Zone septentrionale
Agriculture biologique : On dirait le Sud…

Dans la vallée du Rhône, les éleveurs bio s’adaptent depuis plusieurs décennies aux évolutions du climat. Dans le cadre d’une formation Vivea, un groupe de 15 éleveurs haut-saônois est allé sur place pour comprendre les leviers mis en œuvre et s’en inspirer éventuellement.

Agriculture biologique : On dirait le Sud…
15 éleveurs haut-saônois ont réalisé un voyage d’étude en région Rhône-Alpes sur le thème de l’adaptation au changement climatique.

En septembre dernier quinze éleveurs (ses) laitiers Haut-Saônois ont participé au voyage d’étude portant sur le thème de « l’adaptation des élevages laitiers bio au changement climatique ». La vallée du Rhône semblait être un territoire d’étude tout à fait adapté à cette problématique. Cette formation Vivea de quatre jours, à l’initiative du groupe lait bio porté par le GAB 70, Géniatest conseil élevage, la CA 70 et Interbio Franche-Comté, a permis de comprendre l’impact de l’évolution du climat sur le fonctionnement des élevages laitiers bio.
Depuis sa création en 2015, plusieurs rendez-vous annuels permettent au groupe de travailler sur des thématiques telles que le pâturage, l’autonomie protéique, l’élevage des génisses. Il permet également aux éleveurs de se retrouver pour échanger leurs données technico-économiques. Avec les années de sécheresse qui se succèdent (à l’exception de 2021) « l’adaptation des élevages laitiers au changement climatique » s’est imposé comme un sujet en lien avec les problématiques actuelles. 15 éleveurs du groupe ont répondu présents pour partir à la découverte du fonctionnement des élevages des Monts du Lyonnais et de la vallée du Rhône. Ce voyage d’étude de quatre jours a permis aux agriculteurs du groupe de comprendre les adaptations mises en place par les éleveurs de la région Rhône Alpes… Si tout n’est pas transposable dans nos systèmes laitiers bio de Haute-Saône, les visites, les témoignages et les échanges permis par cette formation ont permis de comprendre les solutions d’adaptations mises en place par les agriculteurs du Rhône, d’Ardèche et de la Drome.


Adaptations techniques et adaptations systémiques

Au cours de ce voyage les éleveurs ont pu remarquer deux grands types d’adaptation. Des adaptations techniques : dates, modes de pâturage, mélange saint Marcelin, choix de la race… et des adaptations du système : mise en place de la vente directe, irrigation, autonomie protéique… En résumé, soit les agriculteurs ont accès à l’irrigation et dans ce cas, ils intensifient leur mode de production sur les parcelles irriguées pour être autonome en fourrage. Soit l’irrigation est impossible et ils achètent des fourrages. Dans ce cas, ces achats sont financés par une augmentation de la valeur ajoutée sur leur ferme et par la mise en place d’un atelier de transformation et de vente directe. Tout cela étant facilité et favorisé par un bassin de population important et qui a un pouvoir d’achat élevé. Cela est-il transposable en Haute-Saône ? Pour certains peut être, en fonction de leur secteur géographique. Et si c’est n’est pas le cas, les adaptations techniques suffiront-elles pour maintenir la rentabilité des fermes dans notre département ? Les mêmes questions se posent en Saône-et-Loire et pour toutes les productions quelque part.


Un séjour instructif

Bien qu’il reste encore des interrogations du côté des éleveurs Haut-Saônois, le retour est unanime : ils ont particulièrement apprécié le séjour « le programme fut bien chargé » et « nous avons rencontrés des agriculteurs très ouverts prêts à partager leur savoir ». Ce fut également l’occasion de créer du lien au sein du groupe, « pour certains, nous faisons partie de la même laiterie mais nous nous ne connaissons même pas, c’était très enrichissant de pouvoir aussi échanger entre nous ». La Haute-Saône devrait à son tour être la terre d’accueil du prochain échange prévu en 2022.
Marion Churout

Déficit hydrique, kézako ?
Le déficit hydrique du sol caractérise l’état de remplissage du réservoir en eau du sol par rapport à des seuils, définis par référence aux conséquences physiologiques du manque d’eau.

Déficit hydrique, kézako ?

