Comité d’orientation transmission installation
Au minimum 1.447 repreneurs à trouver en cinq ans...

Cédric MICHELIN
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Le 22 mars à la cave de Lugny se tenait le Comité d’orientation transmission installation (Coti) pour faire le bilan de l’année 2021 avec les différents acteurs accompagnants les cédants et les porteurs de projets. Avec un important renouvellement des générations à effectuer dans la décennie à venir, la Saône-et-Loire - bien que volontaire et dynamique – accumule les défis majeurs.

Au minimum 1.447 repreneurs à trouver en cinq ans...

Le Coti est l’instance qui garde un « œil averti » sur les « nouvelles formes » d’installations, débutait son président, Joffrey Beaudot, élu à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire. Cette volonté de renouveler les générations se fait jour à tous les échelons. De la politique nationale et régionale jusqu’au Point accueil installation (PAI), géré par JA 71, en passant par le répertoire à l’installation et bien d’autres dispositifs et organisations.
La responsable du pôle Installation à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, Christine Laugâa, commençait par un bilan de l’année 2021 qui a connu une augmentation du nombre de porteurs de projet accueilli au PAI (332 en 2021 contre 301 en 2020). Preuve de la mutation de l’agriculture en cours, 63 % de ces derniers sont des hors cadre familial, 36 % des femmes et 43 % seulement ont moins de 30 ans. Des chiffres à nuancer cependant puisque 13 % ne savent pas s’ils s’installeront dans le cadre familial ou en dehors ; il reste néanmoins qu’un porteur de projet sur deux n’a pas d’attache familiale agricole et que l’âge pour se lancer est principalement entre 31 et 40 ans.

Le retour des maraîchers

Malgré les crises – économiques et climatiques -, l’élevage bovin viande reste la première production avec 113 candidats (lire encadré), suivi par les ovins/caprins (63) et le… maraîchage qui complète donc ce podium (53 candidats). Aviculture (43), viticulture (35), équin (32), lait (15), grande culture (14), porc (11)… suivent, mais plus loin.
Dès lors, il s’agit de les mettre en relation avec des exploitations à reprendre ou cherchant un associé. C’est là qu’intervient le Répertoire départ installation. En 2021, il a permis 171 mises en relation. Le site web est « monté jusqu’à 50 annonces en ligne », preuve aussi qu’il faut du temps pour trouver la bonne exploitation ou le(la) bon(ne) candidat(e). Et son collègue Gaël Pellenz de poursuivre sur l’accompagnement des porteurs de projet avec les dispositifs Start Agri (remplaçant les stages de parrainage) – permettant aux hors cadres par exemple « de tester la forme sociétaire » - ou le Plan de professionnalisation personnalisé (PPP), qui intègre désormais une nouvelle « partie gestion d’entreprise » au travers de la formation Certicrea. La mise en place de cette formation a nécessité de « gros changements », et administratif pour permettre une prise en charge financière des stagiaires, et sur le contenu de la formation en elle-même (certifiée donc) « pour mieux coller aux attentes » des futurs entrepreneurs.

Mieux formés, mieux préparés

Preuve que le département se veut toujours « précurseur » sur ces sujets, dès juillet 2021, Certicréa a été mis en place avec des modules optionnels (circuits courts, formes sociétaires…). Ainsi, « les porteurs sont mieux formés et le stage obligatoire de gestion comptable se fait avec leur propre projet », rassurait Maxime Bonnot, vice-président JA71. Un bilan sera fait cet automne.
Depuis le 1er janvier 2022, les porteurs de projets doivent passer devant un jury pour « présenter leur projet et leurs acquis ». L’occasion surtout pour les membres du jury, des agriculteurs, de leur prodiguer des conseils en toute bienveillance. « C’est un questionnement, non pas pour juger mais pour bien comprendre leur projet avec tout ce qu’ils ne peuvent pas écrire dans le plan d’entreprise (PE) », rassurait Joffrey Beaudot, qui en profitait pour remercier toute l’équipe de la chambre pour son approche « humaine ». En effet, il s’agit derrière de carrières passées et à venir, d’histoires humaines, de passion et d’argent. D’ailleurs, le président du Coti regrettait des « délais de demandes de financement trop longs et compliqués » et réclamait de la part de la Région qu’elle « fluidifie la mécanique ».

