Section ovine de la FDSEA
De l’agrivoltaïsme et du loup au programme de la section ovine de la FDSEA

Marc Labille
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L’assemblée générale de la section ovine de la FDSEA a été consacrée en bonne partie à l’agrivoltaïsme. L’autre gros sujet a été la prédation qui grignote, elle aussi, la campagne.

De l’agrivoltaïsme et du loup au programme de la section ovine de la FDSEA
Regrettant de n’être pas assez nombreux autour de la table, les éleveurs de la section ovine ont imaginé des pistes pour mobiliser davantage les troupes.

L’agrivoltaïsme s’est invité à la dernière assemblée générale de la section ovine de la FDSEA. Les organisateurs avaient en effet fait venir deux représentants d’EDF renouvelables, la filiale dédiée au sein d’EDF. À l’heure où les propositions commerciales fleurissent sur le terrain, les éleveurs de moutons se doivent d’être bien éclairés sur les avantages et inconvénients de ce type de projet et d’en connaître tous les enjeux agricoles… Une loi sur le sujet est d’ailleurs en train d’être peaufinée par les parlementaires. Le texte est attendu pour 2023 pour répondre à la montée de l’agrivoltaïsme poussé par ses promoteurs. La profession (FNSEA, JA) a participé à l’élaboration d’une charte de bonnes pratiques dès 2019. En 2022, un guide de l’agence de l’environnement, l’Ademe donnait « une vraie définition de l’agrivoltaïsme » comprenant le maintien de l’activité agricole et l’obligation d’apporter un minimum de services : bien-être animal, potentiel agronomique, changement climatique, aléa climatique. Au niveau local, les instances départementales, d’abord opposées à ce type de projet, ont planché sur des chartes, rapportait Eliott Guy d’EDF renouvelables. La situation pourrait se clarifier avec les prochains décrets législatifs et les nouvelles doctrines départementales, annonçaient les deux intervenants.

Pas au détriment de la souveraineté alimentaire

En Saône-et-Loire, réticente de prime abord, la profession - via le Conseil de l’Agriculture de Saône-et-Loire (Chambre d’agriculture, FDSEA, JA, MSA, Safer, banques, assureurs, coopération…) - a voulu se donner le temps de « réfléchir aux intérêts et lacunes pour la pérennité des exploitations », rapporte Luc Jeannin, élu à la Chambre et à la FDSEA. « Il y a un besoin d’électricité aujourd’hui et une obligation de décarboner. Certes, il faut tendre vers la souveraineté énergétique, mais pas au détriment de la souveraineté alimentaire », recadre le responsable et de poursuivre, « nous avons identifié un certain nombre de points qui nous inquiètent ».

Parmi les réserves formulées par la profession, il y a un risque en termes de foncier qui pèse sur l’agriculteur. Le recours à des baux dits « emphytéotiques » précarise la situation de l’agriculteur exploitant. « Il faut sécuriser la transmission du foncier », avertit Luc Jeannin qui redoute « des mouvements de fonciers » défavorables aux agriculteurs. De manière générale, l’attrait du revenu photovoltaïque (entre 1.500 et 3.000 €/ha selon les cas) risque de déstabiliser l’équilibre du monde agricole. Les élus redoutent une compétition entre ceux qui en auront les moyens au détriment des plus modestes avec l’émergence de gros projets ou la quête d’une rente.

Besoin de sécuriser les agriculteurs

Pour sécuriser les agriculteurs, la profession propose, par exemple, de limiter la taille des projets par exploitant, préférant obliger un opérateur à contracter avec plusieurs agriculteurs. Elle milite pour une répartition plus équitable des ressources (propriétaire et bailleur), avec le souci de préserver l’installation des jeunes agriculteurs. Pour la transmission des exploitations, un bail rural entre l’énergéticien et le fermier est vivement recommandé. La profession de Saône-et-Loire imagine aussi « une contribution pour les agriculteurs qui ne peuvent pas installer de panneaux photovoltaïques sur leurs toits, voire un financement pour le désamiantage », évoque Luc Jeannin. Le nouveau cadre législatif devrait permettre de mieux sécuriser les exploitants. Lire à ce sujet l’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire du 27 janvier 2023 en page 8.

La prédation a été l’autre gros dossier de l’assemblée générale de la section ovine. La seconde vague d’attaques de loup dans le Clunisois date de l’automne 2021 et depuis, la commission départementale a poursuivi ses actions de communication, de soutien aux éleveurs, tout en conduisant un travail sur les études de vulnérabilité.

