David Pierre
La bonne viande charolaise comme crédo !

Marc Labille
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C’est un habitué du Festival du Bœuf qui a été élu président de la société d’agriculture du Charolais. Éleveur-engraisseur à Volesvres, David Pierre supervisait avec succès depuis dix ans le plus grand des concours de bovins de boucherie. Portrait de ce défenseur de la viande charolaise au parcours professionnel atypique.

La bonne viande charolaise comme crédo !

Âgé de 48 ans et originaire de Gueugnon, David Pierre s’est installé en 2000 à Volesvres en achetant une ferme de 70 hectares plus ou moins à l’abandon. Une installation hors cadre familial après cinq années d’expérience comme salarié dans une exploitation puis dans un groupement de Saône-et-Loire. Déterminé à devenir éleveur, David Pierre s’est installé en pleine crise de la vache folle et de la fièvre aphteuse. L’acquisition de la ferme ne lui laissait guère de marge d’investissement. Pendant quinze années, David Pierre a dû se contenter de vieux bâtiments. Prudent et réfléchi, le jeune agriculteur a tenu à conserver une exploitation à taille humaine. Le cheptel est resté limité à 50 vêlages depuis le début de l’aventure. Le parc matériel est demeuré modeste et les bâtiments ont évolué au gré des améliorations que David a en grande partie réalisées lui-même.

Aujourd’hui, la belle cour de ferme impeccablement rangée et les bâtiments habilement rénovés ne laissent rien deviner de ces années de labeur et de sacrifices. La stabulation récente qui abrite les 50 vaches fait le bonheur de l’éleveur au quotidien. Confort de travail, ergonomie, bien-être des animaux… : David avait mûri tous les plans dans sa tête et aujourd’hui, l’outil répond bien à ses attentes.

Génisses, vaches et bœufs haut de gamme

Il faut dire qu’il a choisi un type de production singulier et exigeant. Ayant toujours côtoyé des éleveurs-engraisseurs, tant auprès de ses employeurs que de sa belle-famille qui l’ont beaucoup inspiré, David Pierre a toujours eu l’objectif de produire des bovins de boucherie haut de gamme. Pour cela, il a acquis un cheptel assez viandé aux confins du Brionnais. Les premières années, la production était vendue maigre pour des raisons économiques. Mais David s’est rapidement mis à acheter quelques « génisses de forme » pour les engraisser. Aujourd’hui, toutes les femelles sont vendues grasses en génisses de trois ans et en vaches de réforme. Une dizaine de mâles partent en broutards ou en taurillons maigres. David produit chaque année entre 15 et 20 bœufs gras de trois ans. « La meilleure viande qui existe ! », assure l’éleveur-engraisseur qui regrette que cette production ait été délaissée par la filière.

Bêtes « épaisses »

Habitué à fournir des bouchers et à présenter ses bêtes dans les concours de bovins de boucherie de la région (Charolles, Autun, Saint-Christophe, Varennes-sur-Allier (03)), David Pierre assume sélectionner des animaux très conformés. Les taureaux sont choisis dans des élevages qui recherchent la même finalité bouchère que lui avec beaucoup de finesse d’os. Plus de la moitié des veaux qui naissent sur l’exploitation peuvent être qualifiés « d’épais » ; autrement dit des animaux très conformés dont une part importante de culards. Cette production particulière n’est pas sans risque, reconnaît David Pierre qui évoque la plus grande fragilité de ce type de bête avec des pertes inéluctables et un taux de césariennes d’au moins 30 %... 

Plus-values

C’est aussi un travail harassant en hiver avec des veaux épais qu’il faut souvent faire téter pendant les huit premiers jours… Avec l’âge, l’éleveur avoue qu’il commence à lever un peu le pied sur cette orientation très viandée. Mais il fait aussi remarquer que le gros du travail se concentre au vêlage. Et puis, dans cette filière de niche où des artisans bouchers continuent à miser sur cette viande haut de gamme, la demande est stable, observe David Pierre. À la maison, les bêtes dont le poids de carcasse moyen est de 520-530 kg, sont valorisées 50 centimes de plus que le standard et les concours permettent de doper cette plus-value. 

