Transition agroécologique
L’agriculture de conservation en attente de reconnaissance

Ne rentrant ni dans les cases de l’agriculture biologique ni dans celle de l’agriculture conventionnelle, l’agriculture de conservation a encore du chemin pour se faire reconnaître, mais ses dirigeants sont optimistes, car ses valeurs sont reprises par tous les types d’agriculture, a montré une conférence organisée par le think-tank Agridées.

 L’agriculture de conservation en attente de reconnaissance
Avant de céder sa place aux trois niveaux de certification environnementale HVE, de 2002 à 2013, l'agriculture raisonnée a eu toutes les peines du monde à s'imposer.

« Nous ne représentons que 3 à 4 % des agriculteurs en France. Nous avons été jugés trop longtemps pas assez ou trop écolos. Comme nous ne représentons ni l’agriculture biologique ni l’agriculture conventionnelle, nous n’entrons dans aucun cadre institutionnel. Nous ne sommes donc pas reconnus politiquement ». Ainsi s’est exprimé François Mandin, président de l’Association pour une agriculture durable (Apad), et agriculteur en Vendée, à la conférence récemment organisée par le think-tank Agridées sur l’agriculture de conservation des sols (ACS).

Le glyphosate, un symbole très politique

L’ACS peine à se faire entendre parce qu’elle n’est pas encadrée, a reconnu François Mandin. En effet, qu’un agriculteur mette en œuvre seulement deux pratiques d’ACS ou cinq-six, il pourra toujours dire qu’il fait de l’agriculture de conservation, personne ne mettra en doute sa parole. Exemples de pratiques : passer de cinq à huit cultures différentes, faire du semis direct, implanter de l’agroforesterie ou des fleurs mellifères, etc. Un reproche qui est souvent adressé à l’ACS, c’est son recours au glyphosate pour désherber les parcelles en remplacement du travail du sol. Plusieurs intervenants à la conférence ont rappelé que le glyphosate, loin d’être l’herbicide le plus dangereux pour la vie organique, est devenu un symbole très politique, et que des agriculteurs d’ACS, peu nombreux encore il est vrai, sont capables d’en épandre une seule fois en cinq ans.


Carbone : l’ACS en est à 15 %

Ce qui est injustement méconnu, c’est l’agriculture de conservation des sols en tant que solution à l’effet de serre, selon l’Apad. « Alors que l’objectif français est d’atteindre le 4 pour mille, la moyenne des agriculteurs d’ACS en France est le 15 pour mille, soit près de quatre fois l’objectif », a rappelé Francky Duchâteau, responsable des territoires à Agridées. Le 4/1000 est une initiative internationale, lancée à la Cop 21 de décembre 2015. Son principe : une augmentation du stock de carbone de 0,4 % par an dans les sols agricoles suffirait à stopper l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Mais la France, comme l’Europe dans son ensemble, est en retard, par rapport à d’autres pays comme les États-Unis, le Canada, l’Argentine et le Brésil, a regretté François Mandin. « En France, comme chez nous, la mayonnaise ne prend pas », a déploré pour sa part Salah Lamouchi, agriculteur et président de l’Apad Tunisie, faisant remarquer : « Je ne vois pas assez de légumineuses chez vous ».

Des freins avant tout psychologiques

Comment inciter davantage à l’agriculture de conservation ? Par le marché ? « Le marché, c’est bien, mais quand bien même des industries agroalimentaires voudraient acheter nos produits, ils n’en trouveraient pas ! L’initiative doit venir d’abord des agriculteurs », selon François Mandin. Les obstacles au développement de l’ACS sont avant tout psychologiques chez eux. « Le frein est surtout le regard de nos pairs », selon Marc Lefebvre, agriculteur à Guînes dans le Pas-de-Calais. François Mandin est malgré tout optimiste, parce que les grands principes de l’ACS (couverture permanente du sol, semis sans travail du sol, plus grande diversité possible des cultures) sont largement partagés et que l’ACS fait gagner beaucoup de temps à ceux qui la pratiquent. Ce temps gagné permet aux agriculteurs passionnés d’améliorer encore leurs pratiques, par exemple de planter des arbres en bordure de parcelle, comme a témoigné Marc Lefèbvre.