Forêt française
Plus étendue mais plus vulnérable

La forêt française ne cesse de s’étendre en surface depuis 1830, elle peut devenir plus productive qu’auparavant, mais elle devient sujette aux dépérissements, selon l’Inra. Si l’action de l’Homme sur la forêt n’est pas toujours négative, elle se traduit souvent par une perte de diversité, et par la progression de parasites dangereux…
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La surface de la forêt française est passée de 8 à 16 millions d’hectares depuis 1830. Elle a augmenté de plus de 50.000 hectares par an ces dernières années. Les terres sur lesquelles la forêt a gagné sont principalement des terres agricoles, et parmi elles, surtout les landes et pâtures, a indiqué Jean-Luc Dupouey, chercheur en écologie forestière à l’Inra de Nancy. Point positif, l’agriculture a laissé des sols plus fertiles : ce sont souvent des sols épierrés, labourés et fertilisés. « On constate une plus forte production des épicéas sur les anciennes fermes », selon le chercheur. Mais cette productivité améliorée peut entraîner une plus grande fragilité. Ainsi, ces nouvelles surfaces de forêt plus productives sont davantage sujettes au développement du forme, un champignon pathogène des résineux. « L’action de l’Homme transforme profondément la forêt », en dépit des apparences. Si, dans cinquante ans, après avoir imperméabilisé des millions d’hectares par l’urbanisation, on voulait réimplanter de la forêt, on y parviendrait au sens visuel du terme au bout de plusieurs décennies : on verrait des arbres. Mais ce ne serait pas pour autant une forêt sur le plan de la biodiversité. Jean-Luc Dupouey explique en effet que « la France compte environ 70 espèces d’arbres indigènes, 6.000 espèces de plantes, 15.000 espèces de champignons, des dizaines de milliers d’insectes et un nombre incalculable de microbes. La biodiversité, ce n’est pas la somme des seules 70 espèces d’arbres ».
La forêt est un milieu très dense en interactions entre plantes, champignons et bactéries du sol, dans toute leur complexité. Des familles entières de champignons apportent des éléments fertilisants et de l’eau aux racines des arbres, favorisant leur développement, a souligné Marc Buée, directeur de recherches à l’Inra de Nancy.

De plus en plus vulnérable


Si la forêt devient vulnérable, c’est en partie du fait de l’arrivée de pathogènes : plantes invasives (par exemple, progression du cerisier tardif) ; insectes ; champignons ; virus et bactéries amenés par l’Homme du fait de la multiplication des transports depuis la seconde moitié du XXe siècle. Mais sa vulnérabilité est surtout le fait du changement climatique. C’est ainsi que la chenille processionnaire du pin, très fortement allergisante, progresse chaque année de 5 à 10 kilomètres vers le nord, car il ne gèle plus assez l’hiver. Une autre chenille commence à s’attaquer au chêne dans les forêts du nord-est de la France. Les attaques se font par périodes de trois à quatre ans, suivies d’accalmies, mais qui sont de plus en plus courtes, a indiqué Nathalie Breda, directrice de recherche à l’unité mixte de recherche Inra-Université Henri Poincaré écologie et écophysiologie forestières de Nancy. Les chenilles dévorent les jeunes feuilles au printemps. Les chênes parviennent à refaire des feuilles en juin, mais cette fois au moment des attaques d’oïdium (champignon parasite). L’arbre, sans feuille, ne peut plus apporter de carbone à son organisme par le jeu de la photosynthèse et finit par dépérir, a expliqué Nathalie Breda.
Ce que les chercheurs redoutent le plus pour l’avenir des forêts, ce sont les événements extrêmes, notamment les sécheresses exceptionnelles. Or, les pics de sécheresse deviendront plus élevés que maintenant si le réchauffement global est de 3 degrés à la fin du siècle, car ces 3 degrés de réchauffement global ne sont que des moyennes. Les pics seront plus élevés qu’actuellement, et de plus, le réchauffement climatique s’accompagne d’aléas plus intenses, selon les climatologues.