Changement climatique
Comment choisir les dérobées estivales ?

Françoise Thomas
-

En cette période de contexte sanitaire compliqué, Arvalis a opté pour la mise en place de plusieurs webinaires en remplacement des rendez-vous techniques. L’une de ces conférences en ligne a été consacrée, le 11 décembre dernier, aux dérobées estivales, pour étudier la pertinence d’y avoir recours comme élément de réponse au changement climatique et pour guider les agriculteurs dans le choix des cultures à mettre en place.

Comment choisir les dérobées estivales ?

Une culture fourragère estivale a comme intérêt majeur de limiter le recours, dès l’été, au stock de fourrage classique, foin et ensilage en permettant d’allonger la période de pâturage ou d’affouragement en vert. Placée entre deux cultures principales, elle est donc à intégrer dans la rotation. Sa durée de culture sera en principe souvent limitée à moins de 100 jours.
Cependant son choix devra être mûrement réfléchi, tant en terme de date d’implantation, de coût, de recherche de qualité nutritionnelle, d’intégration dans la rotation, de type de valorisation.

Le webinaire d’Arvalis consacré aux dérobées estivales permettait d’en savoir plus sur les éléments à prendre en compte pour chaque situation.
Le choix de la culture fourragère estivale sera notamment fonction de la période d’utilisation recherchée (été ou automne), de son mode de valorisation (pâturage, affouragement en vert, ensilage, etc.), de sa place dans la rotation (on évite par exemple les crucifères dans une rotation de colza, les légumineuses dans une rotation de protéagineux, les graminées dans une rotation majoritairement de céréales, etc.). Évidemment le coût (semence et exploitation) est aussi à prendre en considération.

Conduite au moment du semis

Si les crucifères sont rapides à germer et peu sensibles aux fortes chaleurs, les légumineuses sont, elles, plus lentes à germer et plus sensibles à ces fortes chaleurs. Les graminées sont également plus adaptées aux conditions plus sèches.
La règle cependant pour se donner toutes les chances de réussir cette implantation est de semer le plus tôt possible après le précédent pour bénéficier d’un sol le plus frais possible et de le faire à proximité d’une pluie, car même les variétés les plus résistances nécessitent un minimum d’eau au moment du semis. Il faut également rouler le lit de semences pour faciliter au maximum la germination. Le travail du sol est, quant à lui, à limiter au strict nécessaire.
En terme de fertilisation, il convient de bien s’en tenir aux réglementations régionales (notamment sur les directives nitrates), aucun désherbage n’est à prévoir sur une interculture.

Rendements et valeurs alimentaires

D’après les nombreux essais de modalités sur lesquels Arvalis s’est basé pour réaliser ce webinaire, (23 essais, dans neuf lieux différents, entre 2003 et 2013), il ressort que le rendement des crucifères s’est révélé correct (de 2 à 3 tonnes de matières sèches), plus faible pour les graminées (notamment les seigles), assez moyen pour les légumineuses cultivées en pure.

De là, et en parallèle avec d’autres essais, il semble avéré que le rendement de cultures mélangées (notamment avoine/ pois/ tournesol) est bien meilleur que celui des cultures pures.
Du côté des valeurs alimentaires, les légumineuses arrivent en tête de classement (comme par exemple le trèfle incarnat, la vesce, les lentilles). Il ne faut cependant pas oublier non plus que ces valeurs alimentaires sont dépendantes des stades de récolte. Ainsi, les stades feuillis-végétatifs offrent de bien meilleurs résultats MAT et UFL que les stades épiaison-floraison (c’est notamment le cas pour la phacélie, le RGI, le colza fourrager).
Sans parler non plus de l’appétence de la part des animaux, le stade épiaison entrainant plus de gaspillage.
Enfin, il est rappelé que certaines variétés nécessitent d’être rationnées pour éviter tout risque d’acidose, c’est le cas pour le RGI, les feuilles de luzerne, le colza fourrager. Cela se gère par pâturage au fil ou par affouragement limité.

 

D’après webinaire Arvalis

De nouvelles espèces à l’essai

Des modalités testées par les équipes Arvalis du Centre Val-de-Loire ont mis à l’essai, aux côtés des espèces classiques, plusieurs variétés originaires d’Afrique : lablab, teff grass, blé égyptien, cowpea et trèfle vésiculé. Les essais se sont déroulés sur 2019 et 2020, donc le recul est encore limité mais différents éléments ressortent.

Le lablab (ou rongaï) est une légumineuse qui ressemble à un haricot géant ce qui fait qu’elle a besoin d’un tuteur pour pousser, rôle qui peut être assuré par une graminée, notamment un maïs. Elle se développe dans des températures de sol allant de 18 à 30 °C, elle ne présente pas de nodosité.

Le teff grass est une graminée à cycle court (de 40 à 60 jours). Ses très petites graines nécessitent un semis peu profond et un sol entre 13 et 15 °C. Son herbe fine lui donne une allure de prairie.

Le blé égyptien a un cycle beaucoup plus long, entre 110 et 130 jours, son aspect est proche de celui du sorgho et il peut repousser pour un second cycle.

Le cowpea (ou niébé) est une légumineuse, qui comme le lablab peut être associé au maïs, au sorgho fourrager et au millet perlé mais aussi au sarrasin, il n’a cependant pas besoin de tuteur. Il peut repousser mais ne développe pas non plus de nodosité. La température optimale du sol va de 25 à 35 °C.

Le trèfle vésiculé (ou trèfle flèche) est aussi une légumineuse que l’on peut associer aux graminées fourragères et au trèfle d’Alexandrie, la température optimale du sol se situe entre 12 et 20 °C.

Les éléments qui ressortent sont un rendement correct en cycle 1 (pour le lablab, le blé égyptien). Le teff grass a eu trois cycles. Si celui-ci a été bien consommé par les animaux, le cowpea a suscité un peu moins d’appétence et le lablab a été consommé en dernier choix.

Là aussi plus de gaspillage général lorsque le stade épiaison est atteint, un stade qui arrive vite avec le teff grass en condition séchante.