Rais’EAU : engager le dialogue nécessaire autour de la gestion de l’eau

Initiative / Le Jura est régulièrement touché par la sécheresse qui peut avoir de graves conséquences sur l'agriculture. L’été, le manque d’eau ne concerne pas que l'irrigation en zone de plaine, mais aussi l’abreuvement des animaux sur les plateaux karstiques, qu’il a fallu parfois ravitailler en camions-citernes car les sources étaient taries. À l'initiative de la chambre d'agriculture, une journée Rais’EAU (Rencontre agricole sur les impacts et solutions autour de la ressource en eau) pour échanger et se concerter sur l’usage de l’eau en agriculture, était organisée mardi 8 février au lycée Montciel de Lons-le-Saunier.

Rais’EAU : engager le dialogue nécessaire autour de la gestion de l’eau
Soixante personnes concernées par la problématique de l’eau ont assisté à cette journée Rais’EAU

« Le sujet de l'eau ne date pas d’aujourd’hui. Depuis la nuit des temps, l'accès à l'eau et à la terre, a toujours été une préoccupation, parfois source de conflits et de consensus, » a rappelé en guise d’introduction François Lavrut, président de la chambre d'agriculture du Jura. « Le but de ce colloque est de tout mettre sur la table pour réfléchir avec les différents acteurs concernés à comment partager cette ressource. Nous devons nous comprendre les uns les autres, tendre vers une vision commune, qui permet de conserver une agriculture productrice de valeur ajoutée, car le sujet est préoccupant pour l’avenir. »

Les végétaux et le bétail ont un besoin vital en eau. Jean-Louis Pavat, de la chambre d’agriculture, a présenté les volumes actuellement utilisés par l’agriculture. Pour produire un kilo de matière sèche, les plantes de pleins champs consomment en moyenne de 400 à 800 litres. Dans le Jura, 2,3 millions de m3 ont été puisés en 2019 pour irriguer 4354 ha (2,3% de la SAU). L’élevage représente 157 000 UGB qui boivent chacune 70 litres par jour, soit 4 millions de m3 au total par an. L’agriculture prélève donc 6,3 millions m3 d’eau, à mettre en relation avec les 21 millions utilisés pour l’eau potable et les 48 millions par l’industrie (dont 25 par Solvay).

Une réglementation stricte

Fabien Poncet, de la DDT du Jura, a rappelé les règles en matière de prélèvement d'eau pour l'agriculture, notamment pour l'irrigation : « Un agriculteur qui veut utiliser l'eau doit préparer son projet pour que la procédure réglementaire aille le plus vite possible ». Si le volume puisé est inférieur à 1000 M3 par an, il suffit de le déclarer. Dans le cas contraire, si un forage est réalisé dans une nappe phréatique, il doit faire une procédure concernant le prélèvement de l'eau : une procédure de déclaration entre 10 et 200 000 m3 et une demande d’autorisation au-dessus. Entre 1000 et 10 000 m3, une déclaration non soumise à la réglementation suffit. Pour les prélèvements dans un cours d’eau ou à proximité, s’il dépasse 1000m3/h ou 5% du débit d’étiage, l’agriculteur doit entamer une procédure d’autorisation, en dessous une procédure de déclaration. Les procédures d’autorisation sont instruites en 2 mois minimum et celles d’autorisation en 9 mois.

En cas de sécheresse, une cellule de veille réalise une synthèse de la situation et donne son avis, puis la préfecture prend, ou ne prend pas, un arrêté de restriction des usages de l’eau.

Pour Francois Rolin, directeur de la délégation de l’agence de l’eau à Besançon et Clément Donney du BRGM (établissement public pour les sciences de la terre), les forages et prélèvements supplémentaires ne peuvent être une solution car la ressource se raréfie, et ne se recharge pas totalement l’hiver. A l’inverse, selon Emmanuel Schouwey, président de l’ASA irrigation de la Basse Vallée de la Loue, la recharge hivernale est conséquente et permet de remplir les nappes.

Adapter les pratiques

Plusieurs agriculteurs ont ensuite témoigné de leurs pratiques et des adaptations mises en œuvre face au changement climatique. Nicolas Mathon, cogérant avec son épouse des vergers de Seillière, a vu ces dernières années ses récoltes de fruits décimées par le gel et la sécheresse malgré un choix de variétés résistantes. « Aujourd’hui, nous n'avons pas d'eau à part celle du réseau puisée dans la nappe de la Seille. Nous en consommons de 3 à 4000 M3 par an pour lutter contre la sécheresse mais aussi contre le gel par aspersion. » Pour obtenir de l'eau de façon fiable, régulière et autonome il a un projet de retenue. L'emplacement choisi, au fond d'un vallon, serait alimenté par l'eau de ruissellement. « C'est un projet lourd qui coûtera 150 000 €, » précise l'arboriculteur. « Hormis le plan de relance, qui peut prendre en charge jusqu'à 40%, il n'y a pas d'autres dispositifs d'aide dans la région. »