Assemblée générale de la FDSEA
Assemblée générale de la FDSEA : un défi paradoxal à relever…

Marc Labille
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Comment arriver à concilier l’impératif de souveraineté alimentaire avec l’adaptation climatique et les attentes sociétales ? C’est le défi que l’agriculture doit relever dans les prochaines années. Un défi et des paradoxes avec la sensation d’une société qui veut un peu tout et son contraire.

Assemblée générale de la FDSEA : un défi paradoxal à relever…

Pour sa 78e assemblée générale, la FDSEA de Saône-et-Loire a posé le défi qui attend l’humanité. Cette dernière aura-t-elle en effet la capacité de nourrir 9 milliards d’individus d’ici quelques années ? Face à cet enjeu crucial, « la question de la souveraineté alimentaire est essentielle, avec un élément en plus ; l’adaptation au réchauffement climatique », synthétisait Christian Bajard, président de la FDSEA. Comme l’a bien illustré la table ronde de cette AG (lire page X), l’agriculture a de la ressource pour s’adapter au changement climatique et « les femmes et les hommes qui composent le monde agricole sont de plus en plus nombreux à être formés là-dessus », faisait valoir le président. Mais alors qu’il faut trouver des solutions pour continuer de nourrir, la profession doit composer avec nombre de paradoxes bien français. Ces contradictions ont été évoquées à maintes reprises lors des rapports d’activité des sections de la FDSEA. Ce sont les exigences exaltées de la société ; les questions parfois légitimes sur le bien-être animal ou l’environnement, le fait de devoir revivre avec la prédation, ou encore la perte de compétitivité de la France au sein de l’Europe…

Il manque une politique publique forte…

La décapitalisation s’aggrave dans l’élevage allaitant avec une perte de - 10 % du nombre de vaches en Saône-et-Loire. En volailles, on ne produit que 50 % de ce qu’on consomme, pointait du doigt Christian Bajard. « On perd 36 exploitations par an en Bresse ! L’AOP volailles de Bresse a perdu 48 producteurs en 10 ans », alertait Frédéric Bernard, éleveur à Saint-Usuge. « Pour maintenir la production et restaurer la souveraineté alimentaire, il faut des politiques publiques fortes avec une vision à plus long terme », estimait Christian Bajard. Il faut en finir avec « les incohérences de normes qui s’accumulent sur nos exploitations quand dans le même temps on importe n’importe quoi de n’importe où », dénonçait le président.

Besoin de temps et de revenu…

Forte de ses millions d’hectares de prairies nourrissant des ruminants, de ses milliers de kilomètres de haies source de biodiversité et pièges à carbone…, l’agriculture française de type Saône-et-Loire a plein d’atouts à faire valoir tant pour la souveraineté alimentaire que pour les défis environnementaux et climatiques. Mais elle a besoin de temps pour accomplir la transition nécessaire, rappelait Hervé Lapie de la FNSEA « Et cette transition coûte cher, d’où le besoin de revenu pour nos exploitations », ajoutait Christian Bajard.

« Ce ne sera pas open-bar pour l’agri-voltaïsme ! »

Pour la FDSEA, les énergies renouvelables peuvent être une opportunité, à condition qu’elles servent de pilier aux exploitations, un peu comme le dispositif de la PAC, estimait Christian Bajard. « Il ne faut pas que ces nouvelles productions ne profitent qu’à une poignée d’agriculteurs », met en garde le président. D’où la volonté de la profession de limiter la taille des projets et de l’inscrire dans une charte… « Ce ne sera pas open bar ! », lançait Christian Bajard qui veut à tout prix que la profession « ne se fasse pas doubler par des gros projets privés ou opportunistes… ». Quant à la problématique de l’eau, « il n’y a pas d’agriculture sans eau », rappelait à dessein le président.

« Ce mépris, nous le vivons très mal… »

Le manque de revenu, l’absence de lisibilité à long terme et les nombreuses attaques contre la profession participent au découragement de beaucoup d’agriculteurs. « Tous ces mensonges sur notre métier, nos produits, nos pratiques, émis par des gens qui n’ont jamais mis les pieds sur une exploitation, nous les vivons très mal », dénonçait Christian Bajard. « Ce qui affecte le plus les agriculteurs, c’est la méprise de leur métier. Quand des caméras entrent clandestinement sur les exploitations, il faut que ce soit condamné et puni de façon pécuniaire », poursuivait le président de la FDSEA et de conclure, « nous sommes prêts à montrer notre travail, à expliquer que la terre est précieuse et exigeante… Mais ayez confiance aux agriculteurs et à leurs messages ».

