Ce que contient l’accord en lien avec le secteur agricole
L’accord commercial sur les relations post-Brexit conclu le 24 décembre par l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni tente de répondre de façon exhaustive aux principaux enjeux liés au secteur agricole concernant à la fois les règles d’origine, les mesures sanitaires et phytosanitaires ainsi qu’aux nouvelles procédures douanières qui vont indéniablement perturber le flux des marchandises et augmenter les coûts administratifs pour les opérateurs. Analyses (plus sur Agri71.fr).

Après dix mois de négociations, et ce, dans un temps record pour un texte de cette envergure (de plus de 1.500 pages en comptant les annexes), l’UE et le Royaume-Uni ont enfin réussi à s’entendre le 24 décembre, pour conclure un accord commercial réglant leur future relation post-Brexit. Dans ce nouveau cadre, l’UE offre au Royaume-Uni un accès, sans droit de douane ni quota aux exportations, à son marché de 450 millions de consommateurs. En matière agricole, cet accord précise les modalités juridiques concernant les règles d’origine. Sur ce point, le plus grand risque pour l’UE serait d’importer un produit alimentaire transformé du Royaume-Uni ayant comme composant du poulet chloré ou du bœuf aux hormones des États-Unis ou bien du Brésil, pays ne respectant pas les normes européennes en la matière. En concluant des accords commerciaux à tout va, le Royaume-Uni pourrait en effet être amené à revoir à la baisse ces normes en acceptant d’importer ce type de produits agricoles. L'accord UE/Royaume-Uni précise aussi les nouvelles dispositions administratives à adopter concernant les mesures sanitaires et phytosanitaires ou encore les déclarations douanières. L’augmentation de ces formalités administratives aux frontières va indubitablement engendrer de grandes perturbations des flux de marchandises aux frontières, au port de Douvres (Angleterre) mais aussi à celui de Belfast (Irlande du Nord).
La grande (in)dépendance du Royaume-Uni
Avec une balance commerciale agricole très favorable, l’UE exporte pour 41 milliards d’euros de produits agroalimentaires à destination du Royaume-Uni (principal partenaire à l’export), alors que 16 Mrds € sont seulement importés en 2019 depuis le Royaume-Uni. Les Pays-Bas, l’Irlande, l’Allemagne et la France représentent environ 60 % des importations agroalimentaires du Royaume-Uni. Pour l’Irlande, le commerce avec le Royaume-Uni est très important, surtout au niveau des importations : 27 % des importations de l’Irlande proviennent du Royaume-Uni et représentent 46 % du total des importations agroalimentaires irlandaises (contre 4 % en moyenne pour les autres pays européens). Ainsi, les perturbations causées par le Brexit pourront avoir des effets particulièrement négatifs sur l’Irlande en raison de la forte intégration de ces deux économies. En outre, le Royaume-Uni est notamment un importateur net de denrées agricoles de l’UE telles que le bœuf, la volaille, le porc, les produits laitiers, les fruits et légumes ou encore les fleurs.
- Viande de bœuf : le Royaume-Uni est importateur net de viande bovine, principalement en provenance de l’UE. En 2019, 3.479,5 tonnes ont été exportées au Royaume-Uni. Ce dernier importe aujourd’hui plus de 20 % de ses besoins en viande bovine des pays de l’UE, principalement de l’Irlande, notamment en raison du manque de capacités de transformation au Royaume-Uni après la crise de la « vache folle ». Une partie de la viande bovine revient sur le marché britannique sous forme transformée, ce qui fait de l’Irlande le seul exportateur important de viande bovine transformée vers le Royaume-Uni dans l’UE-27. 75 % de la viande de bœuf importée par le Royaume-Uni est désossée et fraîche ou réfrigérée.
- Viande ovine : le Royaume-Uni est un exportateur net de viande ovine et caprine, principalement vers l’UE, principalement sous forme de carcasses et demi-carcasses fraîches, réfrigérées ou congelées. En 2019, le Royaume-Uni a exporté pour 89.143 tonnes à destination de l’UE-27. Il est également un exportateur net d’ovins vivants, ce qui représente la majorité des échanges avec l’UE en termes de volume. Toutefois, en termes de valeur, les exportations de viande ovine et caprine fraîche, réfrigérée ou congelée restent les plus importantes. Par ailleurs, le Royaume-Uni importe une petite quantité de viande ovine et caprine fraîche, réfrigérée et congelée, de préparations ou de conserves de viande ou d’abats d’ovins de l’UE, principalement d’Irlande.
