Gaec Comeau de Charmoy
Des logettes sur caillebotis pour des allaitantes

Marc Labille
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À Charmoy, la famille Comeau a opté pour des logettes sur caillebotis pour loger 78 vaches charolaises. Construction certes coûteuse et qui mérite d’être bien pensée, mais cette option peut se révéler comme l’une des plus économes en paille. Reportage.

Des logettes sur caillebotis pour des allaitantes
Rémy et Romain Comeau voulaient un bâtiment qui ne fasse pas augmenter la consommation de paille de l’exploitation.

Le Gaec Comeau de Charmoy est aujourd’hui constitué de deux associés : Romain et sa mère Geneviève. Rémy, le père de Romain, a pris sa retraite en 2019. Depuis l’installation du fils en 2007, l’exploitation compte 150 vêlages charolais pour une surface d’un peu plus de 200 hectares. Pour s’associer à ses parents, Romain avait repris une exploitation à une quinzaine de kilomètres du site familial. Sur la ferme de Charmoy, une extension de bâtiment de 48 mètres avait été construite pour 55 vaches à veaux sur aire paillée. Le site disposait également d’une étable entravée de 55 places ainsi que de 34 places de laitonnes. Au fil des années, ces anciens bâtiments ont fini par être « complètement usés », confient Romain et Rémy. La création d’un nouveau bâtiment s’imposait.

Pour les associés, une chose était sûre : « il fallait reloger les animaux sans augmenter la consommation de paille ». Cette contrainte excluait de fait une aire paillée sur litière accumulée. Située en plein hameau, la configuration de la ferme vis-à-vis du voisinage a aussi pesé dans les choix. Un raclage n’était pas envisageable car il aurait fallu construire une fumière couverte ce que ne voulaient pas les intéressés.

La famille Comeau avait déjà une expérience des logettes car sur le second site du Gaec, à Blanzy, Romain avait transformé un vieux bâtiment en y installant des logettes et une aire raclée (lire encadré). « On savait que les vaches se portaient bien en logettes », justifient les associés. Pour concevoir le nouveau bâtiment, Romain confie s’être beaucoup documenté sur Internet où, bien qu’elles soient essentiellement laitières, les références en la matière ne manquent pas. Romain et Rémy se sont aussi beaucoup inspirés des retours d’autres agriculteurs ayant tenté les logettes en élevage allaitant. Ce qui leur a permis d’éviter des écueils.

Autant de logettes que de places de cornadis

Greffée sur le bâtiment de 2007, avec lequel elle partage le couloir d’alimentation, la nouvelle construction a été conçue pour accueillir 78 vaches à veaux. Elle abrite quatre cases d’une vingtaine de vaches chacune donnant d’un côté sur les cornadis et de l’autre, sur une rangée de cases à veaux.

Les logettes bétonnées sont agencées en tête à tête sur deux rangées. Elles sont desservies par des aires d’exercices et des couloirs sur caillebotis qui avancent jusqu’au pied des cornadis. Dans chaque case, le nombre de logettes correspond au nombre de place de cornadis. Les éleveurs expliquent que c’était un peu une obligation en élevage allaitant, car contrairement à des laitières, les charolaises ont tendance à manger toutes en même temps puis à se coucher en cœur. Cet impératif a complexifié la conception des plans du bâtiment, confie Romain. Comme les cases n’ont pas toutes la même contenance (de 16 à 22 vaches), la largeur du couloir d’accès à la rangée de logettes arrière varie selon les cases.

Format, pente, hauteur…

Les logettes étant conçues principalement pour des formats de vaches laitières, la famille Comeau a opté pour les plus grandes proposées par le fabriquant : 1,25 m de large par 2,25 m de longueur. Elles sont d’ailleurs réglables en longueur. La pente du sol des logettes doit être suffisante pour un bon écoulement, informent Romain et Rémy. Un point important lorsqu’un veau venu téter sa mère urine sur le béton de la logette. La marche d’accès à la logette doit être à la bonne hauteur, ajoutent les éleveurs. Trop basse, les vaches risquent de se coucher à cheval sur le bord. Trop haute, elles sont moins pratiques pour les animaux. Au début de l’hiver, les éleveurs épandent un peu de sciure sur le sol des logettes pour « habituer les vaches ». Par la suite, l’entretien se résume à un raclage quotidien des logettes à la main, « d’une vingtaine de bouses seulement pour tout le bâtiment », précisent Romain et Rémy.

Cases à veaux bien situées et confortables

Un des points clés de la conception a été de prévoir des cases à veaux de l’autre côté du couloir d’accès aux logettes. Libres de rejoindre leur mère pour téter, les veaux ont à leur disposition de vastes et confortables cases paillées complétées de onze cases de vêlage/adoption. C’est l’une des particularités de la conduite d’élevage du Gaec : inséminées et échographiées, les vaches sont allotées en fonction des dates de vêlage et chaque jour, l’éleveur surveille les températures pour isoler les vaches prêtes à vêler dans les cases de vêlage.