Chaîne vertueuse

Aujourd’hui, David Pierre travaille avec les boucheries de « l’Assiette est dans le Pré », un débouché local dont il apprécie le savoir-faire dans la mise en valeur de ses bêtes de haute qualité. Car pour une viande haut de gamme, c’est toute la chaîne qui compte, fait remarquer l’éleveur. En amont du travail de la viande, David Pierre soigne l’alimentation de ses animaux. Si la surface de la ferme a été portée à 128 hectares « pour être plus autonome en fourrage », l’éleveur achète tout l’aliment nécessaire à la finition délicate de ses bovins de boucherie. Et sur ce point, il ne dévie pas de son mash favori composé de tourteau de lin et de pulpe de betterave, complétés de maïs grain et de luzerne. Une formule idéale selon lui, qui exclut l’ensilage et qui est distribuée à tous les âges des animaux, en complément d’herbe et de foin.

Au Festival du Bœuf depuis 1999

C’est par l’intermédiaire des bovins de boucherie que David Pierre en est venu à s’impliquer dans la Société d’agriculture de Charolles. Ses premières bêtes, il les a présentées au tout nouveau Festival du Bœuf dès 1999. Les premières années, le jeune éleveur-engraisseur a dû se contenter de deuxièmes et de troisièmes prix, mais cette confrontation lui a permis de s’améliorer et ses animaux ont fini par se retrouver plusieurs fois parmi les grands prix. À force de côtoyer les organisateurs de ce fleuron de la société d’agriculture, David Pierre a fini par devenir administrateur en 2007. C’était l’année où Gilles Degueurce accédait à la présidence et quelques années plus tard, le jeune éleveur de Volesvres était nommé responsable du concours de bovins de boucherie. Poste qu’il a occupé avec succès pendant dix ans avant d’être élu à son tour président de la société d’agriculture.

Continuer d’innover au Festival…

Au terme de nombreuses années passées à la société d’agriculture, Gilles Degueurce retient en premier lieu le succès du Festival du Bœuf dont il a connu le tout début au milieu des années 1990. Après une première édition qui ne comptait qu’une soixantaine d’animaux, sous la houlette de Paul Chevalier, président de l’époque et d’Hubert Burtin, négociant bien connu des acheteurs, le Festival du Bœuf s’est imposé dans les esprits des acteurs de la filière et dès 1999, il rassemblait déjà plus de 500 bovins. Plus qu’un concours, le Festival a dès le début été pensé comme un outil de communication et de promotion de la viande charolaise. Un évènement « festif ouvert aux familles. Une occasion de faire se rencontrer la filière et les consommateurs dans un contexte différent », se souvient Gilles Degueurce. Cette vision novatrice, le président Paul Chevalier a réussi à l’imposer à son équipe, testant un certain nombre d’idées nouvelles sous le slogan « de la fourche à la fourchette ». De ce volontarisme visionnaire est né le concours des apprentis bouchers, s’ajoutant aux nombreuses animations qui se sont pérennisées, le tout autour de bons repas mettant à l’honneur la viande charolaise. « Le Festival du Bœuf, c’est environ 3.000 entrées payantes pour une manifestation assez lourde à organiser. C’est un gros budget avec un tout petit bénéfice ! Mais nous avons toujours tenu à garder la maîtrise de l’évènement sans faire appel à un prestataire extérieur. Et notre but a toujours été que notre manifestation soit reprise dans les médias pour augmenter encore un peu plus son impact. À l’avenir, il va falloir profiter des réseaux sociaux pour aller encore plus loin dans la communication autour du Festival comme support », estime Gilles Degueurce. « Le Festival a atteint une belle notoriété. Nous continuerons d’innover », ajoute David Pierre qui rejoint l’idée de son prédécesseur d’organiser un concours d’apprentis cuisiniers.

Redynamiser le concours de reproducteurs

Les deux hommes se montrent en revanche plus préoccupés par l’avenir du concours de reproducteurs. S’il demeure le plus important du genre en France, le concours de Charolles souffre de la démobilisation qui frappe tous les concours reconnus de la race. « Elle est le reflet de l’érosion du nombre d’éleveurs, du nombre de vaches allaitantes, du nombre d’animaux inscrits », estime Gilles Degueurce. L’ex-président et son successeur partagent l’idée qu’il faudrait redynamiser ce fleuron de la génétique charolaise. Sans doute faudrait-il davantage miser sur la diversité des besoins des éleveurs charolais qui attendent à la fois du vêlage facile, des qualités maternelles, de la finesse de viande et d’os… Un panel très large « alors que les concours ont tendance à ne mettre en avant qu’un seul type d’animal », regrette Gilles Degueurce. « On aimerait pouvoir évoluer », confirme David Pierre qui pense, par exemple, au trophée viande mettant à l’honneur des futurs reproducteurs à meilleure conformation bouchère. « Il nous faut attirer une clientèle élargie. Quitte à faire venir des éleveurs d’autres régions… ».