Plan de Relance agricole
D’un "plan Marshall" aux multiples "bugs"

Cédric MICHELIN
-

Cela fait maintenant un an que la pandémie Covid-19 a contaminé le monde et ses économies. Lors de l’annonce du premier confinement, le président de la République annonçait vouloir retrouver une souveraineté alimentaire. L’agriculture était intégrée alors au plan de Relance. Un nouveau "plan Marshall" ? En 2021, les premiers appels à projets laissent plutôt un goût d’inachevé…

D’un "plan Marshall" aux multiples "bugs"

Lors de son entretien télévisé du 14 juillet 2020, le président de la République annonçait que le plan de « relance industrielle, écologique, locale, culturelle et éducative » représentera « au moins 100 milliards d’euros », en plus des 460 milliards déjà engagés en mesures sectorielles et de soutien à l’économie. Souhaitant illustrer « l’objectif » poursuivi par ce plan, Emmanuel Macron a recouru à l’agriculture, confirmant en filigrane que le secteur sera bien concerné par ce plan : « quand vous êtes agriculteurs, non, vous n’êtes pas foutus. Non, vous n’êtes pas l’ennemi du bien-être animal et de l’agriculture, de l’alimentation saine. Ce n’est pas vrai. D’abord, notre alimentation est saine et la France est dans l’excellence du modèle agricole ».
Le lendemain, lors de sa déclaration de politique générale, le nouveau Premier ministre, Jean Castex avait déclaré que, dans le cadre du Plan de relance et du Pacte productif, « tous les investissements dans la filière agricole seront accélérés afin de développer une alimentation de qualité, locale, accessible dans toutes les villes et villages de France ». Détaillant les différents volets du plan de relance, Jean Castex a évoqué l’agriculture au sein d’une enveloppe de 20 Mrd €. Les plus optimistes voyaient là un nouveau plan Marshall...

« Souveraineté agricole » ?

Dans son discours télévisé, Emmanuel Macron s’est attardé sur la question protéique : « En vous aidant (agriculteurs, ndlr), en investissant, on va bâtir une souveraineté agricole qui n’existe pas. Aujourd’hui, j’importe la plupart de mes protéines. Je peux les produire en France, en Europe ». En septembre néanmoins, les parlementaires entraient en piste. La commission des Affaires économiques du Sénat (Coméco) proposait alors déjà des « améliorations » au plan de relance, appelant au passage le gouvernement à « évaluer ce plan de relance point par point » et à « le piloter par les résultats ». La majorité au Sénat estimant que « le grand oublié de la relance est la compétitivité » comme le martèle la FNSEA. « La France perd des parts de marché à l'export tous les jours et importe de plus en plus. (…) Le manque de compétitivité agricole provient de charges et de normes pesant sur les agriculteurs ». Le 3 septembre, le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, annonçait une enveloppe d’un milliard d’euros pour le volet agricole du plan de relance du gouvernement. Le plan Marshall avait vécu.
Cinq mois plus tard, les premiers appels à projet étaient lancés. En premier lieu, le Plan protéines qui fera vite « plus de déçus que d’élus » sur les aides à l’amont. La téléprocédure a même été interrompue face à l’afflux de demandes. À l’échelle nationale pour ce volet investissements amont, « environ 4.000 dossiers ont été déposés pour 63 M€ de demandes de subventions » contre une enveloppe de 20 M€. La Fop, oléoprotéagineux, réagissait alors en redisant qu’il est « urgent de compléter les moyens ». En Bourgogne Franche-Comté, FRSEA et Alliance BFC ont déposé un projet, Profilait, pour améliorer l’autonomie alimentaire et en protéine pour les différentes filières laitières.
Un réabondement a heureusement été décidé au national. Le financement de cette nouvelle tranche n’est pas encore connu. Les services du ministre appellent les agriculteurs qui ont vu leur dossier rejeté à retenter leur chance pour la seconde tranche. Celle-ci sera toutefois réorientée vers les légumineuses, car les dossiers acceptés pour les premiers 20 M€ ont été majoritairement dédiés aux fourrages, et le ministère souhaite préserver un équilibre entre les deux mesures.

