L’œuf français qui reste toujours un opérateur important sur le marché européen est tributaire de l’évolution des conditions sanitaires. Entre grippe aviaire, concurrence internationale et bien-être animal, il essaie de maintenir ses capacités et conserver son rang.

EXCLU WEB / L’œuf français en quête de relance

Comme l’a résumé Yves-Marie Beaudet, président du Comité national de promotion de l’œuf (CNPO), « côté cuisine, l’œuf a la côte, mais côté poulailler, il est sous pression ». De fait, en ce début d’année 2023, les Français se sont rués vers les œufs. Sur les deux premiers mois de l’année (en comparaison des deux premiers mois de 2022), les achats d’œufs ont progressé de +5,9 %, a indiqué Maxime Chaumet, secrétaire général du CNPO. Il explique ce phénomène par la baisse du pouvoir d’achat de nos compatriotes qui trouvent dans cette protéine animale de quoi se nourrir bien et à peu cher. « C’est le produit anti-crise par excellence pour deux Français sur trois », rapporte le CNPO qui s’appuie sur une étude de 2022. Ce même sondage indique aussi que l’œuf coquille est un produit plébiscité, avec « un taux de ménages acheteurs de 96,5 % en 2022 ». Aujourd’hui, les œufs alternatifs, c’est-à-dire non issus de cages, représente plus des ¾ des œufs achetés, et même 78,5 % sur les mois de janvier et février 2023.

Augmentation des importations

Cependant, le marché souffre de l’épizootie de grippe aviaire qui a bouleversé non seulement le marché français et européen mais également le marché mondial. En France, l’influenza aviaire a touché plusieurs millions de volailles dont 1,2 millions entre août et décembre 2022. Les Etats-Unis ont été les plus touchés avec 45 millions de volailles abattues. « Ce sont 60 millions de volailles qui ont été touchées par cette grippe », a indiqué Loïc Coulombel, vice-président du CNPO. Au plan mondial, la production baisse de 0,8 % par rapport à 2021. Mais en France, la chute est plus rude avec un recul de 9,5 % du cheptel et de 8 % de la production (*). Le nombre d’œufs produits dans l’Hexagone est passé sous la traditionnelle barre des 15 milliards pour se stabiliser à 14,4 milliards. Cependant, la France conserve sa première place au plan européen à égalité avec l’Allemagne et l’Espagne, et l’Europe trône avec 8 % du marché mondial, en deuxième position devant l’Inde (7,3 %) mais très loin derrière la Chine (32 %). Cette grippe aviaire pèse sur la balance commerciale des œufs. Après avoir été positive en 2021 : + 10 000 tonnes et un solde de +17 millions (M€), elle est devenue négative : - 43 000 tonnes et – 79 M€. « Les importations ont augmenté en 2022 de 29 % en volume et de 108 % en valeur », a précisé Loïc Coulombel. Mais elles n’ont été que très partiellement compensées par les exportations qui gagnent certes + 28 % en valeur, à la faveur des hausses de prix, mais qui perdent 12 % en volume.

Ovosexage 

Les producteurs ont également souligné combien les charges de production ont augmenté au cours de l’année passée. Selon l’indice de l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), le coût des matières premières pour nourrir les poules pondeuses s’est envolé de +32,2 en 2022 par rapport à 2021, après une hausse déjà importante cette année-là : + 25 % par rapport à 2020. Au surcoût de l’alimentation animale, se greffe toutes les autres charges liées à l’énergie, au transport, à l’emballage, à la main d’œuvre. Au total, selon l’Itavi, la facture grimpe à + 33 % sur deux ans. Par voie de conséquence, le prix de l’œuf est devenu un peu plus cher pour le consommateur qui contribue également à « assumer ses choix de citoyens », a dit Loïc Coulombel. En effet, les enseignes de la distribution qui adhèrent toutes au CNPO paient une cotisation volontaire obligatoire (CVO) pour la mise en place de l’ovosexage dans les couvoirs. C’est en effet à la demande des consommateurs et des associations environnementales que la France et l’Allemagne ne broient plus les poussins mâles depuis le 1er janvier 2023**. Les couvoirs ont donc été contraints de s’attacher les services de machines très coûteuses (plusieurs millions d’euros), en partie financés par l’État (45 m€) et par la CVO qui a permis de récolter à ce jour 5 M€. « Il faut étendre l’ovosexage à toute l’Europe. Ce serait un minimum », a plaidé Yves-Marie Beaudet par ailleurs inquiet de la mise en place de la directive émission industrielle qui toucherait les exploitations de 20 000 à 40 000 volailles. 

 

(*) Depuis novembre 2021, ce sont 15 millions de poules pondeuses et de poulettes qui fait l’objet de « dépeuplement » selon la formule du ministère de l’Agriculture.

 (**) A de très rares exceptions, expressément prévues par la loi. A ce jour, ce sont les deux seuls pays au monde à avoir mis en place un tel système.