Précaution supplémentaire, la rangée de cases à veaux ne va pas jusqu’au mur latéral du bâtiment. Un large couloir de service éloigne les cases du bord de la stabulation. Au-delà de l’aspect pratique pour accéder aux veaux et aux vêlages, cette distance évite que les petits veaux ne subissent le courant d’air issu des bardages latéraux, explique Romain. En outre, comme les animaux ne sont pas logés contre le mur, le bardage bois descend presque jusqu’au sol ce qui contribue aussi au bien-être des animaux, fait valoir le jeune éleveur. Au chapitre de l’ambiance, la hauteur raisonnable du faîtage permet un meilleur effet cheminée pour la ventilation naturelle du bâtiment.

Moins de 200 kg de paille par jour…

La recherche d’économie de paille a un coût. 90.000 €, « non subventionnables », précisent Romain et Rémy - ont été nécessaires rien que pour construire la fosse équipée de son mixeur et de ses caillebotis, terrassement inclus et avec pas mal d’autoconstruction. Les sols sur caillebotis surmontent une fosse de 1,50 m de profondeur d’une capacité d’environ 5 mois et demi de stockage. Le brassage est automatisé.

Après un premier hiver de fonctionnement, le nouveau bâtiment s’avère satisfaisant pour la famille Comeau. Pour la consommation de paille, les promesses sont largement tenues puisqu’il faut moins de 200 kg de paille par jour pour le nouveau bâtiment à logettes, « même lorsque tous les veaux sont nés », fait valoir Romain. Le besoin en paille est de zéro en début d’hiver ! « À 3.780 € la place de vache suitée hors subvention, c’est un peu cher », conviennent les intéressés. Mais avec une paille à 75 €/tonne et en décomptant 25 € d’engrais économisé grâce à cette paille, le surcoût des logettes représente le même montant à rembourser que les frais de paille d’une stabulation en litière accumulée, avec un remboursement au bout de 14 ans, calcule Romain. Sans oublier le coût de l’épandage du fumier et du paillage.

Cases de vêlage/adoption bien pensées

Cases de vêlage/adoption bien pensées

Romain et Rémy Comeau se sont équipés de onze cases de vêlage/adoption. Ils les ont volontairement conçues plus longues que de coutume avec 4,50 m de long sur 3 m de large. « C’est pour que la vache puisse se coucher n’importe où avec son veau devant elle. Cela permet aussi de pouvoir mettre la vêleuse ». Chaque case possède un cornadis réglable grâce à une barre amovible. À la fin de l’hivernage, les cases de vêlage sont fusionnées avec les cases à veaux donnant plus d’espace à ces derniers.

 

Plafond isolé et puits de lumière

Plafond isolé et puits de lumière

Ayant opté pour des logettes sur caillebotis plutôt qu’une litière accumulée, les associés ont équipé leurs abreuvoirs d’un circulateur pour les protéger du froid. Autre précaution : pour plus de confort, le plafond est isolé par des panneaux sandwich. « Il ne faut pas gaspiller d’énergie : une vache qui a froid consomme plus », fait valoir Romain. Dépourvu de translucide, le toit pourrait recevoir des panneaux photovoltaïques, imaginent les associés. Pour la lumière, un puits de lumière a été aménagé au faîtage. D’une largeur d’environ 2 m, il parcourt toute la longueur du bâtiment.

Des logettes dans des vieilles étables

Des logettes dans des vieilles étables

Sur la ferme qu’il a reprise pour s’installer en 2007, Romain Comeau a transformé des vieilles étables traditionnelles en une stabulation avec logettes et aire d’exercice raclée pour 68 vaches. Le site comportait un imposant corps de ferme en pierre avec plusieurs granges, étables traditionnelles et écuries. Le choix a été fait de bétonner une aire d’exercice extérieure sur toute la longueur du bâtiment. Cette aire raclée est comprise entre le corps de ferme et une rangée de cornadis desservie par un couloir d’alimentation en plein-air. Les vaches s’abritent sous les anciennes étables où des logettes remplacent les places à l’attache. Les veaux logent quant à eux dans les anciennes écuries. Le raclage est effectué au minichargeur et le lisier est recueilli dans une fosse géomembrane. À l’époque, cette transformation était revenue à 25.000 € à l’éleveur sachant que ce dernier avait pu bénéficier d’une subvention du même montant. Dans le détail, les dépenses étaient : 15.000 € de béton, 15.000 € de tubulaire, 17.000 € de géomembrane + l’électricité, les abreuvoirs, etc. Avec ce système original, les 68 vaches logées consomment seulement 7 tonnes de paille pour passer l’hiver ; l’équivalent de 100 kg par vêlage, fait valoir Romain.