- Viande de porc : le Royaume-Uni est un importateur net de viande porcine. En 2019, les importations en provenance des pays de l’UE-27 se sont élevées à plus de 420.000 tonnes de viande de porc fraîche/congelée (49 %), ainsi qu’à plus de 180.000 tonnes de bacon et de jambon (21 %), 116.000 tonnes de jambons et épaules transformés (15 %), 129.000 tonnes de saucisses et 16.000 tonnes d’abats. Ces produits sont principalement issus de découpes pour lesquelles la demande intérieure est supérieure à l’offre. L’UE fournit presque toute la viande de porc qui entre au Royaume-Uni (419.099 tonnes en 2019). Le Danemark, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique sont parmi les principaux fournisseurs.
- Volaille : concernant les exportations, l’UE est la principale destination des produits avicoles britanniques. En 2019, le Royaume-Uni a importé 434.000 tonnes de volaille, pour un montant de 1,28 milliard d’euros, dont la plupart en provenance de l’UE, notamment des Pays-Bas (493 millions d’euros), de la Pologne (339 millions d’euros), de l’Irlande (102 millions d’euros) et de l’Allemagne (108 millions d’euros). En 2019, le Royaume-Uni a exporté 360.000 tonnes de viande de volaille, ce qui représente 1,23 milliard d’euros. Les exportations ont augmenté de 37 % entre 2014 et 2019. La plupart de ces échanges se font avec les pays de l’UE, l’Irlande (116 millions d’euros), la France (84 millions d’euros), les Pays-Bas (119 millions d’euros) ou l’Allemagne (60 millions d’euros).
- Lait : le Royaume-Uni est un importateur net de produits laitiers (beurre, fromage, babeurre, lait et crème caillés, yaourt, képhir, lactosérum) de l’UE. Plus de 95 % des importations britanniques de produits laitiers proviennent de l’UE-27. Il est aussi un exportateur net de lait, de crème et de poudres. L’UE est un fournisseur important du marché britannique car le Royaume-Uni n’est autosuffisant qu’à 81 % en matière de produits laitiers.
- Vins : le Royaume-Uni est le deuxième marché mondial pour les vins de l’UE en volume (après les États-Unis), avec une valeur d’environ 2 milliards d’euros. Environ 25 % des exportations de vin de l’UE-27 sont expédiées vers le marché britannique, ce qui représente environ 2,8 milliards d’euros chaque année et 45 % de tout le vin consommé au Royaume-Uni.
- Œufs : en 2019, le Royaume-Uni a importé 41.000 tonnes d’œufs pour un montant de 86 millions d’euros. 99 % des importations britanniques proviennent de l’UE, principalement des Pays-Bas et de la France. En 2019, le Royaume-Uni a exporté 14,7 milliers d’œufs pour un montant de 15 millions d’euros. 94 % des exportations britanniques avaient pour destination l’UE, principalement la France, les Pays-Bas ou l’Irlande.
- Fruits et légumes : les flux d’exportation de l’UE-27 vers le Royaume-Uni sont importants tant en volume qu’en valeur, principalement avec l’Irlande et les Pays-Bas. L’UE exporte environ 3 millions de tonnes de fruits et légumes vers le Royaume-Uni. Ce volume représente 10 % du commerce intracommunautaire de fruits et légumes de l’UE. Et 62 % des fruits et légumes du Royaume-Uni proviennent de l’UE-27. Le Royaume-Uni dépend des Pays-Bas pour les jeunes plants, par exemple les plants de tomates, les fraisiers, les arbres fruitiers, etc.
- Fleurs et plantes ornementales : en 2019, la valeur totale des exportations de l’UE-27 vers les pays tiers s’élevait à 4,27 milliards d’euros pour l’ensemble des arbres et autres plantes vivantes, bulbes, racines et similaires, fleurs coupées et feuillages d’ornement. Le Royaume-Uni représentait 32,3 %. Les Pays-Bas sont le principal fournisseur au Royaume-Uni (1 milliard d'euros d’exportations chaque année).
