Crise du lait
Difficile accord avec Lactalis

Publié par Cédric Michelin
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A l’issue du troisième round des négociations entre les représentants des organisations de producteurs et Lactalis. Le 30 août, un accord a été trouvé pour arriver à un prix du lait à 280€/1.000l en août avec une progression de 5€/1.000l tous les mois jusqu’en décembre afin d’atteindre 300€/1.000l ce mois-là. Cela permettrait, selon la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) d’obtenir un prix moyen annuel de l’ordre de 275€/1.000l. Les actions de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs bloquant les sites Lactalis sur toute la France ont donc été arrêtées.
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Que ce fut dur pourtant ! Après la nuit du 25 au 26 août, la déception était vive après un deuxième échec des négociations entre les organisations de producteurs de lait et leur collecteur Lactalis. Cette réunion, qui se tenait à Paris sous l’égide du médiateur des relations commerciales Francis Amand, s’était à nouveau conclue sans accord. Pourtant, les producteurs mettaient la pression. Depuis le 22 août, les producteurs de lait, bloquaient à Laval le siège social du groupe laitier pour dénoncer la faiblesse des prix qui leurs sont proposés : 246 € les 1.000 L, alors que les concurrents payent au minimum 10 € de plus. Face aux représentants du groupe, les représentants de l’OPCN, l’UNELL, l’APLASE, l’APLBL et l’OPLGO n’avaient pas pu obtenir la revalorisation escomptée, Lactalis ne consentant pas à dépasser 280 € les 1.000 L.

Guerre médiatique



Face à Lactalis qui a accusé la FNSEA d’une « attitude irresponsable », et au Médiateur qui « a eu l’impression que les représentants des organisations de producteurs n’étaient pas en capacité de prendre des positions », la FNSEA a dénoncé la posture de l’industriel qui « traduit un mépris envers les producteurs ». Sébastien Amand, représentant de l’OPNC et présent à la réunion, n’a de son côté « jamais fermé la porte à la discussion : après onze heures de négociations, il n’y avait pas de honte à arrêter quelques heures pour reprendre le dialogue le lendemain », explique-t-il, « mais le Médiateur et Lactalis ont décidé que l’on devait poursuivre jusqu’au bout de la nuit en se disant qu’ils nous feraient céder ». « Ce n’est pas au médiateur de décider ! », s’insurgeait-il. Le ton montait entre les trois parties et chacun se renvoyait donc la balle de l’échec dans une guerre médiatique à distance. Alors que Francis Amand jugeait maladroitement qu’il « n’y a plus de médiation possible dans ce cadre-là » alors que c’est sa mission première, le producteur de lait encourageait alors son départ : « quand on est médiateur pour l’Etat et que l’on se permet de prendre position pour l’une des parties, on n’est plus dans son rôle. Qu’il retourne dans son placard au ministère ! ».

Trouver « un accord juste »



Le ministre de l’Agriculture avait donc appelé, le 26 août, « à la reprise des négociations », recadrant et demandant au médiateur de « poursuivre avec détermination sa mission ». Les producteurs restaient eux en effet bien « déterminés à trouver un accord, mais un accord juste », exigeaient la FNSEA et JA, toujours constructifs, soulignant que « si la France est fière d’un groupe leader mondial du lait, celui-ci ne doit pas oublier qu’il s’est construit grâce à des éleveurs qui lui ont fait confiance ».
Recontextualisant le tout, pour le président de la FNPL Thierry Roquefeuille, « cette négociation ne peut s’affranchir du contexte difficile que nous vivons tous (…), Lactalis doit comprendre que l’avenir de toute une profession et de la filière laitière française est en partie de sa responsabilité ». Car même à 280 € les 1.000 L., Lactalis était toujours en-dessous d’une bonne partie de ses concurrents comme Laïta (290 €) ou la Laiterie Saint-Père (300 €), un signal négatif envoyé au marché par le leader mondial, quand les coûts de production sont aujourd’hui supérieurs à 300 € les 1.000 L. Et les quinze euros de revalorisation finalement annoncés par le groupe au lendemain de la réunion (soit 271 € les 1.000 L.) apparaissaient presque comme une provocation pour les producteurs.

Manifestation nationale



Du coup, une nouvelle réunion était organisé l’après-midi du 26 août en préfecture de Laval. A la demande de Lactalis, la manifestation qui bloquait son siège sociale de Mayenne a en outre été dissoute : menacés d’une amende de plusieurs milliers d’euros par heure, les producteurs ont dû évacuer le « rond-point de la honte du lait », où ils étaient installés depuis cinq jours. Le groupe laitier n’est cependant pas parvenu à entamer la détermination des producteurs qui accentuait leur bras de fer : « après la déception de vendredi, une grosse mobilisation est en préparation dans l’ensemble des régions », annonçait le président de la FNSEA, Xavier Beulin, le 28 août. L'annonce de ce mouvement, commun avec la FNPL et Jeunes agriculteurs, a fait rapidement revenir Lactalis « à la table des négociations avec des propositions décentes », savouraient les organisations le 28 aout. Car au-delà l’enjeu dépassait encore une fois la simple négociation conjoncturelle : « ce combat est fondé et légitime, pas seulement à court terme, mais aussi pour créer, à l’avenir, les conditions d’une relation différente entre les agriculteurs et leurs acheteurs », martelaient les organisations.

Retour d’une dynamique positive



Finalement, la troisième tentative fut la bonne. Un accord a finalement été trouvé le 30 août, après une réunion qui s’est tenue le matin en préfecture de Laval. Le prix fixé est de 290 euros en moyenne sur les cinq derniers mois de l’année (contre 257 € initialement proposés par Lactalis au mois d’août), soit une augmentation de 5 euros du prix aux 1.000 L. tous les mois (de 280 € en août à 300 € en décembre), pour une moyenne de 275 € sur l’année. Le secrétaire général de la FNSEA, Dominique Barrau, a salué cet accord comme « une étape de franchie », et s’est dit satisfait de voir Lactalis revenir sur des niveaux de prix similaires à ses concurrents. La FNSEA souhaite néanmoins un rendez-vous avec le président de Lactalis, Emmanuel Besnier, pour discuter de l’avenir de leurs relations commerciales. Un rendez-vous avait été demandé dès le début du mois d’août par Xavier Beulin, président de la FNSEA, qui n’avait pas obtenu de réponse satisfaisante depuis.
Cet accord « fait mentir la morale de La Fontaine ! Le plus fort, le groupe Lactalis, a été contraint de lâcher et de revaloriser le prix du lait », estiment les trois syndicats. Et Thierry Roquefeuil de nuancer : cet accord « ne va pas à lui seul répondre à la crise laitière qui perdure. La responsabilité des autres entreprises laitières est évidemment engagée ».
Les actions de la FNSEA et des Jeunes agriculteurs bloquant les sites Lactalis sur toute la France ont donc été arrêtées. « Le prix du lait négocié par le Groupe Lactalis pour les prochains mois est largement supérieur à son environnement économique et à ses principaux concurrents coopératifs, dont la répartition d’activités est proche de la nôtre », a indiqué Michel Nalet, porte-parole de Lactalis. Histoire maintenant de détourner et la pression sur les autres transformateurs…