BIOLOGIE
L’urine humaine, l’engrais de demain

Pour la première fois dans le monde, une société girondine commercialise un biostimulant à base d’urine humaine collectée. Une solution qui s’inscrit pleinement dans l’économie circulaire. Une solution d’avenir en termes de fertilisation.

L’urine humaine, l’engrais de demain
La start-up Toopi Organics a créer un biostimulant à base d’urine humaine.

À l’automne dernier, l’annonce a fait couler beaucoup d’encre. Une start-up française basée en Gironde, Toopi Organics, qui collecte l’urine humaine pour, selon leur site Internet, la transformer et la valoriser en biosolutions agricoles, a lancé la commercialisation d’un biostimulant à base d’urine humaine. L’entreprise l’a annoncé par voie de communiqué de presse : « Le volume annuel d’urine collectée atteindra 3,75 millions de litres en 2027 ». Une première mondiale selon la jeune entreprise française labellisée par le ministère de la Transition écologique. Ainsi, pour produire son biostiumulant, Toopi Organics stabilise et hygiénise l’urine avant de multiplier la souche spécifique de Lactobacillus paracasei dans le milieu urino-sourcé à l’intérieur de biofermenteurs propriétaires. Michael Roes, fondateur et Alexandra Carpentier, directrice générale, expliquaient alors : « Si l’idée d’utiliser l’urine comme engrais n’est pas nouvelle, celle de Toopi Organics est complètement innovante : l’urine n’est plus utilisée comme fertilisant, mais comme milieu de culture pour des microorganismes améliorant la capacité des plantes à absorber les nutriments naturellement présents dans l’environnement. Ainsi, TOOPI Organics se distingue particulièrement en relevant un double défi : collecter et utiliser un déchet, l’urine, pour en faire un produit agricole homologué, satisfaisant aux exigences réglementaires les plus strictes, tout en économisant, en amont, l’eau potable des chasses d’eau ».

Une efficacité fertilisante intéressante

L’idée d’utiliser des urines comme engrais n’est en effet pas nouvelle. Selon le rapport final du projet Agrocapi, étude de filières de valorisation agricole d’urinofertilisants conduit dans le cadre du programme Ocapi*, « la fertilisation à l’urine humaine a été pratiquée par un très grand nombre de sociétés, en particulier la France au XIXe siècle » avant d’être mélangée aux eaux usées « dont la gestion ne permet qu’un faible recyclage de ces nutriments ». Une solution ancestrale donc, mais objectivement la fertilisante des urinofertilisants en tant qu’engrais azoté est-elle réellement efficace ? Selon l’Inrae, l’efficacité fertilisante est « proche des engrais minéraux et supérieure à des engrais organiques classiques comme un lisier bovin. Un kilogramme d’azote contenu dans un urinofertilisant a le même effet qu’un kilogramme d’azote d’engrais minéral, à la différence de l’azote des engrais organiques (lisiers) dont l’efficacité est moindre à court terme ». Toutefois, si les urinofertilisants sont, selon Agrocapi, faiblement contaminés en éléments traces métalliques, « la volatilisation ammoniacale apparaît comme un impact potentiel important au niveau de la parcelle ». Ces fertilisants peuvent également contenir des résidus de médicaments, « cependant après une vingtaine d’années d’épandages (essai longue durée), seulement quelques résidus de médicaments ont été quantifiés dans les sols, à de très faibles concentrations, ce qui montre un risque d’accumulation faible dans les sols et des persistances variables selon les molécules », précise le rapport final. Les risques semblent donc être restreints, toutefois faut-il encore séparer les urines aux toilettes et cela nécessite de repenser entièrement les installations. Toilettes sèches, toilettes séparatives à eau… des solutions existent et tendent à se développer partout en Europe. En effet, le programme Ocapi tente depuis 2018 de documenter la dynamique d’installation de collecte sélective des excrétas humains notamment en France et le constat est sans appel : « Les installations de collecte sélective des excrétas humains (toilettes sèches, urinoirs secs, toilettes séparatives à eau) se développent aujourd’hui à un rythme soutenu et, depuis une dizaine d’années, de manière croissante en contexte urbain. Elles touchent également de plus en plus de bâtiments collectifs. » Reste à les démocratiser.

Marie-Cécile Seigle-Buyat

Sources : Inrae.fr, www.leesu.fr/ocapi/ et toopi-organics.com.