Cuma
Miser sur les énergies renouvelables oui, mais en collectif
« Il faut investir dans les énergies renouvelables et pour cela il faut jouer collectif. Ça tombe bien, les Cuma savent faire ! » lance mardi 30 janvier le président de la Fédération des Cuma BFC, Hervé Delacroix, lors de l’Assemblée générale de la région. Une AG consacrée aux productions d’énergies renouvelables qui ont du mal à se développer sur le territoire.
L’objectif de l’Union européenne est de sortir des énergies fossiles d’ici 2050. Il faudait donc augmenter la production d’énergies renouvelables et en multiplier par deux le déploiement. « Il faudrait notamment avoir multiplié par six les parcs actuels d’ici 2035. Ce sont des objectifs très ambitieux, d’autant plus que le conflit en Ukraine incite la France à sortir de la dépendance au gaz russe », a rappelé Mehdi Miftah, chargé de mission énergie à la Fédération nationale des Cuma (FNCuma). L’Union européenne a récemment tapé du poing sur la table pour faire avancer la transition énergétique et les pays retardataires, dont ferait partie la France. Paris a donc promulgué l’année dernière la loi d’accélération de production d’énergies renouvelables (loi AER). L’intérêt est d’accélérer le déploiement en réduisant le temps d’instruction des projets en les divisant part deux. Pour cela, il existe de nouveaux acteurs vers lesquels peuvent se tourner les coopératives, à savoir les comités régionaux d’énergie, en lien avec les élus locaux. L’objectif n’est pas seulement d’aller plus vite, mais aussi de partager la valeur entre ceux qui participent aux projets et les territoires. La Bourgogne-Franche-Comté est en retard sur ce plan, par rapport aux autres régions françaises. Et, étant donné l’investissement que représente une installation photovoltaïque ou un méthaniseur, l’intérêt de la Cuma semble évident, d’autant plus que la réglementation évolue.
L’autoconsommation collective étendue
En France, l’autoconsommation collective repose sur le principe de la répartition de la production entre un ou plusieurs consommateurs situés à proximité les uns des autres. Concrètement, les électrons produits par une installation photovoltaïque se déplacent du lieu de production vers le lieu de consommation le plus proche. L’autoconsommation collective n’est pas un mode de répartition physique de l’électricité, mais plutôt un mode de valorisation économique. Il existe pour cela trois scenarii possibles. Le premier est la vente totale : l’unité de production d’énergie renouvelable est directement raccordée au réseau public d’électricité ou de gaz. Toute la production est vendue à l’acheteur obligé, et les bénéfices sont répartis entre les copropriétaires. Ce mode est éligible aux aides de l’État. Autre option, la vente des surplus : c’est une autoconsommation Individuelle par les communs. L’installation est raccordée à l’un des points de livraison des parties communes (par exemple, le compteur desservant les ascenseurs, la ventilation, la chaufferie). Les copropriétaires bénéficient d’une réduction de leur facture d’électricité pour les parties communes. Les kWh autoproduits sont exonérés de taxes et du TURPE, et les excédents de production sont éligibles aux aides de l’État. Une configuration qui n’est pas recommandée pour les méthaniseurs en cogénération (qui produisent de l’électricité) en raison de l’évolution des réglementations qui pénalisent l’autoconsommation. La mise aux normes revient parfois plus chère que l’installation initiale du méthaniseur… Enfin, l’autoconsommation collective étendue est une option qui permet la répartition de la production entre un ou plusieurs producteurs et un ou plusieurs consommateurs finals liés au sein d’une personne morale pour organiser la consommation de l’électricité produite, le plus souvent d’origine photovoltaïque. On note ici l’évolution statutaire. « Plus besoin de SAS pour vendre de l’électricité (comme c’était le cas notamment pour Agriméthabresse). Une société, une personne morale organisatrice, de méthanisation peut adhérer à la Cuma, ce qui permet ensuite à la Cuma de facturer les prestations. L’intérêt de se regrouper est, évidemment, de partager les fruits de cette production, mais cela permet aussi d’accéder à des marchés qui sont fermés aux particuliers », précise Mehdi Miftah.
