J'aime mes bouteilles
Le retour de la bouteille consignée

Ariane Tilve
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C’est une tendance déjà évoquée dans nos colonnes et qui gagne chaque jour un peu plus de terrain. La consigne séduit de plus en plus de vignerons de Saône-et-Loire grâce notamment à l’intervention d’un acteur essentiel du process, le réseau J’Aime mes bouteilles. Les explications de Delphine Renevier, Co-développeuse de la filière.

Le retour de la bouteille consignée

Tout part d’une expérimentation avec l’Ademe et la Région Bourgogne-Franche-Comté pour collecter les bouteilles typiques du Jura. « Nous faisions de l’apport volontaire, c’est le consommateur qui apporte ses bouteilles dans des points de collectes ». Expérimentation qui a permis de tirer trois constats. Le premier est que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le consommateur est prêt, en témoignent les 60.000 bouteilles collectées durant cette phase de "test". Mais il y a deux freins techniques : d’abord la multitude de modèles de bouteilles qui existent sur le marché, sachant que le seul fabricant Veralia en propose à lui seul plus de 450. Une multitude qui rend le tri extrêmement complexe puisqu’il faut regrouper toutes les bouteilles identiques sur une même palette pour les recycler. Or, chaque bouteille a son poids, sa teinte qui la caractérise et qu’il est parfois impossible de différencier à l’œil nu. « Même dans le cas de systèmes automatisés, la machine ne parvient pas à différencier certaines bouteilles avant le lavage, tant les différentes nuances sont subtiles, explique Delphine Renevier. Il faut en plus avoir des espaces de stockage conséquents pour pouvoir avoir le nombre de bouteilles nécessaire pour constituer des palettes (1.200 bouteilles) alors que certaines sont très rares. « Il faudrait, dans certains cas, des années pour constituer une palette entière ». Enfin se pose la question des étiquettes qui sont à 90 % autocollantes. La plupart du temps, la colle est permanente. La bouteille n’est donc pas réutilisable.

Comment ça marche

« Nous avons créé une entité nationale, un réseau de consigne, et avons créé treize différentes catégories de produits qui permettent, à date, d’accompagner des producteurs de vins, de jus ou encore d’eau. Il a donc fallu créer un parc de contenants mutualisé, avec notre réseau de Bourgogne et les neuf autres réseaux de l’Hexagone, pour utiliser des standards de contenants parfaitement identiques ». Du coup, une bouteille produite en Bourgogne peut être réutilisée à Lille ou à Marseille. La première étape vers la consigne est donc de fournir le producteur en bouteilles standardisées. Dans le secteur du vin, en Bourgogne, les caves des Hautes-Côtes (Beaune) et les vignerons des Terres secrètes se sont lancés dans la consigne avec la gamme Cerço ; un producteur en pommard est en train de se mettre en conformité, tout comme le Domaine Montbarbon. « En tout, nous accompagnons 18 producteurs et brasseurs sur un territoire, toujours plus étendu » précise la cofondatrice de J’Aime mes bouteilles. Les dix opérateurs de France consigne accompagnent 400 producteurs et 700 points de consignes. Des opérateurs qui ont débuté en tant qu’associations et qui sont quasiment tous devenus des entreprises. Pour l’heure, l’activité n’est pas rentable, mais tout est question de patience. En effet, cela prend un peu plus de temps qu’une entreprise standard : « nous pensons atteindre l’équilibre dans environ quatre ans. Tout dépend de l’engagement des producteurs », sachant que le cadre légal va dans le sens de la consigne. La loi Agec (antigaspillage pour une économie circulaire) prévoit une obligation de mettre en place des produits réemployables pour les metteurs en marché. Début juillet, le gouvernement a annoncé que les GMS auraient l’obligation de collecter les bouteilles d’ici à deux ans.

Le Domaine Montbarbon se lance

« Nous n’inventons rien. Nous reproduisons simplement ce que faisaient nos grands-parents quand ils ramenaient leurs bouteilles consignées pour les remplir à nouveau », explique Jean-Jacques Féral, tout nouveau gérant du Domaine Montbarbon à Viré, en Saône-et-Loire. Dès le millésime 2022, il récupérera ses bouteilles pour les réutiliser. « Pour moi, avoir des pratiques vertueuses à la vigne et en cave, c’est très bien. Mais cela ne suffit plus, il faut aussi avoir une vraie réflexion sur nos fournitures et nos matières sèches ». Avant d’y parvenir, il a fallu surmonter l’obstacle technique des étiquettes, mentionné par Delphine Renevier. « Nous avons dû progresser sur deux axes : le papier et la colle. Comme nous voulions faire évoluer nos étiquettes, nous avons mis le marché entre les mains de notre nouvel imprimeur, l’entreprise ICBL-Comimpress à Charnay-lès-Mâcon », précise le vigneron qui exploite 13 hectares de mâcon villages et viré clessé. Ce n’est pas tout, il a fallu ensuite se rapprocher d’un prestataire pour le lavage des bouteilles. Chose faite avec le groupe Serge Cheveau à Ladoix (21). « L’idée étant que l’ensemble des opérations se déroule dans la région. Faire des centaines de kilomètres en camion n’a aucun intérêt ». Pour l’instant, la démarche se limite aux bouteilles achetées dans le caveau de vente. À bon entendeur.