Règles d’origine
Concernant les formalités, une déclaration sur l’origine est établie par l’exportateur d’un produit sur la base d’informations démontrant que le produit est originaire, y compris des informations sur le caractère originaire des matières mises en œuvre dans la production du produit. L’exportateur est responsable de l’exactitude de la déclaration sur l’origine et des informations fournies. L’autorité douanière de la partie importatrice qui effectue le contrôle peut demander des informations complémentaires si elle estime que d’autres éléments sont nécessaires afin de vérifier le caractère originaire du produit. Par ailleurs, chaque partie veille à ce que les autorités compétentes soient en mesure d’imposer des mesures administratives et, le cas échéant, des sanctions, conformément à ses lois et règlements, à toute personne qui établit ou fait établir un document contenant des renseignements inexacts qui ont été fournis en vue de l’obtention d’un traitement tarifaire préférentiel pour un produit. Enfin, si un produit utilise une matière non originaire dans sa production, l’accord indique qu’il peut être considéré comme originaire d’une partie, à condition que : le poids total des matières non originaires mises en œuvre dans la production n’excède pas 15 % du poids du produit, que la valeur totale des matières non originaires pour tous les autres produits n’excède pas 10 % du prix départ usine du produit. Les assortiments sont considérés comme originaires d’une partie si tous leurs composants sont originaires. Si un assortiment est composé d’éléments originaires et non originaires, l’ensemble est considéré comme originaire d’une partie si la valeur des éléments non originaires n’excède pas 15 % du prix départ usine de l’assortiment.
Mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS)
Lorsque la partie importatrice exige des certificats officiels, les modèles de certificats sont applicables aux importations en provenance de toutes les parties du territoire de la partie exportatrice. Le Comité spécialisé du commerce sur les mesures sanitaires et phytosanitaires peut convenir de cas spécifiques dans lesquels les modèles de certificats ne seraient établis que pour une ou plusieurs parties du territoire de la partie exportatrice. En outre, les parties favoriseront la mise en œuvre de la certification électronique et d’autres technologies pour faciliter le commerce. D’autre part, la partie exportatrice doit veiller à ce que les produits exportés vers l’autre partie, tels que les animaux et les produits animaux, les végétaux et les produits végétaux, ou d’autres objets connexes, répondent aux prescriptions sanitaires et phytosanitaires (SPS) de la partie importatrice. Chaque partie veille à ce que toutes les procédures de contrôle, d’inspection et d’approbation dans le domaine SPS soient menées à bien sans retard injustifié. Les contrôles à l’importation ne sont effectués que dans la mesure nécessaire pour protéger la santé et la vie des personnes, des animaux ou des végétaux, sans retard injustifié et avec un effet minimal sur le commerce entre les parties, précise l’accord. Et si les contrôles à l’importation révèlent un non-respect des conditions d’importation, les mesures prises par la partie importatrice doivent être fondées sur une évaluation des risques encourus et ne pas être plus restrictives pour le commerce qu’il n’est nécessaire afin d’atteindre le niveau approprié de protection SPS de la partie. Les parties doivent aussi notifier sans délai, un changement important dans la situation d’un parasite ou d’une maladie, de l’apparition d’une nouvelle maladie animale, d’une constatation d’importance épidémiologique concernant une maladie animale, d’un problème important de sécurité des produits alimentaires identifié par une partie ou encore toute mesure supplémentaire allant au-delà des prescriptions de base de leurs mesures SPS respectives prises pour combattre ou éradiquer une maladie animale ou protéger la santé humaine. La partie qui prend les mesures notifie à l’autre partie une mesure SPS d’urgence le plus rapidement possible et au plus tard 24 heures après que la décision a été prise.
Dans le cadre de l’accord, les parties s’engagent également à renforcer leur coopération en matière de recherche dans le domaine du bien-être animal concernant l’élevage et le traitement des animaux dans les exploitations, pendant le transport et à l’abattage. Tout en fournissant un cadre de dialogue et de coopération en vue de renforcer la lutte contre le développement de la résistance antimicrobienne. Enfin, chaque partie encourage ses services de sécurité sanitaire des aliments, de santé animale et végétale à coopérer avec leurs homologues de l’autre partie dans le but de promouvoir des méthodes de production alimentaire et des systèmes alimentaires durables, indique le rapport.
