fine et proche de la réalité » selon l’État, il y aurait 1.013 loups en France. La préfecture a en outre précisé que les attaques de loup ont augmenté de +4,6 % au niveau national, avec pour conséquence une hausse des victimes de +10,6 %, principalement dans les territoires où le loup est nouvellement présent. Près de 7,5 % des attaques ont touché des élevages bovins. Ce chiffre de 1.013 loups présents en France sur plus d’une cinquantaine de départements fait déjà réagir dans le monde agricole, les éleveurs parlant de sentiment d’abandon. Ils attendent beaucoup du récent déclassement du statut du loup par la Convention de Berne.

Conséquence directe de ce nouveau comptage, seuls 192 loups pourront être tués en 2025. En effet, le taux de prélèvement a été fixé à 19 % et ne sera pas modifié. Rappelons que le seuil de viabilité de l’espace a été fixé à 500 individus.

La profession claque la porte

Plusieurs organisations professionnelles agricoles (OPA) conduites par la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et les Chambres d’agriculture* ont indiqué le 14 décembre dans un communiqué commun qu’elles ne participeraient pas à la prochaine réunion du Groupe national loup (GNL), en raison de deux griefs : Premièrement, elles contestent ce bilan chiffré de 2024. « L’estimation, que nous jugeons inexacte et biaisée, ignore les données et les observations remontées par les acteurs de terrain », indiquent les OPA. Elles enfoncent le clou : « Ces pratiques traduisent un manque de considération inacceptable des représentants professionnels agricoles alors même que la question de la méthode de comptage était à l’ordre du jour ». Secondement, elles regrettent « que la préfète coordinatrice du Plan loup privilégie les médias aux organisations membres du GNL. Une telle méthode mine la confiance que nous nous sommes attachés à bâtir », écrivent-elles.

(*) auxquelles s’ajoutent la FNB (bovins), la FNC (cheval), la FNEC (chèvres), la FNPL (lait) et la FNO (ovins)

Le discours hallucinant de la LPO

Le discours hallucinant de la LPO

Autour de la table, lors du Comité loup en préfecture, c’est un discours d’un représentant de la LPO (Ligue de protection des oiseaux) qui a surpris l’assemblée avec un discours hallucinant ! En débutant ainsi, « là où il y a des meutes installées, il y a moins de dégâts recensés après la première phase de secousse ». Oubliant de dire que c'est normal puisque les élevages disparaissent et ne sont pas repris, faute de viabilité. Mais la suite était encore plus « philosophique », prévenait-il devant le préfet, les représentants des services de l’État, les parlementaires et surtout des éleveurs n'en croyant pas leurs oreilles. Monsieur LPO poursuivait : « Il faut avoir une vision plus large. Chaque espèce a son intérêt. Il faut expliquer que ce monde va nous survivre » à nous être Humains. Cet adepte visiblement de la théorie de l’effondrement global, la collapsologie dit aussi effondrisme, avait donc voix au chapitre alors que ces théories en vogue dans les milieux écologistes, sont très controversées en dehors. Voyant justement que son discours était complètement inapproprié, le représentant de la LPO, concluait sur « l’intérêt touristique et économique » du loup. La salle riait jaune à ce discours d’un militantisme obscur, n’ayant aucune empathie pour les éleveurs prédatés ni pour leurs animaux tués.

Témoignages : « il faut que ça cesse ! »

Témoignages : « il faut que ça cesse ! »

Après le Comité loup, le préfet est descendu de la préfecture pour venir à la rencontre de la cinquantaine d’éleveurs. Syndiqués ou non. Défendant la position officielle et devoir « s’attendre à coexister », les éleveurs rétorquaient unanimement « non, non et non ». Deux éleveuses témoignaient alors. Deux témoignages poignants. S’adressant au préfet et aux services de l’État : « Vous nous envoyez des signaux qu’il ne faut pas tuer le loup. Le loup rentre dans les parcs et on recule malgré x tirs de défenses. Les deux louvetiers chez moi ont peur d’appuyer sur la gâchette à cause de ce mauvais signal. Un jour, cela finira mal. Il y aura un drame humain avec un éleveur ou ses enfants se retrouvant face à un loup. On a tous joué le jeu (des protections, NDLR). Le loup est même décompté mort alors ne nous ressortez pas un tir de défense, il est mort officiellement. On n’en peut plus, arrêtez de nous prendre pour des imbéciles ». Sa consœur, « bientôt à l’âge de la retraite, personne ne veut reprendre ma ferme avec de telles attaques. L’État nous demande d’accepter que nos bêtes meurent, que ce soit un carnage. Je n’ai rien contre vous (au préfet, NDLR) mais il faut que ça cesse. L’élevage extensif, tout le monde est d’accord, mais là, on est obligé de rentrer nos animaux la saison, à l’encontre de ce que tout le monde veut », démontrait-elle l’absurdité de la situation pour notre bocage d’élevage.

Le loup a dépassé les Bormes

Alors que le plafond de l’année 2024 arrive à son terme, un loup a attaqué de nouveau (malgré les protections et patous) le troupeau d’une éleveuse dans un pré situé juste à côté d’une école maternelle et d’un collège. Les services de l’État ont aussitôt autorisé un tir de prélèvement supplémentaire. Quand on parle du loup, les urbains commencent à en voir la queue… et ils changent d’avis sur lui.