Aides à l’agroéquipement : éclusées aussi

La seconde mesure du Plan de relance était dédiée à l’aide à l’investissement dans des agroéquipements... épuisée à son tour en quelques semaines. Preuve que la volonté de réduire les phytosanitaires est réelle sur le terrain. Les 215 M€ dédiés à la conversion des agroéquipements n’ont malheureusement pas suffit. Close depuis le 27 janvier, après avoir connu un « succès massif et rapide », 14.710 dossiers ont été déposés pour un montant de 205 M€ (10 M€ restants sont sanctuarisés pour les départements d’outre-mer). Pour l’heure, il n’est pas prévu que la mesure soit réabondée, expliquent les services du ministre.
En Bourgogne Franche-Comté, la FRSEA est au centre du jeu. Son directeur, Alex Sontag, est venu à Buxy le 5 février pour inviter chacun à rester prêt à candidater sur le reste du plan de relance. « Certes, des appels d’offres sont déjà clos mais il en reste d’autres, notamment pour développer les approvisionnements locaux ». À cette occasion, il rappelait que la profession ne voulait pas « du premier arrivé, premier servi » et attire toujours l’attention à ce que les investissements « aient du sens pour ramener de la valeur ajoutée sur les exploitations ». Ces préalables rappelés, il dévoilait l’envers des dossiers : « il y a plus de 21 mesures du ministère, auxquelles se rajoutent celles de la Région, de l’Europe… c’est une usine à gaz. La FRSEA est là pour défricher ces mesures, que ce soit pour les agriculteurs comme pour les filières ».
D’autres dispositifs vont bientôt se mettre en place avec des enveloppes importantes (97 M€) sur deux ans. Il s’agit notamment du « pacte biosécurité et bien-être animal » ou encore pour la plantation de haies. D’autres mesures sont ouvertes mais ne « sont pas suffisamment utilisées », notamment celles pour faire face au changement climatique (lire encadré). Faisant la liste à la Prévert, le conseil d’administration de la FDSEA se rendait compte qu’il y a de tout : du crédit d’impôt pour sa certification HVE jusqu’à la prise en charge totale du diagnostic carbone pour un jeune installé. « D’ici mai-juin, les dispositifs régionaux seront connus », annonçait Alex Sontag. Il alertait également concernant les appels à projet pour les filières : « c’est décevant, elles ne déposent pas vraiment de dossier à l’exception de Profilait qui cherche à structurer ces filières. Par contre, on voit des start-up ou des magasins franchisés se positionnés, et qui prendront 30 % de marge après sur le dos des agriculteurs. C’est dommage. Mais cela montre bien que c’est aux agriculteurs de se bouger pour leurs projets ». La FRSEA continuera donc de communiquer sur les dispositifs – « connus et opérationnels ; pas que sur les montants d’enveloppes » - via les FDSEA et les journaux agricoles.

Adaptation au changement climatique

Un dispositif d'aide aux investissements permettant d’améliorer la résilience individuelle des exploitations agricoles face aux aléas climatiques est ouvert. Les matériels éligibles correspondent à la protection contre le gel, contre la grêle ou contre la sécheresse. À ce dernier sujet, le Département de Saône-et-Loire et la Région proposent toujours des aides.

En ce qui concerne le plan national, le montant minimal des dépenses présentées dans la demande d’aide est fixé à 2.000 € HT et le plafond de dépenses éligibles est fixé par demande à 40.000 € HT. Pour les Cuma, le plafond des dépenses éligibles est fixé à 300.000€ HT par demande. Le taux de l’aide est fixé à  30 % du coût HT des investissements éligibles.

Pour les demandes portées par les entreprises dont les nouveaux installés ou les jeunes agriculteurs qui détiennent au moins 20 % du capital social, le taux de base est majoré de 10 points. Idem pour les Cuma.

La téléprocédure est ouverte depuis le 4 janvier 2021 et jusqu’au 31 décembre 2022 pour le dépôt des demandes d’aide et toujours dans la limite des crédits disponibles.

Pour demander cette aide en téléprocédure :  https://www.franceagrimer.fr/Accompagner/Plan-de-relance-Agriculture/Aide-aux-agroequipements-necessaires-a-l-adaptation-au-changement-climatique

Le dossier de demande d’aide doit impérativement comporter les pièces suivantes :
- les devis détaillés et chiffrés des investissements avec un intitulé permettant l’identification du matériel par rapport à celui listé en annexe de la décision ;
- les statuts de la société demandeuse pour les autres formes sociétaire que Gaec, EARL et SCEA ; la présence d’un associé jeune agriculteur ou nouvellement installé quelle que soit la forme de la société.