 

 

L’installation qui n’est plus aidée…

À l’heure où il faut attirer du monde pour assurer la relève des 30 % d’agriculteur âgés de plus 55 ans, certaines décisions politiques interpellent tant elles semblent en contradiction avec l’avenir de la profession. Ainsi apprend-on que 75 % des formations adultes agricoles pourraient être menacées faute de financement, alertait le secrétaire général de la FDSEA Luc Jeannin… En 2022, la Saône-et-Loire avait encore pu compter 91 installations aidées sur son territoire, signe d’une dynamique d’installation solide dans le département. Mais – et c’est un paradoxe de plus que dénonçait la présidente des Jeunes Agriculteurs Marine Seckler – les aides à l’installation sont suspendues depuis plusieurs mois suite à l’acquisition par la Région de la compétence de la gestion du second pilier de la Pac. « Cela fait plus d’un an que notre profession tente (en vain) de travailler avec les élus régionaux et les services administratifs pour construire des politiques d’installation […] », déplorait la présidente des JA. « Quand on clame tout haut que l’agriculture est une priorité dans sa politique régionale, il faut ensuite l’assumer ! », dénonçait la jeune agricultrice, témoignant du même coup de la déception de toute la profession.

Soutien réaffirmé du Conseil Départemental

Invité à prendre la parole lors de l’assemblée générale de la FDSEA, le président du Conseil Départemental André Accary a redit le soutien de sa collectivité envers les agriculteurs. « On aimerait soutenir plus encore », confiait le président qui citait le laboratoire d’analyses départemental (FCO, flavescence dorée…), les aides dans le cadre de la lutte contre la prédation… André Accary évoquait aussi la problématique des incendies de forêts, sujet sur lequel il a été missionné à l’échelon national. « L’apport des agriculteurs a été fondamental dans la lutte contre les incendies de l’été dernier », indiquait l’élu qui annonçait un travail sur ce sujet, de concert avec la profession. Enfin, le président revenait sur le dernier salon de l’agriculture où le Département a tenu à être présent sur un stand promotionnel où l’agriculture avait toute sa place.

Renouvellement des générations, énergies renouvelables, évolution climatique

Pour le président de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire Bernard Lacour, le sujet numéro 1 du moment est bien le renouvellement des générations. « Nous sommes face à un départ massif d’agriculteurs à la retraite, nous avons la nécessité absolue de trouver des jeunes pour leur succéder ». Cela passera par la promotion de « ce beau métier » et de « sa noblesse ». Il faut aussi « travailler la diversité de cette agriculture. Aujourd’hui, la moitié des agriculteurs qui s’installent sont hors cadre familial. Cela nous impose de les accompagner et de les écouter », estimait Bernard Lacour. Sur les énergies renouvelables et le sujet sensible de l’agrivoltaïsme, le président livraient les chiffres d’une « trentaine d’opérateurs sur le terrain et de 500 dossiers en Saône-et-Loire dont 98 % n’iront pas au bout… ». Voulant que la profession soit « au rendez-vous de la production d’énergie », Bernard Lacour estime « qu’il faut définir une règle sur ce que l’on souhaite, ce que l’on attend, sur l’effet levier que peut procurer l’agrivoltaïsme ». Le troisième défi de l’agriculture saône-et-loirienne concerne l’évolution climatique. Le président de la Chambre d’agriculture appelait à travailler « sérieusement » le sujet des mal nommées "bassines", tant la question de l’eau grandit. Il évoquait aussi le volet recherche en citant le vignoble expérimental de la Chambre ainsi que la ferme de Jalogny qui vient de voir son organisation transformée. Désormais sous la houlette d’une association d’une trentaine de partenaires, Ferm’Inov est un support précieux d’innovations pour les agriculteurs du département qui seront ainsi mieux armés face aux changements.

 

« Prendre les choses avec pragmatisme »

Prenant la parole en clôture de cette assemblée générale, le Préfet de Saône-et-Loire Yves Séguy est revenu sur le sujet de l’eau. Confirmant que cette eau finissait par manquer même en Saône-et-Loire, il a évoqué « la réalité » des mesures de restrictions qui « risqueront d’arriver ». « Sobriété et résilience » seront les maîtres mots et « un comité départemental de l’eau » sera réuni, de même que des « assises de l’eau auxquelles vous serez conviés », promettait le représentant de l’État. À propos des énergies renouvelables, Yves Séguy invitait à « prendre les choses avec pragmatisme. Photovoltaïsme et agrivoltaïsme ne sont pas des gros mots », estimait-il, « produire de l’électricité représente une valeur ajoutée qu’il ne faut pas laisser échapper au profit d’autres qui vous démarchent ». Le Préfet confirmait le besoin d’un partenariat avec le monde agricole dans la lutte contre les feux de forêts. Il évoquait aussi l’emploi comme un aspect important du secteur agricole, saluant la bonne dynamique des installations en Saône-et-Loire. Enfin, Yves Séguy avait un mot sur la biodiversité et plus précisément le dossier du loup pour lequel il venait de signer des arrêtés pour prolonger des secteurs reconnus en non protégeabilité partielle : « pour protéger le mieux possible les capacités à produire des exploitations », concluait le Préfet.