EXCLU WEB / Fertilisation : L’Unifa fait valoir ses arguments

Christophe Soulard 
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Réunie en assemblée générale mi-juin, l’Union des industries de la fertilisation (Unifa) entend conserver ses capacités de production et produire des engrais moins énergivores. Mais l’équation est plus compliquée qu’il n’y paraît.

EXCLU WEB / Fertilisation : L’Unifa fait valoir ses arguments

« Être ancré dans le territoire, au plus proche des agriculteurs, se battre pour maintenir et développer nos moyens de production ». Tel est le mot d’ordre général lancé le 16 juin par la nouvelle présidente de l’Union des industries de la fertilisation (Unifa), Delphine Guey. En effet, le contexte ne prête guère à l’optimisme avec une hausse du prix des énergies à partir desquels sont fabriqués les engrais minéraux. Le prix du gaz a été multiplié par quatre en quelques mois et les producteurs de fertilisants cherchent des solutions alternatives compatibles avec les objectifs fixés par l’Union européennes. « Depuis que je suis arrivée à mon poste (septembre 2016, ndlr), j’ai connu trois fermetures de site. C’est un vrai souci pour les agriculteurs. Il nous faut rester à proximité des bassins de production agricole », a témoigné Florence Nys, déléguée générale de l’Unifa. Il reste à ce jour, 36 entreprises et 77 sites de production en France. La France importe, bon an mal an environ 11 millions de tonnes d’engrais, dont une grande partie de la Russie aujourd’hui en guerre et qui a fermé ses frontières. Tout l’enjeu est donc d’en produire plus en France, tout en anticipant les objectifs affichés par l’Union européenne. S’il y a encore un an, il était moins cher d’importer que de produire sur place, la donne a totalement changé.

« Régime sans sel »

Produire plus d’engrais azotés en France n’est pas impossible surtout dans la perspective de réduire la facture énergétique, ce qui rendrait ces engrais plus rentables que d’en importer. Plusieurs pistes sont envisagées notamment produire des engrais à base d’hydrogène, grâce à l’électrolyse de l’eau. Mais cela suppose que cet hydrogène provienne lui aussi d’énergies vertes pour réduire l’empreinte carbone. Car aujourd’hui, il faut 10 tonnes de carbone pour produire une tonne d’hydrogène. Sans compter l’eau nécessaire : 11 mètres cubes d’eau pour produire une tonne d’hydrogène… Un projet pilote est mené en Alsace, à Ottmarsheim, avec la volonté d’économiser à terme 48 000 tonnes de CO2 par an. La mise en chantier du site de production est prévue pour la fin 2025. Le sujet est d’autant plus complexe qu’il n’y paraît qu’il « faut aussi penser à décarboner dès le début, bien en amont », insiste Pierre de Raphélis-Soisson, directeur de développement chez Hymanis, la filière hydrogène d’EDF. Or le coût de production est encore important : environ 6 € pour produire un kg d’hydrogène. « Il faudrait arriver à 3 €/kg », avance Bertrand Walle, responsable Climat & Energie chez Borealis. Chacun s’accorde à reconnaître que la filière est hautement stratégique. Sans nutrition des plantes, moins de rendements et donc plus à importer, ce qui contrecarrerait les objectifs de neutralité carbone et de souveraineté alimentaire affichés par le Gouvernement. « Attention à ce que l’Etat ne nous mette pas au régime sans sel. Nos plantes ont besoin de se nourrir et ce sont elles qui nourrissent nos populations », prévient Jacques Barthès, président des fertilisants organo-minéraux et organiques (FOMO). Quand bien même les agriculteurs français ont réduit leur consommation d’engrais de 43 % en 30 ans, la filière fertilisation fait encore travailler « 4 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros par an, » conclut Delphine Guey.