Assemblée générale de Terre comtoise
Les planètes étaient alignées

L'assemblée générale de Terre comtoise, le 22 novembre à Besançon Micropolis, a été l'occasion pour les dirigeants de la coopérative de présenter aux adhérents les résultats d'un exercice qualifié d'historique...

Les planètes étaient alignées

L’exercice 2020-2021 pourtant marqué par la sécheresse et la crise covid, restera dans les annales pour le groupe coopératif Terre Comtoise. Les résultats par branche, présentés par le directeur général Frédéric Lemoine, établissent de nouveaux records. Ainsi pour la nutrition et l’alimentation animale, 140 000 tonnes d’aliments ont été fabriquées, pour pallier notamment à des disponibilités de fourrages pénalisées par les sécheresses successives. Le tout dans un contexte de volatilité des prix et de pénurie de certaines matières premières… telles que le soja non-OGM. De quoi conforter l’engagement depuis plusieurs années de la coopérative dans une filière de production de soja local, tracé. « Cette implication a trouvé tout son sens au cours de l’exercice écoulé. La relocalisation de la production de soja est la seule solution pour lutter contre la déforestation, tout en réduisant l’empreinte carbone. » Avec 1,7 million d’euros de chiffre d’affaires, la commercialisation des produits d’hygiène est aussi en plein développement. « Arrière-plan du secteur de l’alimentation du bétail, nous avons renforcé notre exigence logistique, ce qui se traduit par la chasse aux coûts, par l’optimisation des tournées, la géolocalisation, la mise en place d’un système d’information de nos clients par SMS pour le suivi des livraisons, tout ça en vue d’un gain de productivité opérationnelle. »
Côté collecte, le directeur a déploré la petite récolte – impactée par la sécheresse « avec 160 000 tonnes contre plutôt 200 000 en année normale, notamment à cause des maïs petits et secs. Mais pour la qualité des blés, c’est notre meilleure année, tant pour le PS, l’absence de mycotoxines, la qualité meunière… mais les rendements n’étaient pas au rendez-vous. » L’histogramme de la répartition des débouchés illustre bien la différence avec la récolte 2021, orientée à 50 % vers les « autres utilisations » en lien avec les PS dégradés par des moissons trop tardives, pour cause d’intempéries…


Naissance de Demeterre

Autre secteur phare du groupe coopératif, celui du machinisme agricole. « La progression des ventes dépasse celle du marché », s’est félicité le directeur général, louant l’agilité des équipes et la pertinence des choix organisationnels du groupe. « Le chiffre d’affaires consolidé de cette branche atteint le record de 62 millions d’euros, avec plus de 2 000 machines vendues, dont 200 tracteurs neufs, neuf moissonneuses-batteuses neuves, 236 matériels de fenaison… » L’assemblée générale extraordinaire qui a précédé a d’ailleurs entériné la décision du conseil d’administration de filialiser la branche machinisme du groupe. « Le projet Demeterre nous occupe depuis un an. Avec la progression spectaculaire d’activité des établissements Gauvin que nous avions repris, cette évolution devenait nécessaire pour créer une nouvelle dynamique. La continuité territoriale de nos activités et l’harmonisation du fonctionnement ont facilité ce transfert d’une branche complète d’activité dans la nouvelle filière, qui reste sous le contrôle de la coopérative, qui en possède 100 % du capital. » 105 salariés sont concernés.
Frédéric Lemoine a aussi largement remercié les équipes salariées, dont l’implication et le dynamisme ont permis les bons résultats du groupe. « Dans un contexte social difficile et anxiogène, à cause de la situation sanitaire, les équipes ont su s’adapter rapidement, trouver des solutions et des aménagements vis-à-vis du télétravail, des horaires… ». Le chiffre d’affaires global de la coopérative atteint 130,4 millions d’euros, en progression de 11,6 % avec une croissance appuyée sur des prises de part de marché. Celui du groupe évolue dans les mêmes proportions (+10,5 %). L’EBE s’établit à 9,9 millions d’euros, et le résultat net à 4,5 millions d’euros. « Notre indépendance financière renforcée nous prépare aux difficultés de l’exercice 2021-2022. »


