Durement impactés par le loup l’an dernier, les éleveurs de moutons charollais aimeraient que le plan national loup évolue. C’est ce qu’ils ont argumenté aux parlementaires du département vendredi dernier lors d’une réunion organisée à Palinges.

Un plan mal compris…
Que ce soit dans l’arc alpin ou ailleurs en Europe, personne ne vit bien avec loup, s’accordaient tous les intervenants.

Vendredi dernier à Palinges, une réunion sur la problématique du loup était organisée à l’initiative de l’organisme de sélection (OS) du Mouton Charollais. Durement touchés par le prédateur durant l’année 2020, les éleveurs de moutons charollais ont voulu faire « un rappel des faits » devant plusieurs parlementaires du département invités pour l’occasion. Ce sont 41 attaques concernant 26 élevages (dont une quinzaine d’adhérents à l’OS) qui se sont produites courant 2020 dans le Charolais, rappelait Aline Bonnot, la directrice de l’OS. Le loup a tué 148 moutons et en a blessé 44. Ce préjudice représente « une facture globale d’environ 200.000 € » avec la perte de « plus de 10 % de notre génétique charollaise », introduisait le président Pascal Chaponneau. Depuis fin janvier dernier, alors que le responsable des faits a fini par être neutralisé en novembre dernier, de nouvelles attaques sont à déplorer en Saône-et-Loire, touchant quatre élevages pour 29 moutons tués et sept blessés, informait la directrice. Si le loup n’a pas encore été formellement identifié, tout le monde s’attend à de nouvelles prédations, d’autant que le département est qualifié de front de colonisation par les autorités elles-mêmes.

Si grâce à la mobilisation de la profession, ce premier gros dossier loup survenu en Saône-et-Loire a été plutôt bien géré, les éleveurs ont tout de même du mal à encaisser les contraintes imposées. Devant les parlementaires présents, les responsables du Mouton Charollais, pour en avoir fait l’amère expérience l’an dernier, ont redit la difficile compatibilité entre un élevage bocager à la manière du Charolais et la présence d’un grand prédateur sauvage. 

Incompatible

Deuxième département de France en élevage, la Saône-et-Loire est en effet dominée par les conduites à l’herbe extensives pourtant en adéquation avec les attentes sociétales (paysage, productions de qualité, prairies puits de carbone, etc.), faisait-on valoir. Sur des exploitations souvent diversifiées, avec des petits troupeaux (moyenne 64 brebis par élevage en Mouton Charollais), conduits dans des petites parcelles délimitées par des haies, les éleveurs de moutons ont du mal à s’imaginer posant des filets électrifiés, parquant les animaux, les fermant dans des bergeries, s’équipant de patous… Pour un élevage typique de la région (70 hectares, 100 brebis, 70 vêlages), l’OS a estimé qu’il faudrait plus de 10 km de clôtures spécifiques équivalent à 10.500 € de filet ou 8.400 € de clôture fixe ainsi que huit chiens de protection… Dans ce cas, les aides de la Région ne couvriraient pas les frais, calcule Aline Bonnot qui évoquait aussi « la main-d’œuvre colossale nécessaire » pour des exploitations déjà débordées de travail… L’OS pointe en outre l’inefficacité avérée de ces dispositifs de protection, « qui ne font que repousser le prédateur pour quelques jours seulement », déplorait Pascal Chaponneau. 

Un danger pour la filière élevage

Pour les éleveurs-sélectionneurs de moutons charollais, l’arrivée du loup est un danger pour les filières élevages de Saône-et-Loire. La pérennité des quelque 315 éleveurs d’ovins du département et de leurs 45.000 brebis serait remise en cause. Mais le loup n’épargnerait pas non plus les 6.500 exploitations bovines allaitantes et leurs 215.000 vaches, faisait-on remarquer. Pour un département berceau de races, réputé mondialement pour la première des races à viande bovine et la première des races ovines diffusées en France, le prédateur surprotégé serait un coup dur porté à des filières vertueuses créatrices de valeurs (génétique, signes de qualité, etc.).