Les conséquences du changement climatique sont parfois difficiles à appréhender. Le déficit hydrique est un indicateur de la sécheresse du sol, qui reflète précisément la disponibilité de l’eau pour la végétation, qui quand elle manque est d’abord facteur limitant, source de stress, et peut conduire à la mort.
Lorsqu’on s’intéresse aux prédictions des modèles climatiques, en Haute-Saône ou en Saône-et-Loire comme dans la Drôme, nous faisons face aux mêmes réalités : une hausse de la température et une pluviométrie annuelle qui varie peu en cumul, mais dont la répartition dans l’année devient plus chaotique. On s’attend à une hausse de 4 °C d’ici la fin du siècle, ce qui, en Haute-Saône, équivaudrait à un climat équivalent à celui de Montélimar. « À partir des années 1980 la température a augmenté de 0,5 °C tous les 10 ans et depuis 2010 la vallée du Rhône a connu neuf années de calamités sécheresse » nous explique Emmanuel Forel, conseiller fourrage et référent « climat 21 » à la Chambre d’Agriculture d’Ardèche. Avec une chaleur plus conséquente, le phénomène d’évapotranspiration s’accentue et la réserve utile (en eau) des sols en reflète les conséquences. Car non seulement il pleut moins en période de sec, mais les plantes transpirent davantage. Cela se traduit par le concept de déficit hydrique des sols, qui reflète « l’état de disponibilité de l’eau dans le sol à un instant t ». On sait désormais que quand ce déficit hydrique descend en dessous du seuil de -400 mm, les plantes meurent sur pied. « Nous avons débuté l’année 2021 avec un déficit hydrique inférieur à zéro, il n’y avait plus de réserves dans nos sols » explique Mickaël Coquart.

Bio rime avec atouts du territoire

Bio rime avec atouts du territoire

La Région Rhône-Alpes, à la fois très peuplée et disposant d’un territoire très varié en termes de climats et de sols, est une terre propice aux initiatives locales. Les agriculteurs bios n’ont pas manqué d’en tirer parti.
Avec plus de 25 % des surfaces agricoles en AB, la Drôme est le département pionnier de l’agriculture biologique en France. Un peu plus au nord, à Lyon, on compte une centaine de marchés hebdomadaires. La vallée du Rhône est une région très dynamique et attractive, « nous avons deux millions d’habitants dans un rayon de 30 km autour de la ferme » relate Laurent Brousset du Gaec du Mûrier. La Drôme offre également une agriculture très diversifiée : arboriculture, viticulture, céréales, lait, maraîchage. La facilité avec laquelle les habitants ont accès au local favorise la demande. Comme l’explique Pierre Pelissier d’AgribioDrôme : « Chez nous les magasins de producteurs existent depuis déjà plus d’une dizaine d’années, les filières sont bien en place avec notamment des abattoirs ou des ateliers de transformation à proximité ». Dans ce contexte, plusieurs structures ont fait le choix de la vente directe afin de mieux valoriser leurs produits et parfois se permettre de diminuer en production. C’est le cas de Grégory Beaux, associé au Gaec de la route panoramique à Tournon-sur-Rhône, « la vente directe était le cœur du projet de mon installation. Elle a permis à tous les membres de la famille de travailler sur la ferme tout en sécurisant nos revenus. Actuellement nous sommes trois associés quatre salariés et un retraité pour 67 laitières sur 108 ha ». Entre le Vercors et les Monts d’Ardèche, même en milieu rural, il y a toujours un lieu touristique ou bassin de population dynamique à proximité.

Nouvelles périodes de pâturage

Même dans un contexte de réchauffement climatique, le pâturage reste le moyen le plus économique et équilibré d’alimenter son troupeau. Le pourcentage d’herbe pâturée dans la ration annuelle est un bon indicateur, « à partir de 50 % cela permet de réduire considérablement les coûts d’alimentation, la quantité annuelle pâturée par VL oscille entre 2.4 à 5 t de MS » précise Mickaël Coquart de Rhône conseil élevage. Les périodes de pâturage sont hétérogènes mais sont globalement différentes de la Franche-Comté : les vaches, peuvent pâturer de février (300 °C jour) jusqu’à décembre, si les conditions le permettent. « Il faut savoir s’adapter car les années sont très variables. Les éleveurs bio ont tendance à être plus souples sur les dates d’entrée et sortie au pâturage ». Chez certains, les vaches sont nourries au bâtiment et pâturent la nuit de mai à août. C’est finalement sur cette période que le plus gros de l’affouragement est réalisé. Notre hiver correspond à leur été, quand l’été est sec, tout se joue sur le stock sortie hiver.