EXCLU WEB : « Miimosa s’inscrit dans le sens de l’histoire »

Fondée en 2015, Miimosa est la première plateforme de financement entièrement dédiée à l’agriculture et l’alimentation. À travers elle, des citoyens financent des projets par des dons (avec contreparties) ou des prêts (en plaçant de l’épargne). Rencontre avec son fondateur, Florian Breton. 

EXCLU WEB : « Miimosa s’inscrit dans le sens de l’histoire »

De quel modèle économique vous êtes-vous inspiré pour créer votre site de financement participatif, Miimosa ? Celui du Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, spécialiste du micro-crédit ? Un autre ? 

Florian Breton : Si le modèle de Muhammad Yunus a pu influencer le modèle de Miimosa, je n’oublie pas qu’il existait, au XVIIe siècle un modèle participatif faisant appel à la charité. Au XIXe siècle, la statue de la Liberté fut érigée grâce à un financement participatif. Plus près de nous, les banques mutualistes s’inspirent peu ou prou de cette philosophie. À titre personnel, j’ai toujours voulu entreprendre dans la sphère agricole, sans doute en cohérence avec mes racines, mon éducation, en souvenir de mon grand-père qui était viticulteur dans les Pyrénées-Orientales et parce que j’ai identifié très tôt que l’agriculture serait la grande thématique des vingt prochaines années et qu’il fallait en accélérer les transitions pour répondre aux défis de l’humanité.

Pour accompagner la transformation du secteur agricole, après avoir étudié le secteur de la distribution alimentaire, dominé par les surfaces alimentaires, j’ai souhaité m’attaquer au financement de l’agriculture. En dehors du fermage et du métayage, qui date respectivement de l’Antiquité et du Moyen-Âge, les principales sources de financement du secteur agricole sont la Politique Agricole Commune et le crédit, datant de la fin du 20è siècle, très largement dominé à ce jour par les banques mutualistes territoriales, qui financent 97 % du secteur.

Ainsi, le marché du financement de l’agriculture, n’a pas rencontré de réelle innovation depuis plus d’un siècle. Au regard des transitions de ce secteur, du désir de simplicité, rapidité, flexibilité des professionnels du secteur, l’évidence fut d’apporter une nouvelle offre, une alternative aux financements traditionnels. 

Miimosa a maintenant plus de six ans d’existence. Quel bilan tirez-vous de votre expérience ? 

FB : Je retiens de ces six premières années une aventure entrepreneuriale extraordinaire, qui a demandé beaucoup d’engagement et qui nous fait vivre, à mes équipes et moi-même, le grand huit émotionnel. Mais comme j’aime à le répéter : rien de grand ne se fait sans passion. Nous avons pu accompagner plus de 4 500 projets pendant cette période, un record mondial pour une plateforme thématique, et nous engageons maintenant chaque mois plus de 150 nouveaux projets. 

Vous attendiez-vous à un tel succès et à une telle croissance ?

FB : Mon ambition, ma détermination et mon audace m’obligent à répondre par l’affirmative. Quand je me suis lancé dans cette aventure, j’avais l’intime conviction que les mutations du monde agricole allaient venir et qu’il était possible de recréer ce lien direct entre l’agriculteur et le consommateur, lien qui s’était distendu depuis de nombreuses années. Avec mes équipes, nous nous attendions à avoir un vrai et beau succès. Les faits nous ont donné raison : Miimosa est aujourd’hui la première plateforme de financement participatif dédiée à l’agriculture et à l’alimentation au monde. Nous sommes la première plateforme thématique mondiale. 

Selon vous, qu’est-ce qui motive les personnes à s’engouffrer dans ce système de financement très spécialisé ? Les ressorts psychologiques et/ou économiques sont-ils les mêmes que ceux des investisseurs auprès desquels vous réussissez à lever des fonds ? 

FB : Avant de répondre concrètement à votre question, je précise que, depuis sa création, MiiMOSA a réalisé 60 M€ de financements cumulés. La trajectoire est cependant exponentielle : en 2018, notre financement annuel fut de 3 M€, en 2019 à 9 M€, en 2020 à environ 18 M€ et cette année pour atterrir à 35 M€. L’engouement est tel pour les projets agricoles et agroalimentaires que nous tablons sur un financement cumulé de 400 à 500 M€ à l’horizon 2025. À notre produit historique, le don avec contrepartie en nature (produits, séjours…), a été adossé en 2018 une offre de crédit inédite permettant le financement, en quelques jours, de projets compris entre 15.000 et 3 M€.