Présents à cette réunion, plusieurs jeunes éleveurs ont fait part de leurs craintes quant aux conséquences du loup. L’un d’eux, à la tête de 350 brebis et installé depuis quelques années, ne se voit pas changer son système de production seulement quelques années après son installation. Un autre avouait renoncer à son projet de se diversifier dans le mouton après les évènements de 2020.

Au-delà des considérations techniques et des débats sur le plan loup, on sentait bien en toile de fond le traumatisme provoqué par cette irruption du loup dans le quotidien des éleveurs. Avec un sentiment d’injustice face à une société qui s’inquiète plus du sort des animaux sauvages que de la détresse humaine. S’adressant aux élus, le président Pascal Chaponneau appelait de ses vœux à « une remise en question du plan loup ». 

Hugues Pichard : « une problématique générale ».

Présent à la réunion, Hugues Pichard, président de Charolais France mais aussi de Races de France, s’inquiétait pour les jeunes avec le risque qu’ils se détournent du métier. L’éleveur de Montceau-les-Mines ne doutait pas non plus que le loup s’attaque un jour aussi aux veaux. Enfin, pour être en contact avec les organismes raciaux des espèces canines, il confiait que la problématique loup inquiète aussi les éleveurs de chiens de protection, lesquels ne seraient pas en capacité de fournir le nombre de chiens nécessaires…

 

Parlementaires solidaires

Présents à cette réunion, la sénatrice Marie Mercier, la députée Josiane Corneloup et le sénateur Fabien Genet ont promis de défendre une évolution du plan national loup. Marie Mercier s’est, pour sa part, dite interpelée par « le mal-être et la souffrance » qu’elle a entendue à Palinges. Après avoir toutefois fait remarquer que la Saône-et-Loire « était quand même arrivée aux tirs de prélèvement assez rapidement », au prix toutefois d’une énorme mobilisation de la section ovine de la FDSEA avec les services de la chambre d’agriculture et de la DDT 71, Josiane Corneloup confirmait, pour en avoir beaucoup échangé avec ses collègues députés de l’arc alpin, que « personne ne vit bien avec le loup ». La députée évoquait aussi la divergence sur la question entre les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement.

 

« La surprotection du loup pose problème »

Invitée à Palinges, Mélanie Brunet, éleveuse dans l’Aveyron et présidente de l’association Cercle 12, est venue témoigner de son expérience. Pour avoir rencontré des éleveurs alpins, lesquels vivent avec le loup depuis plus de 27 ans, elle confirmait l’échec de la « cohabitation » imposée avec le prédateur. Selon elle, le bilan de ces 27 années prouve que les clôtures/filets électrifiés n’arrêtent par le loup. Les attaques auraient quadruplé pour atteindre 12.500 animaux domestiques tués et indemnisés soit une dépense globale de 28 millions d’euros en France…, informait-elle. La présidente de Cercle 12 rapportait aussi le point de vue de scientifiques selon lesquels le loup, trop « surprotégé », ne craindrait plus l’activité humaine et prendrait l’habitude de se nourrir d’animaux d’élevage. Des chercheurs affirment même qu’il faudrait « que l’animal entende à nouveau le souffle des balles » pour reprendre ses distances avec l’homme. Une nécessaire réciprocité, expliquait Mélanie Brunet. Au sujet des moyens de protection, il y aurait 4.200 patous et assimilés dans les Alpes et jusqu’à dix-quinze chiens par élevage ! Des canidés de plus en plus imposants pour tenir face aux loups, mais qui posent problème en hiver quand ils trainent dans les villages, rapportait l’intervenante. Dans l’Aveyron, 120 bovins ont été tués par le loup en 2019 ; des petits veaux mais pas que… Le département est l’un des seuls en France à avoir obtenu « le statut non protégeable du loup ».