Transition agroécologique
Le nouveau plan Ecophyto dévoilé

Les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique ont présenté le 6 mai, le nouveau plan Ecophyto qui vise à réduire de 50 % la consommation des produits phytosanitaires d’ici 2030 tout en favorisant la recherche de solutions alternatives.

Le nouveau plan Ecophyto dévoilé

Après les actions syndicales de l’automne et de l’hiver, le gouvernement avait décidé de faire une pause sur le plan Écophyto. Le 1er février dernier, le Premier ministre Gabriel Attal avait annoncé la mise à l’arrêt de ce plan « au moins jusqu’au salon de l’Agriculture, le temps de revoir les indicateurs et les zonages ». Le 6 mai, la dernière version du plan Écophyto 2030 a été dévoilée. Ce plan ne revient pas sur l’ambition de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2030 par rapport à la période 2011-2013. Il entend « préserver la santé publique et celle de l’environnement » dans une logique « Une seule santé » (One health de l’OMS) ; Soutenir les performances économique et environnementale des exploitations et enfin « maintenir un haut niveau de protection des cultures par une adaptation des techniques utilisées », explique-t-on au ministère de l’Agriculture et à celui de la Transition écologique.

Améliorer le HRI1

Le gouvernement qui entend mettre les moyens financiers adéquats a promis d’allouer 250 millions d’euros (M€) par an dont 150 M€ sur la recherche de solutions alternatives et 50 M€ pour financier du matériel en 2024, 2025 et 2026, soit 750 M€ sur trois ans (2024, 2025, 2026). À cette somme, s’ajouteront 300 M€ provenant du plan France 2030. « C’est absolument inédit », a déclaré Marc Fesneau. Par l’intermédiaire des deux ministères, le gouvernement a confirmé la fin de l’indicateur français Nombre de doses unités (Nodu) qui est remplacé par l’indicateur européen dit de risque harmonisé 1 (HRI1). Ce dernier a été mis en place par une directive européenne* et mesure l’évolution de l’utilisation des substances actives en les pondérant par leurs mentions de danger. Il permet en outre une comparaison homogène avec les autres pays européens. La ministre déléguée à l’Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, a demandé à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de travailler avec ses homologues européens pour améliorer ce HRI1. Une initiative prise pour tempérer la colère des associations écologistes qui estiment que « HRI1 est trompeur ». Pour ces ONG peu avare de désinformation et surmédiatisation, l’indicateur européen affiche « une baisse des pesticides de 32 % entre 2011 et 2021 alors que le Nodu a, lui, augmenté de 3 % dans l’usage des pesticides pendant la même période ». Les ONG françaises voient leur principal axe de communication mis à mal et sont visiblement mauvaises perdantes de revenir sur un indicateur harmonisé et commun à l’Europe…

Zones de captage sensibles

Le Gouvernement a cherché à ménager la chèvre et le chou. En bout de chaîne, l’objectif est bien de préserver la qualité de l’eau et réduire au maximum le financement des traitements des eaux pour fournir au citoyen une eau potable et de qualité. Le gouvernement entend, à ce titre, renforcer la protection sur les zones de captage sensibles car « certaines ne sont pas dans une bonne dynamique », estime-t-on au cabinet des deux ministres. « Notre objectif est d’être dans la prévention avant d’atteindre un seuil de non-retour et d’être contraints de fermer les zones polluées », a dit un conseiller. Pas moins de 1.000 zones de captage avaient été identifiées lors des Assises de l’eau en 2019 et été définies comme prioritaires en 2021. Une étude est en cours pour établir d’ici la fin de l’année, un bilan de ces 1.000 zones. « L’objectif est de créer à 1.000 autres zones de captage supplémentaires », a-t-on indiqué dans l’entourage des deux ministres. Un arrêté devrait être pris en ce sens d’ici à la fin de l’année. De même, les deux ministères auquel s’adjoindra celui de la Santé devraient rédiger un guide à l’attention des préfets et des collectivités locales sur la manière d’agir sur ces zones de captage. Un arrêté interministériel viendra le compléter, là encore « d’ici à la fin de l’année » dit-on au Gouvernement, pour donner des pouvoirs juridiques aux préfets et aux élus. Il faut souligner que les substances autorisées en agriculture biologique et en biocontrôle ont augmenté de 55 % par rapport à la moyenne 2015-2017. Quant aux substances actives les plus dangereuses pour la santé humaine, c’est-à-dire cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 1 (CMR-1), elles ont diminué de 95 % depuis 2015. Le plan Écophyto 2030 devrait trouver une traduction législative, Agnès Pannier-Runacher étant chargée de rédiger le texte, a-t-elle indiqué le 5 mai.

(*) Directive UE 2009/128 dite SUD

PNRI : point de situation

Lancé en 2020, le Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) vise à trouver des solutions alternatives à l’usage de néonicotinoïdes. Au total, ce sont 20 millions d’euros qui sont consacrés à la recherche avec les instituts (Betterave et Inrae). Des études ont été menées pour décrypter le génome du virus de la jaunisse, pour surveiller, évaluer et prédire le vol des pucerons ou encore implanter des plantes compagnes, pour limiter leurs populations. En fait, ce sont des solutions combinatoires qui sont à l’étude, indique-t-on au ministère de l’Agriculture. Elles sont appliquées dans des fermes-test et une conférence prévue au mois de juin devrait dresser le bilan des expérimentations de terrain.

Encore quelques irritants pour la FNSEA

D’une manière globale, la FNSEA prend acte de la nouvelle stratégie Ecophyto dévoilée le 6 mai par le Gouvernement. Par l’intermédiaire de son secrétaire général, Hervé Lapie, elle a fait savoir sa satisfaction « d'avoir un indicateur européen », ce qui « permettra de travailler sur les mêmes objectifs au niveau européen ». Pour la FNSEA, les engagements du gouvernement ont été majoritairement tenus.  Cependant, le syndicat majoritaire regrette l’absence de certains points politiques et techniques. Il est ainsi soucieux d’ajouter à cette stratégie la mention « Pas d’interdiction sans solutions » qui n’apparaît pas dans le texte gouvernemental. Il souhaiterait même l’étendre au plan européen dans un souci de concurrence loyale et inciter « à renforcer les cadres d’analyse sur les enjeux pollinisateurs », estime-t-on à la FNSEA. Cette dernière souhaiterait aussi l’ajout d’une étude coût/bénéfice de l’utilisation des phytos en France et aussi que le gouvernement se penche sur l’acquisition de références concernant les risques environnement et santé liés aux produits de biocontrôle, aujourd’hui peu étudiés. La FNSEA verrait aussi d’un bon œil que l’exécutif précise la notion de trajectoire de réduction, voire de sortie des phytos problématiques. Autant de point qui devraient faire l’objet d’amendements dans le projet de loi qui va décliner juridiquement cette stratégie. Ce texte sera rédigé par la ministre déléguée à l’Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, en lien avec le ministère de la Transition écologique.