Loups, lynx prolifèrent…

80 constats de dommages ont été effectués en Saône-et-Loire en 2022 pour 104 animaux tués ou euthanasiés, 33 blessés et 45.000 € d’indemnisation, rappelait Laurent Solas, de la Chambre d’agriculture. 38 constats se sont conclus par à une « présomption de loup non exclue » et deux par une présomption de lynx. Au moins quatre de ces félins originaires du Jura seraient présents en Saône-et-Loire, précisait le technicien. Quant aux loups, un individu a été vu, photographié et même filmé en plein jour près de l’agglomération chalonnaise et des attaques sont recensées en ordre dispersé… La difficulté demeure de faire constater et reconnaître la responsabilité du loup. Le dénombrement officiel de ce prédateur protégé demeure sous-estimé à l’échelle nationale (920 individus selon les autorités). La révision de cette estimation est l’une des revendications portées par la profession au national. Il faudrait aussi que davantage d’agriculteurs s’inscrivent dans le réseau loup-lynx. Ce dispositif spécialement dédié à la remontée d’indices est constitué aux deux tiers de naturalistes…, déplorait le président de la section ovine Alexandre Saunier.

Les éleveurs auraient également grandement besoin d’être alertés à chaque fois qu’il y a des attaques sur le territoire, poursuivait-il.

Reconnaissance de non-protégeabilité partielle

Enfin, l’une des avancées marquante, fruit de tout un travail de la profession, est l’obtention de la « reconnaissance de non-protégeabilité partielle » ou RNPP. Il s’agit d’une démarche individuelle qui permet à l’éleveur d’obtenir la possibilité de tirs de défense sur des lots reconnus non protégeables. Cette demande doit être appuyée par une étude de vulnérabilité. Sept de ces études de vulnérabilité ont été réalisées et elles ont toutes été validées. Une autorisation de tir de défense a été délivrée. L’étape est maintenant de le déployer à l’ensemble du département.

Loup : les demandes de la profession

Concernant l’indemnisation des pertes, les demandes de la profession sont l’actualisation annuelle du barème suivant les cours du marché ; le financement des dépenses sur des fonds autres que Feader et crédits nationaux ; l’indemnisation des pertes indirectes à leur juste valeur ; enfin, la prise en compte du coût psychologique et le temps passé aux démarches administratives…

Concernant la protection des troupeaux, la profession voudrait que les éleveurs et les chasseurs formés puissent avoir des armes équipées de lunettes à visée nocturne ; elle prône l’indemnisation des lieutenants de louveterie et des effectifs plus nombreux ; l’augmentation du nombre de brigades mobiles d’interventions ; le financement de la main-d’œuvre pour la pose et l’entretien des clôtures électrifiées.

La proposition d’EDF renouvelables

La proposition d’EDF renouvelables

EDF renouvelables compte 57 centrales photovoltaïques au sol en France dont quatre parcs en Bourgogne Franche-Comté - l’un d’entre-eux est à Chagny. Au départ, tous ces projets concernaient des sites pollués, mais l’objectif national de multiplier par cinq la puissance installée oblige à trouver d’autres surfaces, introduisait Eliott Guy d’EDF renouvelables. Dans l’esprit du projet de loi et des chartes locales, EDF renouvelables propose des projets procurant « une plus-value à l’exploitation », exposent les intéressés. Les panneaux solaires en question sont de type « trackers », des panneaux « mono pieux » orientables alignés en rangs espacés de 9 mètres. Cette implantation permet une exploitation agricole des parcelles. L’impact sur la production agricole est étudié : pousse de l’herbe, qualité des fourrages, bien-être animal, performances… Des impacts agronomiques qui seraient plutôt minimes voire inexistants, font valoir les représentants d’EDF renouvelables. Chaque projet nécessite des études d’impact environnemental et paysager. Les questions d’urbanisme, de raccordement et d’acceptation du voisinage sont également au menu, avant l’étape de l’enquête publique. Passé ces premières démarches, un pré-projet est construit avec l’agriculteur. Parmi les enjeux du projet, les concepteurs font en sorte de « conserver la production fourragère et l’élevage », dans le respect de la définition de l’agrivoltaïsme fixée par la loi : lutte contre le changement climatique, lutte contre les aléas climatiques, améliorer le potentiel agronomique, améliorer le bien-être animal. Dans son éthique, l’énergéticien entend favoriser les jeunes agriculteurs (revenu, installation…). En matière de plus-value, ces projets pourraient permettre le financement de bergerie, clôtures, dispositifs de protection de troupeau…, fait-il valoir. L’énergéticien évoque aussi le « versement de compensations agricoles collectives » (vers un abattoir, un GIEE…). Une « contractualisation » prévoit un bail de 30 ans avec le propriétaire des terrains et « la signature d’un prêt à usage avec l’exploitant », lequel « remplace le bail rural, sur 10 ans renouvelable », présentent les intéressés. Ce projet peut aussi devenir un projet de territoire en associant les communes, les intercommunalités… Les représentants d’EDF renouvelables citent aussi la possibilité de financement participatif, la création d’emploi…