Pour en revenir à votre question, ce qui motive les investisseurs, c’est qu’ils donnent du sens à leur engagement financier. Ils savent très clairement quel projet ils vont financer, où et pour quelle finalité, comme par exemple financer les Fermes de Normandie qui souhaitent acquérir une exploitation de 114 hectares en Bretagne pour agrandir une production de lin sans pesticide ou encore financer le développement du Potager Marollais, qui crée une filière de légumes de plein champ dans la Sarthe. Les investisseurs ont un impact et une réelle fierté à devenir des acteurs à part entière de l’agriculture et de l’agroalimentaire. 

Parmi tous les projets que vous avez portés, y en a-t-il un pour lequel vous avez un réel coup de cœur et qui s’identifie pleinement à votre idéal ? Si oui lequel ? Si non pourquoi ? 

FB : C'est une question qui m'est régulièrement posée mais à laquelle il est difficile de répondre. Tous les projets sont uniques et toutes les histoires qu’ils façonnent sont très belles. Ce qui est le plus important, c’est quand nous réussissons à changer des destins de vie, que le projet prend forme et que le succès est à l’arrivée. 

Miimosa a obtenu en mai 2021 l’accréditation BCorp qui certifie les entreprises qui intègrent dans leur modèle d'affaires et dans leurs opérations des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux. Est-ce un symbole ? À quoi ça sert ? 

FB : Je ne pense pas qu’aux yeux du secteur agricole cette certification BCorp ait une réelle signification. Cependant, pour nous, elle représente la véritable cohérence entre le modèle agricole et agroalimentaire que nous finançons et l’attitude même de l’entreprise qui respecte cette transition écologique. Miimosa s’inscrit dans les 17 objectifs de développement durable de l’ONU (ODD), dont je rappelle que dix sont directement connectés à l’agriculture. Nous nous imposons des exigences en termes de gouvernance, de responsabilité sociale et d’écologie. Seules 4 000 entreprises dans le monde disposent de ce label, dont seulement 130 en France. 

Comment Miimosa se projette-t-il dans dix ans ? Avez-vous de bonnes chances de concrétiser les objectifs que vous vous êtes fixés ? 

FB : Difficile de prédire les dix prochaines années de Miimosa car il est impossible de prédire les dix prochaines années de notre monde, de nos économies. Depuis la crise sanitaire, les citoyens que nous sommes et les entreprises ont une autre lecture du monde qui les entoure. L’une de leurs préoccupations principales est aujourd’hui le dérèglement climatique et ses conséquences concrètes au quotidien. Miimosa s’inscrivant dans le sens de l’histoire, notre potentiel est immense. Je suis convaincu que Miimosa va s’inscrire durablement dans le paysage agricole français et européen, en tant que marque et référence en matière d’impact. Concernant le comment, j’ai énormément d’idées (encore confidentielles), je suis animé par la même énergie et détermination que les premiers jours. 

Votre modèle est-il reproductible et transposable dans d’autres pays ? 

FB : Je rappelle que nous sommes présents en Belgique depuis 2018. Pour information, il existe à ce jour 12 plateformes de financement dans le monde dédiées à l’agriculture, dont cinq aux États-Unis. Nous avons été sollicités par de nombreux pays, ce qui prouve la pertinence de Miimosa.

Cependant nous nous sommes heurtés à deux freins :

- le premier est réglementaire : jusqu’à maintenant, l’Union européenne n’avait pas donné son accord pour harmoniser les règles. Fin 2021, elle devrait avoir remédié à cet obstacle en instaurant un nouvel agrément pour « passporter » ce modèle de financement alternatif à l’étranger

-  le second est stratégique : il est important que Miimosa atteigne une taille critique plus importante avant de déployer son modèle dans de grands pays. Encore un peu de patience ! 

Pourquoi le nom Miimosa? 

FB : C’est un nom solaire, rayonnant, mémorisable, exportable. De plus, j’aime le symbole du mimosa, première fleur de l’année, elle apporte de l’espoir et annonce le retour des beaux jours, le renouveau. C’est une fleur qui incarne parfaitement notre mission. 

Florian BRETON bio express 

Petit-fils d’agriculteur, Florian a toujours intimement nourri une admiration pour l’agriculture et les agriculteurs. Après avoir fait ses études dans le management à KEDGE Business School et travaillé durant sept ans dans l’audiovisuel, il fonda début 2015 Miimosa avec pour ambition de réinventer et révolutionner le financement de l’agriculture et de l’alimentation en le rendant simple, rapide et inclusif, par la participation des citoyens et des institutionnels.

Par ailleurs, il est le co-fondateur et co-Président de l’association La Ferme Digitale, association regroupant 50 startups dédiées au monde agricole. Convaincus que le numérique est un des leviers de la transition du secteur agricole et de ses acteurs, les membres de l’association se fixent pour objectif de faire de la France le berceau européen de l’Agtech.