Douanes et facilitation des échanges
Les deux parties s’efforceront de simplifier les exigences et formalités en matière de procédures douanières afin de réduire le temps et les coûts pour les négociants ou les opérateurs, y compris les petites et moyennes entreprises. Celles-ci adopteront ou maintiendront également des mesures permettant aux négociants ou aux opérateurs de bénéficier d’une simplification accrue des procédures douanières. Ces mesures comprennent entre autres : des déclarations en douane contenant un ensemble réduit de données ou de documents justificatifs, des déclarations en douane périodiques pour la détermination et le paiement des droits de douane et des taxes couvrant des importations multiples au cours d’une période donnée après la mainlevée de ces marchandises importées, l’auto-évaluation et le paiement différé des droits de douane et des taxes après la mainlevée de ces marchandises importées ou encore le recours à une garantie d’un montant réduit ou une dispense de l’obligation de fournir une garantie. En vue d’accélérer la libération des marchandises, les parties adopteront ou maintiendront des procédures permettant la présentation des documents d’importation, y compris les manifestes, afin de commencer le traitement avant l’arrivée des marchandises. Celles-ci s’engagent également à faciliter l’utilisation par les opérateurs du régime de transit. Concernant les contrôles douaniers et indépendamment de l’accord, le Royaume-Uni avait déjà décidé de son côté, d’instaurer une approche graduelle en trois étapes jusqu’au 1er juillet 2021. Ces contrôles aux frontières comprennent notamment de nouvelles procédures de notification, un certificat sanitaire d’exportation pour les produits d’origine animale et un certificat phytosanitaire pour les produits végétaux et enfin des itinéraires d’importation.
Mesures de sauvegarde
En cas de graves difficultés d’ordre économique, social ou environnemental, de nature sectorielle ou régionale, y compris concernant les activités de pêche et les communautés qui en dépendent, la partie concernée peut prendre unilatéralement des mesures de sauvegarde appropriées, limitées dans leur portée et leur durée. La priorité est accordée aux mesures qui perturbent le moins le fonctionnement du présent accord. Et si cette mesure de sauvegarde crée un déséquilibre entre les droits et obligations découlant du présent accord ou de tout accord complémentaire, l’autre partie peut prendre les mesures de rééquilibrage proportionnées et nécessaires pour remédier à ce déséquilibre.
Protocole Irlande-Irlande du Nord : imposition de certificats sanitaires
Depuis le 1er janvier et conformément à l’accord de retrait, tous les produits agroalimentaires (viande, lait, œufs) d’Irlande du Nord qui passent la frontière de l’UE (en mer d’Irlande étant donné que le pays fait toujours partie du marché unique) sont accompagnés d’un certificat sanitaire à l’exportation signé par un vétérinaire. Les produits agroalimentaires entrant en Irlande du Nord à partir du reste du Royaume-Uni devront également faire l’objet de vérifications et contrôles sanitaires et phytosanitaires. Ces derniers débuteront le 1er avril ce qui permettra d’éviter les perturbations dans l’approvisionnement étant donné que les installations portuaires notamment à Belfast ne sont pas encore opérationnelles. En outre, chaque produit importé du Royaume-Uni devra aussi être soumis à une déclaration de douane.
Quels contrôles douaniers ?
Après la conclusion de l’accord sur les relations post-Brexit entre l’UE et le Royaume-Uni le 24 décembre, les principales organisations agroalimentaires de l’UE (Copa-Cogeca, Celcaa et Fooddrink Europe) ont appelé la Commission européenne et les autorités compétentes à fournir rapidement les ressources humaines, techniques et financières nécessaires afin de mettre en œuvre et appliquer les nouvelles mesures douanières et sanitaires et phytosanitaires (SPS). Tout en accordant une attention particulière au commerce des produits entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord afin de préserver l’intégrité du marché unique et de reconnaître la nécessité de solutions durables, notamment en ce qui concerne les mesures SPS et les nouvelles règles d’étiquetage. Ces mesures ont pour objectif d’anticiper toute forme de congestion aux frontières et ainsi éviter d’entraver le flux des produits périssables.
Création de la réserve d’ajustement au Brexit
La Commission européenne a publié le 25 décembre sa proposition de réserve d’ajustement au Brexit d’un montant de 5 Mrds €, approuvée par le Conseil européen en juillet, afin de contribuer à faire face aux conséquences économiques et sociales négatives, à la fin de période de transition soit le 31 décembre 2020, dans les États membres et les secteurs les plus touchés. Cette réserve sera rapide et flexible et couvrira les dépenses dans tout État membre sur une période de 30 mois, précise Bruxelles. Elle permettra entre autres, d’assurer le fonctionnement des contrôles frontaliers, douaniers, sanitaires et phytosanitaires et de sécurité, le contrôle de la pêche, les régimes de certification et d’autorisation des produits, la communication, l’information et la sensibilisation des citoyens et des entreprises. Dans leur déclaration du 24 décembre, les principales organisations agroalimentaires de l’UE (Copa-Cogeca, Celcaa et Fooddrink Europe) appellent instamment la Commission à soutenir les PME, les agriculteurs, les coopératives agricoles et les commerçants qui souffrent déjà des conséquences liées à pandémie de Covid-19. Le règlement proposé doit encore faire l’objet d’une adoption par le Parlement européen et le Conseil de l'UE.