Pinot
Cépage historique et mythique

Françoise Thomas
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Dans le cadre de visionconférences organisées en début d’année, la chaire Unesco de l’Université de Bourgogne à Dijon en a proposé une autour du sujet « pinot simple cépage ? ». Ceci pour combattre certaines idées reçues sur l’encépagement bourguignon, tout en resituant le contexte historique et cultural.

Cépage historique et mythique

On aime les mythes et les histoires, pourquoi le vin et plus précisément les cépages échapperaient à cette règle ? Le pinot, « cépage mythique de Bourgogne », fédère aussi tout autour de lui récits et croyances, pas toujours vérifiables et donc fondés historiquement parlant. Certes, il est aujourd’hui le cépage synonyme de la Bourgogne partout dans le monde et le garant également de la qualité des vins de la région. Ce cépage, ses terroirs, ses pratiques culturales justifient aujourd’hui la réputation des bourguignons. Cependant, les chercheurs de l’Université de Bourgogne de Dijon ont souhaité rétablir quelques vérités.

Tout d’abord l’ancrage historique du pinot sur le territoire de Bourgogne, tout comme le fait que ce territoire serait son unique berceau ne peuvent être prouvés. En effet, les textes, les traces, qui nous viennent de l’antiquité et même du moyen âge sont peu nombreux et, ne mentionnant pas les cépages, ils ne permettent pas la plupart du temps de déterminer s’il est question du pinot au non. Il faut savoir par ailleurs que des vins du groupe pinot, on en a trace dans le Languedoc dès le Moyen Âge. « Ce que l’on sait, évoque Jean-Pierre Garcia, c’est qu’il y avait souvent une grande diversité de cépages et une grande ubiquité de ceux-ci ». Voyageant facilement avec les hommes sous forme de boutures, de pépins, de pieds de vigne, les cépages ont ainsi fait l’objet d’échanges au fil des siècles et dans de très nombreux secteurs. On retrouvait donc de nombreux cépages dans chaque territoire, et les mêmes cépages dans différentes zones géographiques.

« On sait également qu’au Moyen Âge, la vinification était aussi faite avec de la vigne sauvage et que les vins prenaient le nom du lieu où ils étaient produits », précise encore l’intervenant de la chaire Unesco de Dijon. Alors certes, les vins de Beaune ont vite bénéficié d’une excellente réputation auprès des plus grands, une notoriété notamment due à leur faible quantité, mais cela ne veut pas dire que seul le pinot était cultivé…

Un terroir, un vin 

Pour rétablir le parcours historique des cépages, l’une des difficultés résident aussi dans le fait qu’il n’y avait pas d’harmonisation des noms donnés aux cépages entre les régions. Ainsi « il y a mention de saulvoignien à Chassagne-Montrachet en 1383, cite en exemple Jean-Pierre Garcia, mais s’agit-il de sauvignon, de savagnin, on ne sait pas ! ».

Progressivement, il y a émergence d’une réglementation, « cependant, longtemps prédomine encore la notion que l’effet terroir qui serait meilleur que l’influence du cépage », d’où le peu d’intérêt porté à l’indication des cépages dans la littérature. C’est d’ailleurs sur ces mêmes principes que les climats bourguignons vont naître, actant ainsi la valorisation sur la notion de terroir, de lieu.

Même si la normalisation du vignoble français se développe véritablement à partir du 18e siècle, « une très grande diversification des cépages a malgré tout perduré jusqu’à l’épisode phylloxera ». Actuellement, un retour à ces cépages variés et anciens « tend à renaître ».

Il faut se rappeler aussi que c’est le congrès de chalon de 1896 qui a enfin unifié l’orthographe des cépages. C’est là, par exemple, qu’a été décidé quelle orthographe adopter pour le pinot, "ot" et non pas "eau" et pour le chardonnay (de même pour le gamay), en référence au village du même nom, « mais pour autant ce cépage n’est pas né dans ce village », rétablit Jean-Pierre Garcia. Cependant, cela a malgré tout permis de lier ce cépage à la terre bourguignonne à laquelle il rend si bien hommage.