La DJA en débat

L’occasion également de dire à Christian Morel, en charge de l’agriculture à la région Bourgogne Franche-Comté, les doutes sur la nouvelle politique pour les aides à l’installation (DJA). À savoir, la DJA « moyenne » en Saône-et-Loire s’élève à 38.811 € « cachant une grande disparité » en réalité, avec des DJA compris dans une fourchette allant de 18.000 à 56.000 € au maximum en 2021. Fait notable, la dernière « réglementation DJA assouplie » avait permis de voir revenir les viticulteurs vers le dispositif. Évidemment, quatre DJA sur dix concerne encore l’allaitant (contre 6/10 auparavant) et de nombreuses productions (lait, ovin, caprin…) ou ateliers de diversification, y compris en allaitant justement. Partout, le constat est le même : « fastidieux » administrativement, avec de trop nombreux justificatifs à fournir.
La DJA arrivant « à échéance de programmation », la nouvelle formule devrait régler ces points.

Inquiétudes pour les reprises d’élevage

Joffrey Beaudot mettait la pression sur le conseiller régional, il a « des inquiétudes » sur les négociations en cours, la Saône-et-Loire risque de connaître « une sensible baisse DJA ». À la table des négociations actuellement « fortes », les JA BFC et la présidente de JA71, Marine Seckler qui ne veut pas entendre l’argument qu’en Saône-et-Loire, « certains cédants gonflent les prix, que la DJA sert à acheter une voiture… ici, la DJA sert à faire un besoin en fond de roulement de trésorerie et les cédants font des efforts financiers » pour transmettre des exploitations à leur juste valeur.

Christian Morel rangeait donc ses arguments d’éleveur « à Comté » du Doubs. Il tentait d’expliquer sa vision notant que partout les porteurs « se tournent vers d’autres productions que l’allaitant ». Devant gérer de nouvelles compétences avec les aides à l’installation du second pilier de la Pac, la région a « pris un cabinet pour se structurer et s’organiser d’ici fin avril avec l’État restant au-dessus ». Promettant de maintenir la « proximité » départementale, la région veut toutefois une DJA calculée « de manière différente avec un socle plus haut à 75 % et moins d’amplitude de modulation (25 %) », avec pour cela les signes de qualité (10 % pour la valeur ajoutée), l’agroécologie (10 %) et l’adhésion à des collectifs (5 %). Selon leur calcul, la DJA socle avoisinerait 30.000 € alors en 2023.

Pour des exploitations rentables

Christine Laugâa prenait alors deux exemples d’installation « représentatifs », un en bovin allaitant charolais et un autre en élevage caprin avec vente directe. Christian Morel ne pouvait alors que constater leur « fragilité », faisant que tout abaissement des DJA ne permettra plus d’installer ou de reprises convenables. Pourtant, Christian Morel insistait : la DJA n’est qu’une partie de la solution au renouvellement des générations et le « vivier agricole ne suffira pas » à reprendre toutes les exploitations. « Je veux travailler sur la création de valeur » « pour construire des filières à valeur ajoutée », « pour des exploitations rentables » « ce qui changerait complètement les chiffres », espère-t-il pour également attirer encore plus d’hors cadres.
Dans la salle, tous partageaient ce vœu pieux, mais l’histoire n’a pas donné raison à ceux qui avaient fait les mêmes promesses avant lui. De quoi ne pas tenter de tout risquer à l’heure de « combler les 1.447 cédants qui ont plus de 56 ans » sur les 8.000 actifs agricoles « au sens large » qui vont « partir en retraite dans les cinq-huit ans » à venir, voire plus tôt. Autant dire demain, lorsqu’on parle transmission. Les JA BFC sauront lui faire entendre raison.

 

 

Se former pour bien partir en retraite

Pour les cédants, le Point accueil transmission est le passage obligé pour obtenir de précieux conseils à l’heure de « solder » une carrière. « Compter 2 à 4 heures, la première fois et il faut souvent un second rendez-vous », explique Manon Jasserand. En 2021, le pôle installation de la chambre d’Agriculture a fait soixante-dix premiers accueils. Deux ont fait appel à un diagnostic Transmission « pour vérifier la transmissibilité de l’exploitation car on a parfois des valeurs de rentabilité différentes ». Son collègue, Thierry Michel parlait de l’Audit 360 permet aussi de mieux anticiper « des attentes différentes » de la part de repreneurs « voulant parfois réduire la voilure du travail » par rapport au cédant.
Étonnamment, chacun peut constater que « parler de sa ferme » ou « préparer sa retraite » ne va pas de soi toujours et là encore, un accompagnement collectif est possible. Trois journées d’information sur la transmission se sont tenues à Saint-Germain-du-Bois, Neuvy-Grandchamp et ont réuni une trentaine de cédants avec la présence de la MSA et de juristes (gestion des baux…).
Les annonces du Répertoire des départs (RDI) sont largement diffusées « et bien relayées » sur le terrain comme sur Internet.