Innoviti
Réduire l’empreinte carbone de la filière viticole

Ariane Tilve
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Selon l’Ademe, les émissions directes viticoles représentent 9 % des émissions nationales du secteur agricole, soit 380.000 tonnes d’équivalent CO² en 2020. Comment évaluer le réel impact de la filière et déterminer les freins et leviers d’amélioration ? Des acteurs majeurs de la filière apportent un début de réponse.

Réduire l’empreinte carbone de la filière viticole

Réunis au Vinipôle de Davayé, mardi 5 décembre, à l’occasion du salon Innoviti (lire encadré), le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) ou encore les Vignerons des Terres secrètes, ont établi un état des lieux avant de partager leurs expériences en matière d’atténuation carbone.

L’état des lieux permet de constater que 34 % des émissions de la filière proviennent des matériaux entrants, 26 % sont liées aux déplacements des exploitants et de leurs salariés, deux étapes directement liées à la production. Puis vient le fret, avec 13 % d’émissions, et 10 % provient de l’immobilisation des produits (bâtiment, etc.). Enfin, seulement 7 % de l’énergie est utilisée dans les vignes, 5 % pour l’élaboration des vins et 5 % des services achetés (prestataires).

150.000 tonnes d’émissions carbone incompressibles

« Pour arriver à neutraliser ces émissions, il faut réduire jusqu’à un certain seuil, incompressible, puis on compense, sachant que les émissions incompressibles sont estimées à 150.000 tonnes d’ici 2035 », souligne Benjamin Alban, directeur du Vinipôle. Des chiffres confirmés, avec précisions, par Hugo Luzi, de l’IVF, qui a mené une étude sur 26 empreintes carbones viticoles sur l’ensemble de la Bourgogne. Il catégorise l’empreinte carbone de la filière en trois types : les indirectes (fabrication des intrants, piquets de palissages, etc.), les émissions directes comme le CO² ou le M²O mais aussi le protoxyde d’azote dus à la dégradation des engrais minéraux et organiques, tout comme la dégradation des résidus végétaux (enherbement, résidus de la vigne, etc.). « Nous intégrons également, dans les calculs de l’IVF, la capture de carbone dans les sols », précise-t-il. Un gros quart des émissions de carbone de Bourgogne est dû aux carburants, puis viennent les amendements, les engrais chimiques lors de leur production, mais aussi en cas de compost, qui produit du méthane notamment. Les émissions directes d’azote sont dues, elles, à la production de l’acier nécessaire au palissage, mais devraient être amorties sur le long terme.

Optimiser la captation carbone

« Dans ce projet, nous avons également voulu étudier différentes pratiques, comme les différentes méthodes de désherbage, et isoler l’impact que représente l’entretien du sol dans une empreinte carbone », poursuit l’ingénieur agronome. Selon lui, il ne suffit de pas de regarder uniquement l’empreinte carbone en tant que tel, puisque cela pourrait inciter à utiliser des intrants chimiques (herbicides notamment), peu émetteur. L’étude met un accent sur la captation carbone de certaines pratiques (enherbement, engrais verts, etc.) qui compensent, parfois même très largement, d’autres pratiques (tontes, désherbage mécanique, etc.). A contrario, par exemple, les herbicides chimiques ne permettent pas la captation de carbone. D’où l’intérêt de s’intéresser au revers de la médaille. Quant à l’étape de la production de vin qui est plus émettrice, on le sait déjà depuis longtemps, il s’agit du conditionnement. Mais, là encore, l’étude de l’IFV élargi le champ d’action et s’attarde sur les différents indicateurs du développement durable avec un schéma éloquent. Ce qui semble anodin en particules fines, ne l’est pas forcément pour l’eutrophisation marine, et vice-versa.

Le plan d’action du BIVB

D’où l’importance pour le BIVB de bien choisir les indicateurs qui déterminent son plan d’action en matière de développement durable. Le Bureau a proposé des ateliers en avril, impliquant une cinquantaine de professionnels de la filière pour élaborer ce plan d’action qui porte sur l’emballage, le fret, la vigne, la mobilité, la cuverie ; l’œnotourisme étant un sujet à part. À ces actions s’ajoutent des freins financiers ou réglementaires, dus notamment aux AOP et autres labels, mais aussi des freins techniques ou de politique publique ou encore de perception de la part des viticulteurs comme des consommateurs. Faut-il donc communiquer ? Labelliser ? Des questions auxquelles il n’est pas si simple de répondre. Seule certitude, à la source de toute avancée, on trouve la « sobriété »… carbone ici, pas celles des hygiénistes anti-alcool. Il existe également des leviers d’action à la parcelle, un plan d’action avec des gains possibles que le BIVB dévoilera le 14 mars puisqu’il n’y a pas que freins, il existe des leviers, comme les politiques publiques qui pourraient faire évoluer la réglementation, les possibilités techniques, des méthodologies, des façons de travailler, de l’organisationnel à repenser. Au cœur de tous ces leviers, encore et toujours la sobriété ! Sachant que l’on peut optimiser la production d’énergie avec l’isolation des bâtiments, utiliser des énergies alternatives et optimiser la performance du matériel. Les leviers d’action à la parcelle : réduire l’utilisation des énergies fossiles, mais aussi des intrants, qu’ils soient naturels ou non.

Innoviti

AgrOnov et le Vinipôle ont organisé cette 2e édition pour favoriser le transfert de l’innovation viticole. Objectif : parler des nouvelles solutions liées aux enjeux actuels de la filière viticole. Les participants ont notamment pu découvrir neuf innovations pour la viticulture lors d’un mini-salon qui s’est tenu dans la matinée. Parmi ces solutions, l’adaptation et la lutte contre le changement climatique ; la question de l’énergie en viticulture et l’assistance aux viticulteurs. Sachant que l’un des enjeux de l’innovation est de répondre à un besoin, ou une problématique spécifique, un comité expert viticole rencontrait, en parallèle, plusieurs entreprises sélectionnées sur la base des problématiques prioritaires issues des acteurs de terrain.