Bergerie de Santagny
La passion des brebis, la conviction du bio

Françoise Thomas
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Les premières brebis lacaune de Thomas Martin sont arrivées à Genouilly en novembre 2020. En mars dernier, les premiers fromages pouvaient être commercialisés. Un changement de vie autant qu’un rêve un peu fou qui se réalise, le jeune éleveur s’est installé en bio et fait preuve de beaucoup de bon sens dans sa démarche.

La passion des brebis, la conviction du bio

Hors cadre familial, Thomas Martin a d’abord travaillé plusieurs années en tant que paysagiste avant de prendre la décision de se lancer dans l’élevage ovin. « À la suite d’un accident du travail, le moment était venu », explique le jeune homme. Envie de vert et d’espace pour sa famille, Thomas Martin et sa femme ont souhaité se rapprocher de leurs familles installées en Saône-et-Loire.

Bien que titulaire d’un BTS agricole, le jeune homme a préféré suivre une nouvelle formation avant de s’installer en juillet 2020 et de monter la Bergerie de Santagny : « cela m’a permis de me remettre à niveau et de mieux appréhender le contexte actuel ».

Les moutons ont toujours été une passion et une évidence : « même si je ne m’étais pas installé j’aurais quand même eu une petite troupe ! ». Thomas Martin a envisagé dans un premier temps l’élevage ovin allaitant mais c’est la surface en foncier nécessaire qui l’a fait changer d’optique. « Le projet c’était vraiment de proposer un produit fini avec vente directe », ce sera donc élevage ovin laitier avec transformation fromagère et vente directe.

La conviction du bio

Le point sur lequel Thomas Martin n’a jamais hésité, c’est se lancer en bio ! « J’ai toujours eu la conviction du bio, je ne me voyais pas dans une autre filière. Et je n’y vois que des avantages ».

Intime conviction doublée d’une volonté de faciliter le discours : « le label permet lisibilité et visibilité pour la clientèle, cela permet aussi d’aller toquer à la porte des magasins bio ».

La ferme qu’il a reprise du côté de Genouilly, comprenant bâtiments, parcelles et stock de fourrage, n’était pas en bio. De ce fait, le jeune agriculteur a entamé la démarche de conversion avant même d’avoir ses premières brebis. « En août 2022, toutes mes parcelles et récoltes vont être certifiées bio ; à partir de là, va débuter la conversion des brebis, ce qui fait qu’en mars 2023, j’aurai le label bio sur tout, les fromages comme les agneaux ».

Un parcellaire adapté

Cette volonté de s’installer en bio a forcément eu une influence sur le processus d’installation. « Il fallait trouver l’autonomie fourragère, donc la recherche de la ferme s’est faite en fonction ». Une fois le lieu trouvé, il a fallu un peu d’adaptation : « le cédant était en bovins allaitants et avait 6 ha de cultures, il a donc fallu labourer quelques prairies pour avoir les 11 ha nécessaires ».

Ce que la filière bio a aussi induit dans sa conduite de ferme, c’est au niveau du type de cultures à réaliser. « J’ai dû entrer de la luzerne dans la rotation pour l’apport en protéine et pour le stockage d’azote, j’ai également cultivé du méteil (pois-triticale, plus avoine ou épeautre). Je fais de l’orge en pur, et aussi un peu de mélange suisse à base de luzerne, fétuque, ray-grass, en vue de récolter du fourrage ».

Il reconnaît volontiers que la partie culture ce n’est pas ce qu’il préfère, de ce fait il délègue ces travaux à un prestataire extérieur. « Mon truc à moi ce sont les fromages, je préfère donc me consacrer à leur élaboration et à leur commercialisation ! ».

Une première en Saône-et-Loire

Il n’empêche qu’il aura bien étudié et chiffré tout son projet avant de se lancer. Peu de références existaient dans cette filière dans le département, il est donc allé chercher des données du côté de l’Aveyron et de la Drôme.

Malgré tout, « j’ai été accompagné par Sophie Mobillion de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, et mon projet était d’autant plus intéressant pour la chambre que je suis le premier ovin lait bio dont elle a accompagné l’installation ».

De ce fait, tout a été monté en prenant comme référentiel les élevages caprins avec transformation fromagère. Ainsi, Jean-Luc Nigoul d’Acsel élevage et Guillemette Allut, du Centre fromager de Bourgogne, ont aussi été associés à ce dossier.

« L’appui de la chambre s’est notamment révélé précieux pour tout ce qui était organisation de travail, ergonomie de la fromagerie, gamme de fromages ». Et l’éleveur continue d’avancer pas à pas : « une fois les récoltes faites, je fais tout analyser pour connaître la qualité de mes aliments et constituer les bonnes doses alimentaires ». Souhaitant adapter ces rations à chaque lot d’animaux, brebis en gestation, en lactation ou agneaux, il envisage déjà de faire « des mélanges plus sophistiqués ». Thomas Martin avance ainsi de façon empirique tout en s’entourant des précieux conseils des techniciens.

L’exploitation dans le détail

L’exploitation dans le détail

La Bergerie de Santagny à Genouilly, ce sont 43 ha en propriété, une soixantaine de brebis lacaune dont 42 sur le quai de traite, 12.000 litres de lait transformés en 2021, une gamme de fromages très complète allant des faisselles au bleu, de la féta au fromage à tartiner, de la tomme à la buche cendrée. Et des projets de fromages à raclette… Le tout est écoulé à la ferme, dans des petites épiceries et sur des marchés, et pour quelques-uns d’entre eux, un circuit grande distribution va être tenté en ce début d’année.
Les moutons partagent les prairies avec une dizaine de chevaux en pension. Certaines prairies sont aussi louées pour des bovins.
L’un des grands intérêts de cette ferme était qu’elle est d’un seul tenant avec plusieurs bâtiments permettant de créer différents espaces : bergerie, zone de stockage, fromagerie, etc., et que le pâturage est en accès direct.

L’angoisse du loup

Thomas Martin a accueilli ses premières brebis en novembre 2020 le lendemain d’une attaque de loup… Autant dire que l’éleveur a immédiatement été plongé dans cette angoisse partagée depuis plusieurs mois maintenant par ses collègues. Désarmé dans tous les sens du terme, il milite pour que le département soit reconnu comme zone de non protégeabilité pour permettre les tirs de défense immédiatement après la présence avérée du prédateur. « Les filets sont inefficaces et sont impossibles à gérer au quotidien. Pour nous qui accueillons du public dans notre ferme, les patous sont source de problèmes. Je refuse de passer mon permis de chasse et enfermer mes brebis toutes les nuits, ce serait contre-nature pour elles » et c’est de toute façon interdit par le label bio. Thomas Martin espérerait donc en parallèle voir se développer les caméras thermiques, « on sait que le loup vient en repérage les nuits précédant les attaques… ».

Le bio lui impose de laisser les agneaux sous leur mère 45 jours. « Si je suis attaqué en début de saison, pour moi c’est la fin de toute mon année. Même non blessées, les brebis auraient immédiatement le lait coupé ». 
Parfaitement motivé par son choix de vie, passionné par l’élevage ovin, on ne peut que ressentir la profonde angoisse chez cet éleveur qui ne passe plus de nuits sereines. À cause du loup.