Bérangère Abba, secrétaire d’État à la Biodiversité
« La HVE ne doit pas prendre le pas sur le bio »

À l’occasion du congrès mondial de l’UICN à Marseille, Bérangère Abba, secrétaire d’État à la Biodiversité, est revenue sur quelques dossiers chauds de son portefeuille (prédateurs, HVE, etc.) et sur les enjeux des tous prochains mois. Le Varenne de l’eau, la présidence française de l’Union européenne, la Cop15, mais également la chasse... 

« La HVE ne doit pas prendre le pas sur le bio »
Bérangère Abba dévoilera à l’automne des mesures pour la gestion des dégâts de grand gibier, suivies début 2022 d’une stratégie biodiversité nationale. Crédit photo : Antoine Lamielle

Varenne de l’eau, Cop26, présidence française de l’UE (PFUE), Cop15 : comment abordez-vous l’agenda chargé des prochains mois ?
B.A. : Jusqu’en avril prochain, je serai à l’ouvrage ! J’entends présenter la stratégie nationale biodiversité tout début 2022, en allant plus loin sur les questions de financement et sur l’intégration des aspects communautaires et internationaux. Dans la foulée, nous aborderons les questions de déforestation importée, de produits chimiques et de pollutions mais également les clauses miroirs dans le cadre de la PFUE, au-delà même de la question des pesticides.
Nous devons aussi mettre un coup d’arrêt à la croissance des dégâts de gibier, qui ont pris une place trop importante dans le quotidien des agriculteurs, et qui mettent en difficulté l’équilibre financier des fédérations départementales de chasseurs. Nous sommes en train de finaliser les discussions, mais nous avons une base avec un paquet technique partagé par les agriculteurs et les chasseurs que nous allons proposer aux instances concernées.

Le Varenne de l’eau est actuellement l’un de vos plus grands chantiers communs. Malgré les manifestations contre les bassines, et l’absence de certaines ONG, parviendrez-vous à réconcilier sur ce dossier-là ?
B.A. : Les débats sont pour l’heure de bonne tenue, et tout espace de dialogue commun représente un pas constructif. Ce que nous avons à défendre dans ce Varenne, c’est une nouvelle approche plus équilibrée de la ressource en eau. Dans le cadre des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE), sur la gestion quantitative, nous devons parvenir à concilier les besoins et les disponibilités. Si notre regard a évolué, parce que nous avons une connaissance locale plus fine de la ressource, ou parce que les perspectives l’imposent, nous devons pouvoir réévaluer les projets. Comme sur les produits phytosanitaires, notre responsabilité est de ne pas laisser les agriculteurs dans l’impasse.

À la suite d’une note interne de l’OFB qui a relancé récemment le débat, faudrait-il selon vous plus d’exigence dans la HVE, ou plus de biodiversité dans la bio ?
B.A. : Nous ne devons pas nous priver de tout ce qui peut être la première marche d’une transition agroécologique. Il est donc légitime d’accompagner la HVE, que nous avons largement reprécisée. Mais la HVE ne doit pas prendre le pas sur le bio, qui est l’étape suivante, plus ambitieuse, en termes de transition. Je crois que tout peut coexister pour amorcer des démarches de changement, afin de nous adapter à la maturité des projets et des territoires. Que ce soit dans ÉGAlim ou dans la loi climat, nous avons largement éclairé ces sujets et plus largement celui de tous les labels.

Quel bilan tirez-vous des dispositifs mis en œuvre autour de l’ours ou du loup ?
B.A. : Il faut évidemment sortir des tensions très vives localement, parce que liées aux émotions compréhensibles des agriculteurs. Le pastoralisme a toute sa place dans les espaces naturels, ces prédateurs l’ont eux aussi et la retrouvent : de nombreux exemples montrent que les choses peuvent bien se passer.
Les espaces de dialogue locaux existent autour des préfets, avec la participation des élus locaux comme du monde agricole, et nous devons préserver cette concertation. Sans parler de l’indemnisation, parce qu’il est toujours regrettable de devoir en arriver là, les moyens de protection comme les chiens, les aménagements, le matériel, commencent à donner des résultats probants. Nous savons aussi prendre en responsabilité les décisions qui s’imposent, en les encadrant avec le préfet Célet. Je l’ai vu chez moi en Haute-Marne, où le préfet a accordé une autorisation de tir sur un loup qui s’attaquait à des élevages qui avaient mis en place des dispositifs de défense.

Où en est la mise en œuvre de la Stratégie nationale contre la déforestation importée ? La France défendra-t-elle, dans le contexte du cadre européen en cours d’élaboration, des exigences plus strictes de transparence vis-à-vis des importateurs ?
B.A. : Il y a une sensibilité très forte dans la société sur ce sujet, chez les consommateurs, mais également chez les importateurs et les entreprises, qui savent s’adapter et accompagner le développement de filières locales durables.
Avec la SNDI, nous avons mis en place les outils. Ce qui est nouveau, c’est le croisement des données satellitaires et douanières, grâce à une disposition que j’ai introduit dans le projet de loi climat et résilience. Cette mesure nous permet de bénéficier aujourd’hui de séries douanières anonymisées et d’embarquer les importateurs et les entreprises dans des démarches vertueuses. Quand les données montreront que les importations sont liées à de la déforestation, nous pourrons prévenir les importateurs grâce à un mécanisme d’alerte, qui constitue la première marche du dispositif.
Nous avons également besoin de mesures plus fortes au niveau européen. Nous travaillons donc actuellement pour renforcer des coalitions avec les États membres les plus moteurs. J’assure notamment la présidence du partenariat d’Amsterdam, qui doit nous permettre de mieux coopérer avec le secteur privé. Nous souhaitons obtenir une législation communautaire la plus ambitieuse et la plus solide possible que nous sommes impatients de négocier pendant la présidence française.