Salon de l’herbe et des fourrages
Un carrefour de solutions à ciel ouvert

Sophie Chatenet
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Entre démonstrations en conditions réelles, ateliers techniques et espace conseil, etc., le salon de l’herbe, organisé la semaine dernière à Villefranche-d’Allier (Allier), a drainé des milliers d’agriculteurs en quête de solutions pratiques pour optimiser leur conduite d’exploitation.

Un carrefour de solutions à ciel ouvert
Bertrand Daveau en compagnie d’éleveurs intéressés par la culture des méteils.

Sous un soleil généreux à peine perturbé par une légère averse matinale, le salon de l’herbe et des fourrages a encore une fois fait le plein de visiteurs, début juin, du côté de Villefranche-d’Allier, dans l’Allier. Après deux ans d’absence, sur une parcelle aménagée de 40 hectares, tout avait été conçu pour répondre au mieux aux interrogations des éleveurs, venus en nombre. Ainsi, la part belle a été faite aux démonstrations des géants des champs, aux matériels combinant les usages promettant toujours des gains d’efficacité, mais aussi aux conseils de techniciens sur les mélanges les plus opportuns, les variétés les plus résilientes face à la sécheresse. Une sécheresse déjà bien présente, puisque l’ensemble du grand bassin allaitant, terreau du salon de l’herbe, rencontre un déficit hydrique préoccupant depuis quelques semaines déjà. À Villefranche, les parcelles de démonstration ont été irriguées à trois reprises dès la fin du mois d’avril. Et force est de constater que cela n’aura pas suffi à amortir les derniers coups de chaud des derniers jours de mai. « Plus que jamais, le salon de l’herbe et des fourrages se veut le reflet de ce que traverse le monde agricole, et à ce titre, difficile d’occulter la nécessaire adaptation au changement climatique », explique Frédéric Bondoux, commissaire général du salon et président de Profield Events, société organisatrice. Si côté machinisme, certains constructeurs manquaient à l’appel, faute notamment de matériels disponibles à exposer en raison des difficultés d’approvisionnement liées à la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, ceux qui étaient présents témoignent d’une envie réciproque de renouer le contact avec les agriculteurs après deux ans chaotiques.

Conseils

Côté distribution, là aussi, le salon est un rendez-vous attendu. « Tous les acteurs du secteur sont présents pour référencer les produits qui seront vendus à l’automne », témoigne Frédéric Bondoux. À l’heure où l’agriculture doit composer avec de multiples défis, du sol jusqu’à la ration, les conseils sont essentiels, comme en témoigne Bertrand Daveau, l’un des 60 experts mobilisés autour du pôle Cap protéines. Lui a animé l’espace variétal, avec un focus sur les méteils grains et fourragers, deux mélanges prisés pour leur robustesse face aux conditions séchantes. « C’est un bon compromis entre productivité et valeur alimentaire, en fonction de la valeur zootechnique souhaitée », témoigne l’ingénieur. Un peu plus loin, au sein de l’espace récolte, les visiteurs ont pu constater les résultats obtenus selon les hauteurs de fauche. « Les questions récurrentes concernent l’itinéraire technique pour l’ensilage, le groupement des andains, et le conditionnement ou non », explique Fabien Gayet, de la Fédération régionale des Cuma d’Auvergne-Rhône-Alpes. En effet, lorsqu’il est question de valeur protéique, certaines précautions s’imposent pour éviter la perte de feuilles au moment de la fauche. Selon le matériel utilisé, Arvalis a ainsi constaté des pertes en volumes de 10 % et de 20 % en qualité. Autant dire que cela vaut le coût d’optimiser sa conduite et son type de mécanisation, qui plus est à l’heure où le gasoil flambe. À ce titre, si les combinés de fauche trois en un promettent des débits de chantier inégalés, le technicien invite à la prudence : « Sur le papier, c’est une bonne idée, mais dans sa mise en œuvre, il a ses limites avec des superpositions d’andains, ce qui, s’ils ne sont pas suffisamment écartés, conduit à des problèmes de séchages voire de fermentation ».

L’herbe, un potentiel sous-exploité ?
Table ronde au salon de l’herbe, animée par Nicole Ouvrad, directrice des rédactions de Réussir-Agra, Laurent Rosso, directeur général de Terres Univia, Jean-Pierre Fleury, président du groupe de travail « viande bovine » au Copa-Cogeca et Dominique Viallard, éleveur de vaches montbéliardes dans le Puy-de-Dôme. © AA03

L’herbe, un potentiel sous-exploité ?

L’autonomie protéique de la France est-elle une utopie… réaliste ? Cette question, Jean-Marie Séronie, agro-économiste l’a posée à l’occasion d’une conférence organisée dans le cadre du salon de l’herbe.

Une question simple qui n’appelle pas de réponse unique. « Nous avons d’abord la question du changement climatique avec un climat méditerranéen qui remonte. Cela veut dire des printemps secs et chauds et des automnes pluvieux ». Vient ensuite un élément plus conjoncturel, la guerre en Ukraine, qui met sur le devant de la scène la question de l’autonomie en matière d’engrais azotés. Une question ambivalente donc pour l’élevage sur fond de tensions sur les marchés, d’arbitrages sur l’alimentation humaine et non humaine et animale et non animale et de changement climatique. Le total des protéines consommées par les animaux en France est de 15 millions de tonnes dont 5,8 millions de tonnes de matières protéiques concentrées et 9,3 millions de tonnes de fourrages. Ainsi, « à la louche, les ressources en fourrages représentent une production totale de 80-90 millions de tonnes pour une consommation de 70-72 millions de tonnes soit 10 à 20 millions de tonnes perdues dues à des refus ou des pertes de stockage. Un volume correspondant peu ou prou à l’équivalent de la MAT apportée par les tourteaux chez les ruminants ». Dès lors, l’économiste alerte sur la nécessité d’avoir une vision transversale de l’indépendance protéique et termine par une nouvelle question qui s’avérera centrale dans les années qui viennent : « L’herbe, un potentiel sous-exploité ? ».
Marie Renaud