Filière porcine
Retrouvailles à Saône

Eleveurs, salaisonniers et fournisseurs ont répondu présent à la journée interprofessionnelle de la filière porcine, le 1er décembre dernier à Saône. Au menu, le revenu des éleveurs de porcs, gage d’attractivité pour les jeunes, le renouvellement des générations, et l’avenir des filières IGP.

Retrouvailles à Saône

La journée régionale porcine a pris cette année une dimension nationale, avec la visite d’une délégation de responsables professionnels, composée de François Valy et Eric Thebault, respectivement président et directeur de la FNP, et d'Anne Richard, directrice d'Inaporc. Si, comme l’a rappelé Philippe Monnet, le président d’Inaporc, la filière régionale Franc-Comtoise ne pèse que très peu sur l’échiquier national – de l’ordre de 1% de la production de porcs charcutiers – elle est historiquement liée aux fruitières et au comté. « Les IGP Saucisses de Monbéliard et Saucisse de Morteau permettent de valoriser les porcs nourris avec le lactosérum. Elles ont 10 ans cette année, et se développent régulièrement. Cette reconnaissance est une réussite pour les salaisonniers, dans laquelle les éleveurs ont l’impression d’avoir été un peu oubliés. » La région compte une grosse centaine d’élevages professionnels de porcs (plus de 10 truies ou 100 places d’engraissement). Le renouvellement des générations est identifié depuis plusieurs années comme un point critique par Interporc, qui a multiplié les initiatives pour promouvoir le métier, mais aussi faciliter l’investissement, soit pour l’installation, soit pour la reprise d’une exploitation spécialisée existante. « Le manque de visibilité sur les cours rend très difficile la mise en place d’un modèle économique qui permet de tirer un revenu régulier de la production de porcs charcutiers. C’est pourquoi nous accompagnons des projets dans lesquels s’engagent des acheteurs, qui sécurisent à la fois leurs approvisionnements et la pérennité de ces nouvelles exploitations. » Les deux années écoulées ont vu une embellie des cours, tirés vers le haut par les importations chinoises, après que le cheptel de ce pays ait été décimé par la peste porcine africaine. Mais la situation s’est dégradée depuis quelques mois, et les porcs espagnols encombrent de nouveau le marché européen. Le cours national est retombé à 1,13€/kg. « La démarche VPF – Le porc français – vise à mieux protéger le marché national du porc, en mettant en avant l’identité, mais aussi les garanties sanitaires du porc produit en France, y-compris sous signe de qualité », assure Anne Richard. 


Des attentes sociétales en hausse

La communication de l’interprofession porcine, qui dispose d'un budget annuel de 1,3 million d'euros, va être développée pour renforcer la notoriété du logo « le porc français ». Près de 600 000 euros supplémentaires vont être injectés dans une campagne de promotion qui, tout en restant sur les réseaux sociaux, va également se traduire par des achats d'espaces en télévision, en sponsorisant les bulletins météos sur les chaines du groupe France Télévisions en février prochain.
Les tensions actuelles sur les matières premières, notamment la protéine animale, et le renchérissement du prix de l’énergie pèsent aussi fortement sur les coûts de production de la viande porcine. « Les coûts des aliments, qui représentent 75 % des coûts de production, en hausse constante depuis 2017, ont explosé » depuis 2020 », déplore François Valy, qui attend beaucoup de la nouvelle mouture de la loi Egalim pour permettre aux producteurs de répercuter leurs coûts de production dans leur prix de vente.
Troisième grand sujet abordé au cours de cette journée, celui des attentes sociétales, tant dans le domaine de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le changement climatique que dans celui du bien-être animal. A partir de 2022, la castration des porcelets à vif sera interdite, ce qui impliquera pour les éleveurs qui souhaitent continuer à castrer les mâles de procéder à l’anesthésie de ces derniers, et de leur administrer un analgésique. « Avec un coût en main d’œuvre et en produits qui est de l’ordre de 6 à 7 € par porc », précise Philippe Monnet. Pour ce qui est de l’environnement, accompagnée par l’Ademe, la filière régionale a entrepris une démarche d’audit global, afin de déterminer le bilan carbone au niveau de tous les maillons de la chaîne. « Le Green Go va nous permettre d’identifier les leviers les plus efficaces pour améliorer notre bilan », conclut le président d’Interporc de Franche-Comté.
AC