1,536 millions d’euros redistribués aux adhérents

Dans son rapport moral, le président Clément Tisserand a épinglé les délocalisations des sites de production aux quatre coins de la planète, responsables des graves dysfonctionnements que l’on constate aujourd’hui (pénuries de composants électroniques compromettant la fabrication de machines, ruptures logistiques, envolées des cours du gaz naturel et des engrais azotés. Il s’est néanmoins félicité de la bonne résilience de l’agriculture française dans la crise covid. « L’agriculture française a continué à remplir ses missions, et a retrouvé ses lettres de noblesse. Le monde agricole sort ragaillardi de cette épreuve. » Avant de revenir sur les résultats exceptionnels de Terre comtoise. « C’est la marque d’un groupe coopératif compétitif, avec un résultat consolidé d’un excellent niveau Toutes les activités ont performé, en particulier le secteur machinisme et les libres-services agricoles. 49 % du résultat, soit 1,536 millions d’euros vont ruisseler sous forme de ristournes vers les exploitations. »
Enfin, les adhérents de la coopérative ont pu découvrir en avant-première, par le biais d’un petit film, la marque collective « nous autrement », créée récemment par Alliance BFC (union des coopératives Terre comtoise, Dijon céréales et Bourgogne du Sud). C’est le directeur de cette structure, Christophe Richardot qui a présenté le concept. « Il s’agit d’une marque ombrelle, une marque régionale, inclusive, équitable, écoresponsable… qui nous permettra de valoriser notre image à travers nos produits, à commencer par la boulangerie, mais aussi dans les libres-services agricoles. »
Alexandre Coronel

Climat et santé publique ont inspiré la nouvelle PAC
L’agroéconomiste interprète le verdissement de la PAC à l’aune des grands enjeux climatiques et démographiques de l’UE.

Climat et santé publique ont inspiré la nouvelle PAC

L’agroéconomiste Jean-Marie Séronie, invité à l’AG de Terres comtoises, lit les orientations de la nouvelle PAC à travers les projections démographiques et climatiques… et pointe quelques défis à relever pour l’agriculture de demain.
« J’ai un collègue qui prédit pour plaisanter que ‘’l’avenir de l’alimentation, c’est le mou’’, lance Jean-Marie Séronie en guise de boutade, au début de son intervention à l’Assemblée générale de Terre comtoise : les projections démographiques, à l’échelle de l’Europe, prédisent un vieillissement de la population et une diminution du nombre d’habitants. Les habitudes alimentaires évoluent, on voit que nos propres enfants, sans être spécialement véganes, consomment bien moins de protéines animales que notre génération. » L’agroéconomiste, auteur de « Vers un big bang agricole » (sur la révolution numérique) et de « PAC et mondialisation » s’appuie sur son expertise d’ingénieur agronome et de directeur de centre de gestion pour analyser les grands enjeux et le contexte européen, pour expliquer le tour pris par la nouvelle politique agricole commune. « Le climat reste le premier des grands enjeux, et on est plutôt partis sur une hausse de 2-2,5°C. ça peut paraître peu, mais ça correspond à des 45°C tous les étés, ici, avec l’incertitude et des équilibres commerciaux qui vont bouger. », expose-t-il.

Santé publique au menu

L’enjeu de santé publique vient juste après. « On a eu une prise de conscience au niveau des dirigeants de l’importance de l’alimentation comme facteur clé de la santé. » Un graphique illustre justement l’obésité comme marqueur social… de la pauvreté. « Ce qui est encore plus dramatique, c’est que la situation continue à se dégrader. »
Outre ces deux grands enjeux, identifiés comme « les moteurs de la politique agricole », l’agriculture doit aussi faire face à une instabilité des cours devenue structurelle. « Il faut s’habituer à des amplitudes de plus ou moins 15% autour de la tendance… ce qui peut conduire d’une année à l’autre à une fluctuation de 30%, sur un produit, ou un intrant. Les écarts se creusent en matière de valeur ajoutée entre les exploitations. Entre les exploitations les plus performantes et les moins performantes, on a un facteur de trois en matière d’efficience technique mesurée en valeur ajoutée ramenée à l’unité de travail. »


Un nouvel environnement

Pour l’agroéconomiste « trois révolutions arrivent en même temps : technologique, robotique… et biologique. On a énormément de progrès dans le domaine des connaissances autour du biote, intestinal, mais aussi du sol, et de l’épigénétique. » Quelques questions demeurent en suspens… « la réorientations des productions vers plus de végétal va ‘’libérer’’ des terres agricoles. Qu’est-ce qu’on va en faire ? Désintensifier – avec le passage en bio par exemple – retour à la nature, plus d’exportations ? » Dans tous les cas, Jean-Michel Séronie table sur une baisse de production et une hausse des coûts, du moins à court terme. « Quid des importations ? A mon avis on va mettre en place une politique protectionniste, à travers les fameuses clauses-miroir notamment sur les conditions de production. Le préalable est d’harmoniser la réglementation européenne (OGM, glyphosates), comme ce qu’on a fait par exemple pour la viande hormonée… qui est devenu un standard européen qui empêche de facto la viande nord-américaine d’entrer sur notre marché commun. Je suis convaincu que demain, la consommation alimentaire européenne sera plus frugale, et que l’agriculture sera plus naturelle. » De quoi susciter de bons échanges avec les participants…
AC