Beaujolais nouveaux
« On n’avait pas besoin de ça »

Cédric MICHELIN
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Les primeurs 2020 vont sortir dans un climat peu propice. Mais la filière garde espoir et s’adapte pour sauver les meubles.

« On n’avait pas besoin de ça »

Dans moins d’une semaine, à minuit pile, « les beaujolais nouveaux 2020 vont arriver » selon la célèbre expression remise au goût du jour ces dernières années par InterBeaujolais. « Enfin », pourrait-on y glisser, tant la période entre les vendanges et cette prochaine sortie semble longue, voire même interminable, conséquence logique d’une récolte très précoce mais prometteuse de ce futur millésime.
Cette longue période a aussi été chaotique, à l’image de la campagne du marché vrac, d’abord marquée par un blocage du service des enregistrements, puis une action syndicale devant le siège du groupe Castel à Saint Priest, mi-octobre.
Et ces dernières semaines, cette campagne primeur a pris une nouvelle forme encore, en raison cette fois de la Covid-19. Cette fameuse seconde vague du coronavirus que l’on redoutait tant au sortir de l’été sévit sur le pays depuis le début de l’automne. Et quoi qu’il advienne dans une semaine, cette crise sanitaire rendra cette sortie des beaujolais nouveaux très particulière voire historique. L’ensemble des professionnels – producteurs, négociants et acheteurs – s’en souviendront pendant longtemps. Mais tous espèrent déjà que cette édition 2020 sera un cas unique dans l’histoire des beaujolais nouveaux…

Malchance et adaptation

Avant d’imaginer le futur, la priorité pour les professionnels est de penser au présent, avec comme principal enjeu, l’adaptation à ce reconfinement alors que les répercussions sur la commercialisation des primeurs étaient déjà palpables il y a plus d’un mois. La filière annonçait une baisse des volumes primeurs pour cette année de l’ordre de 25.000 à 30.000 hl. « On a perdu quelques volumes en GMS, au Japon aussi pour ce qui concerne le marché export », justifie David Ratignier, le président de l’ODG beaujolais – beaujolais villages (BBV).

Et le reconfinement fait figure de « goutte d’eau » de trop pour la filière qui redoutait ce scénario. « Dès la fin des vendanges, mi-septembre, on avait compris que ce serait compliqué. On n’avait pas besoin de ça. Il y a un sentiment d’injustice et de malchance pour cette sortie des primeurs, après les attentats en 2015 et la mobilisation des Gilets Jaunes l’an dernier », lance le vigneron de Saint-Étienne-La-Varenne.
Le confinement a partiellement figé les mouvements et aussi entraîné la fermeture des bars et restaurants, des établissements qui, potentiellement et selon leurs habitudes, sont amenés à célébrer la sortie des beaujolais nouveaux.
De ce fait, pour les producteurs, ce sont des commandes en moins qu’il faudra pourtant écouler dans un délai qui, ne l’oublions pas, reste relativement court. Car malheureusement, dans l’esprit de trop nombreux distributeurs et consommateurs, les beaujolais nouveaux se vendent et se dégustent avant la fin décembre. « On espère que la communication et la vente de primeurs se prolongera. Mais un primeur restera bon, même à Noël », glisse David Ratignier.
Le (re)confinement, c’est aussi l’annulation des festivités (Sarmentelles, Beaujolais Gourmand, etc.), soit un chiffre d’affaires important qui s’envole, autant pour la viticulture que pour les acteurs du territoire (restaurants, hôtels, gîtes, etc.). Seule consolation, les cavistes restent ouverts, les GMS également. Et si toutes les portes ouvertes, que les domaines organisent à cette période de l’année, ne pourront pas se tenir, les producteurs mettent tout en œuvre pour un système de drive sur leur domaine, sans compter les livraisons à domicile. « Sur Internet et les réseaux sociaux, on voit beaucoup d’initiatives imaginées par les domaines pour s’en sortir. C’est déjà une bonne nouvelle afin de conserver cette dimension conviviale des primeurs. Maintenant, il faut espérer que nos clients et les consommateurs joueront le jeu. En tout cas, nous avons des retours positifs de leur part. Si on peut sauver les meubles… », note le président de l’ODG.
David Duvernay