Entretien des vignes
« Mouton Services bonjour ! »

Françoise Thomas
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C’est une vision plaisante à voir, « une jolie carte postale », celle de moutons pâturant dans les rangs de vignes. Mais qu’en est-il exactement ? Témoignage d’une viticultrice, Céline Robergot-Cienki dont le mari élève des moutons et pour laquelle cette pratique « rend service » à leurs filières respectives.

« Mouton Services bonjour ! »

En se promenant du côté de Sologny dans le Mâconnais, on peut voir de temps en temps paître des moutons presque au milieu des vignes.

Avec la double casquette viticulteurs / éleveurs ovin, le couple Robergeot-Cienki a, sur le papier, toutes les cartes en main pour pratiquer le pâturage des vignes par les moutons : les parcelles de vigne et les prés sont globalement regroupés et à proximité de chez eux et les vignes sont enherbées. Pour autant, s’ils y ont recours, la pratique a très vite des limites. Explications avec la viticultrice.

« Nous ne pratiquons ceci que dans certaines vignes, celles qui s’y prêtent facilement et encore, pas dans les inter-rangs : nous ne laissons paître les moutons que dans les chaintres, présente la propriétaire du domaine La Pascerette des Vignes. Je rêverai de les lâcher partout, mais cela demanderait d’avoir beaucoup de temps à y consacrer », entre la mise en place des fils électriques et la surveillance du troupeau.

Ainsi, le couple recourt plus à la pratique sur quelques parcelles, car « il faut s’assurer d’avoir des clôtures parfaitement étanches et mettre les moutons dans les rangs de vignes impliquerait de devoir ensuite vérifier qu’aucun palissage n’a été endommagé… », argumente-t-elle. De même, « dès que l’on entame la période de taille, impossible d’avoir les moutons avec les bois laissés dans les interrangs, ils les entraineraient partout ». Vincent Robergeot espère malgré tout pouvoir tenter l’expérience au milieu des vignes l’hiver prochain avec les agneaux dont le gabarit sera plus adapté à la présence des palissages… Ce genre de pâturage ne peut de toute façon être possible que sur la période hivernale, lorsqu’il n’y a pas d’interventions mécaniques dans les vignes.

La viticultrice reconnait que la pratique permet de proposer de l’herbe aux animaux lorsque les prairies autour commencent à en manquer, permettant ainsi de gagner quelques jours de pâturage.

En parallèle, cela évite de consacrer du temps et du gasoil « au simple entretien des chaintres et cela permet d’avoir des bords de parcelles entretenus en fin d’hiver, ce qui est très appréciable », souligne Céline Robergeot-Cienki.

De toute façon dans l’absolu, hors période hivernale, lorsque quelques moutons s’échappent des enclos, « il n’y a pas trop à craindre vis-à-vis du feuillage car on a constaté qu’il n’était pas à leur goût ! ».

Mais il y a malgré tout un élément à prendre en compte : « ceux-ci sont sensibles au cuivre qui les intoxique », donc la pâture, même des bouts de rangs, n’est possible que lorsque les traitements au cuivre ont été suffisamment lessivés.

Au final, le couple apprécie cette pratique qui correspond à leur état d’esprit, tout en lui reconnaissant des limites dans la mise en place.

Poules, poneys, cochons…

Séverine Mornand, elle, est accompagnatrice en tourisme équestre et œnologue, quant à son frère Arnaud, il est à la tête du domaine du Moulin à l’or à Chaintré. Depuis trois ans maintenant, les poneys de Séverine passent leurs journées d’hiver au milieu des ceps. « Nous les mettons sur cette période de février, mars, juste après avoir taillé pour éviter tout risque de casse de baguettes ». Ils y restent la journée, parqués avec un fil même pas électrifié. La jeune femme choisit ses poneys les plus âgés et les plus calmes, « les chevaux, eux, n’arriveraient pas à tourner dans les rangs, les poneys n’ont pas ce problème et sont habitués à tout ». Elle ne redoute pas non plus qu’ils s’attaquent au bois : « tant qu’il y a de l’herbe, c’est toujours ce qu’ils privilégieront ! ». En revanche, l’exercice n’est plus possible dès que les premiers bourgeons apparaissent. Les crottins apportent une fumure naturelle et l’absence de produit désherbant en interrang permet la présence des équidés.
De son côté, la duchesse de Magenta du château de Sully espère bien pouvoir lâcher des poules dans ses vignes. « J’ai fait dernièrement le test avec un groupe de coqs dans le jardin, mais ceux-ci ne grattent pas assez », explique-t-elle. Elle souhaite donc tenter l’expérience avec des poules et elle veut obtenir d’elles « la gestion de l’herbe et des insectes, elles vont aussi scarifier la terre et faire un apport de fumier ». Pour autant, comme pour les moutons, cela ne sera pas possible que sur certaines parcelles et exigera de toute façon la mise en place et la gestion de clôtures pour les protéger des prédateurs. Cela ne sera par ailleurs possible que sur la période hivernale, une fois les vendanges réalisées et avant la pousse de la végétation. Le test grandeur nature est donc désormais un projet pour l’hiver 2021, mais la propriétaire du domaine de l’Abbaye de Morgeot reste très motivée pour le tenter.
Il faut savoir par ailleurs que cochons et oies ont aussi fait leurs preuves dans ce genre d’exercice...