L’exemple d’Agriméthabresse
Déjà bien connue du monde agricole, cette unité de méthanisation a mis près de dix ans à voir le jour à Simard. À l’origine du projet, la Cuma Ensil’vit a donné naissance à la SAS Agriméthabresse qui injecte du biogaz dans le réseau depuis plus de trois ans maintenant. Une activité qui a rapporté à ses six exploitations 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires. La SAS valorise 65 à 85 tonnes de résidus de cultures, de déchets verts, des déchets issus de l’industrie agroalimentaire (eaux sucrées) mais aussi et surtout des effluents d’élevage. Cela lui permet d’injecter en moyenne 120 m3 de biométhane par heure dans le réseau, revendu à 150 € le MWh. Un succès pour les exploitants qui rappellent néanmoins quelques points de vigilances pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure : « Il ne faut pas sous-estimer le gisement des matières premières ; être autonome sur la maintenance et bien se renseigner sur la réglementation », qui a tendance à évoluer rapidement. Autre conseil : avoir quelqu’un qui suit le chantier depuis le début, et plus largement le projet. C’est le cas de cette SAS qui dispose d’un directeur, Henri Cavard, embauché avant la mise en service du méthaniseur. Côté statutaire, le capital social de la SAS est détenu à 35 % par des exploitations et à 65 % par des particuliers. Pour adhérer à la Cuma, la SAS doit avoir plus de 50 % de son capital social détenu par des exploitations agricoles.
Doit-on, dès lors, se lancer dans la méthanisation ? Là où certains voient une opportunité pour ajouter de la valeur ajoutée à son exploitation, David du Clary, conseiller biomasse, énergie et climat à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire, met en garde contre les dangers d’un projet de méthanisation inadapté. Il déconseille fortement de se lancer dans un tel projet seul, notamment en cogénération (pour transformer le gaz en électricité), dont l’investissement est trop important, surtout sans subvention.
L’épineuse question de l’agrivoltaïsme
Contrairement à la méthanisation, dont les projets sont complexes, le voltaïque n’a de cesse de progresser avec une menace, ou une opportunité pour certains : l’agrivoltaïsme. « L’agrivoltaisme doit soutenir l’activité agricole d’une exploitation. Une précision essentielle pour éviter les débordements », précise Mehdi Miftah. Au maximum 40 % de la surface d’une exploitation peut officiellement accueillir des installations d’agrivoltaisme. Il s’agit aussi de vérifier que la majorité des revenus des porteurs de projets restent des revenus de production agricole. Il est important, en outre, de s’assurer que les toits des exploitations soient recouverts, sachant que cela implique des opérations de désamiantage et de raccordement, mais aussi parfois des renforcements de charpentes. « Tout ce qui est sur les toits n’est pas dans les champs », insiste David Cornier, vice-président de la Fédération des Cuma BFC. Attention donc à ces installations qui promettent de générer d’importants revenus, à savoir plusieurs milliers d’euros de revenus de location à l’hectare, mais dont les contours sont encore très flous faute des décrets d'application des lois en cours de rédaction.
Les cumistes veulent donc des revenus qui doivent être utilisés pour soutenir les territoires et non l’inverse. « Il faut surtout surveiller l’impact que pourraient avoir de telles installations sur le foncier et garder de l’agri sous le voltaïsme », martèle David Cornier. Ce dernier estime que les projets doivent impérativement s’inscrire dans une dynamique territoriale qui améliorerait le quotidien de tout un chacun, avec par exemple le financement en commun de raccordements à plusieurs fermes pour élargir le réseau. Mais aussi s’assurer qu’un agriculteur qui prendrait sa retraite ne garderait pas que le foncier, et les panneaux, accaparant ainsi une surface agricole qui ne serait plus exploitée par la jeune génération. Toutes ces questions, et bien d’autres, interrogent les principaux intéressés là. Heureusement, l’objectif des Cuma est de débattre et rassembler.