Circuit court Porcs sur paille et vente directe
L’exploitation a pu investir dans un bâtiment d’élevage ‘’luxueux’’ : lumineux, spacieux, ventilé… où les porcs charcutiers sont sur paille.

Circuit court Porcs sur paille et vente directe

La ferme Bulloz, à Fontain a fait le choix de la transformation et de la vente directe, tirant partie de la proximité du bassin de population bisontin et de l’attractivité de la fruitière du village.
A la périphérie de Besançon, la ferme Bulloz jouit d'une situation favorable pour valoriser les produits charcutiers transformés sur l'exploitation. Roland Bulloz et son fils Louis-Marie ont présenté l’élevage à la délégation nationale invitée à la journée régionale porcine. L'occasion de causer à bâtons rompus de génétique porcine, de modèle de développement agricole, des coûts de bâtiment, de valorisation des produits, main d'œuvre... « Nous conduisons sept bandes de cinq truies, pour le naissage des porcelets destinés à l'engraissement (notre bâtiment d'engraissement a 300 places) », expose Louis-Marie, avant d'introduire le petit groupe dans un bâtiment à ossature bois, édifié au printemps dernier. Lumineux, spacieux, très bien isolé et ventilé - et doté de rideaux de façade enroulables pour l'été - le lieu est très calme et confortable. « Dans la conception des box qui accueillent les bandes de porcelets, j'ai été accompagné par les techniciens d'Interporc Franche-Comté, et je suis allé aussi voir ce qui se faisait ailleurs. On voulait pouvoir élever nos porcs charcutiers sur la paille, pour une question d'image, mais aussi de cohérence agronomique avec les sols en pente de l'exploitation. » expose le jeune homme, qui a tenu compte de l'ergonomie et des besoins en main-d'œuvre de l'installation. 

Une paille très absorbante

Un dispositif en gradins permet aux jeunes porcelets d'accéder aux auges, avant qu'au fil des semaines la case ne se comble progressivement de litière accumulée. A 145 € la tonne, la paille broyée utilisée coûte cher... mais c'est le prix à payer pour une bonne absorption des jus. D'autant que la ration, fabriquée dans une machine à soupe, contient une bonne part de lactosérum de la fruitière de Fontain (il apporte 25% de la MS), ainsi que les "déchets" de la biscuiterie locale. « On incorpore 120 T par an de déchets biscuitiers, ce qui nous permet d'abaisser le coût de la ration. »
Tous les porcs élevés sur l'exploitation sont tués à l'abattoir de Valdahon, à une quinzaine de kilomètres, avant d'être transformés à la ferme, en vue de la vente directe. Rolland Bulloz, à l'instigation de ce projet de petit élevage porcin, créé en 1994, est conscient du gros avantage de la situation géographique de la ferme, à proximité de l'agglomération de Besançon, un énorme bassin de consommateurs potentiels. Mais avec des exigences qui montent en puissance... d'où le soin apporté tout au long de la chaîne de production, de la naissance des porcelets jusqu'à la transformation en produits charcutiers. L’occasion pour le président de la FNP, François Valy, de rappeler « il n’y a pas de modèle unique : si ce type de logement n’est pas davantage développé, c’est principalement pour des raisons technico-économiques. La faible valorisation de la viande de porc ‘’standard’’ ne permet pas de rémunérer l’investissement et le surcroît de main-d’œuvre de ces systèmes. »
Alexandre Coronel