EXCLU WEB/REGION : De très importants dégâts dans les vignobles de la région

Les forts épisodes de gel entre le 5 et le 8 avril, accompagnés de neige sur une nuit, ont produit d'énormes dégâts dans tous les vignobles de Bourgogne Franche-Comté.

EXCLU WEB/REGION : De très importants dégâts dans les vignobles de la région

Les bougies, les ventilateurs et même les pales d'hélicoptère n'y auront rien pu : la vague de froid qui s'est abattue sur toute la France entre le 5 et le 8 avril aura produit son effet dévastateur. En Bourgogne Franche-Comté, les vignobles ont été énormément impactés. Dans l'Yonne, en Côte-d'Or ou en Saône-et-Loire, les préfets sont venus, le 9 avril, constater les dégâts et ils sont énormes. Dans l'Yonne, d'après Guillaume Morvan, conseiller Viticulture à la Chambre d'agriculture, les dégâts (selon les parcelles) vont de 50 à 100 % : « Tout ce qui a dépassé le stade de la plante verte a été touché par le gel. Le vignoble icaunais dans son ensemble est touché, pas seulement certains secteurs. Les températures sont descendues à -7 voire -8°C (au niveau du fil de baissage), des températures hors zone d'efficacité de la plupart des techniques de protection (seuls les fils chauffants auraient eu à peu près un effet). Il a même fait jusqu'à -4°C sur les plateaux, là où il ne gèle pas particulièrement d'habitude.
Cependant, on parle bien de dégâts mais pas de perte de récolte ! Cet épisode de gel a grillé les bourgeons sortis mais si les contre-bourgeons redémarrent, une récolte (même si elle devrait être limitées) est possible. Les vignerons auront tout de même une année compliquée en termes de récolte.
Si le gel a fait autant de dégâts, c'est à cause des fortes chaleurs des derniers jours qui ont fait pousser la végétation. A cela s'est ajoutée l'humidité du début de semaine avec les épisodes de pluie voire de neige ». Guillaume Morvan l'assure : sans cette humidité, il y aurait eu moins de dégâts car l'air était sec. 

« Tout a pris ! »


Du côté de la Côte-d'Or, le constat est tout aussi morose. Pierre Arcelain gère le domaine éponyme à Pommard (4 hectares). Pour le jeune exploitant, il était encore difficile, le 8 avril, de dresser un état des lieux précis des effets du gel : « C'est très aléatoire suivant les parcelles mais les vignes les plus avancées sont forcément les plus touchées. Sur nos bourgogne chardonnay, je pense que les trois quarts sont « grillés ». Sur les pinot noir, il reste quand même beaucoup de bourgeons qui vont reprendre et nous donner du fruit. Nous avons tenté de limiter les dégâts avec des bougies mais c'est un coût important. De plus, leur efficacité n'a pas été énorme face à l'ampleur du gel qu'on a eu. C'est assez impressionnant parce que, d'habitude, on gèle dans les parcelles les plus basses, les bourgogne blancs et les bourgogne rouges, mais plus rarement en coteaux ou dans les Premiers crus... Là, tout a pris ! Le problème c'est que les premiers bourgeons de la vigne sont les plus fructifères. La vigne va pousser quand même, mais les bourgeons secondaires vont produire moins de fruits. Il manquera beaucoup de raisins, à la récolte. » Dans ses souvenirs, Michel, le grand-père de Pierre Arcelain, âgé de 91 ans, s'est souvenu d'un tel gel. C'était en... 1959. Un peu plus au nord, du côté de Morey-Saint-Denis, Guillaume Janiaut-Rousseau dirige le domaine des Loups, qui produit également des Marsannay et des Hautes-Côtes. Le constat qu'il fait est catastrophique : « j'avais vécu le gel de 2016 mais là on est sur une dimension nettement supérieure. J'estime mes pertes de récolte, au minimum à 50 %. » Lui aussi a eu recours aux bougies, « à contrecoeur, précise-t-il, parce qu'on sait que cette solution contribue au réchauffement climatique, mais c'est le seul moyen de lutte dont nous disposons. Le gros point négatif, ça a été dans la nuit du 6 au 7 avril avec la neige qui est tombée. Elle a réellement tout brûlé. La vigne a subi un très gros stress, les inflorescences vont couler et on aura des grappes beaucoup moins denses et compactes qu'en temps normal. » 

La crainte d'une double peine


L'autre crainte de Guillaume Janiaut-Rousseau, c'est qu'on est encore très loin des saints de glace (prévus vers le 11 mai NDLR): « Nous ne sommes pas à l'abri d'avoir à nouveau un gros épisode de températures négatives, comme ce fut le cas ces trois dernières années. La végétation va repartir mais si le gel frappe à nouveau fin avril-début mai, ce sera une catastrophe ». Agnès Paquet, à Meloisey, a fait le choix de protéger ses jeunes vignes de blanc, les plus précoces et ses Auxey-Duresses qui sont le cœur de son domaine : « Je dispose d'un système avec éolienne, entourée de feu à vingt et quarante mètres de chaque côté, qui permet de rabattre l'air vers le sol mais là, on avait une masse d'air polaire contre laquelle l'éolienne ne pouvait pas grand-chose. On avait aussi mis en place des bougies, mais on risque d'avoir des dégâts importants, même si c'est très compliqué de les évaluer précisément aujourd'hui. Sur les bourgeons avec une feuille sortie, on voit que c'est cuit, mais lorsque le bourgeon est encore dans le coton, il y a un doute. Je me souviens que le 9 avril 2003, on avait eu de la neige également... ». Enfin, dans le secteur du châtillonnais, en nord Côte-d'Or, les dégâts pourraient être moindres pour une raison simple : l'avancement de la vigne n'était pas aussi abouti, comme le confirme Sylvie Girard (Domaine Jean Girard à Belan-sur-Ource, 4,5 ha en pinot noir et chardonnay) « On espère que les bourgeons qui n'étaient pas sortis on été épargnés, mais on en a quand même trouvé des secs. J'espère qu'on aura sauvé au moins 50 % de la récolte. Mais avec des températures de -7 et de la pluie, on ne peut quasiment pas lutter... » 

Berty Robert (avec Christopher Levé)

« Une nature plus forte que nous »

Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB), s'est exprimé, la semaine dernière, à l'issue de l'épisode de gel : « Toute la Bourgogne a été touchée par cet épisode de grands froids, à des degrés divers, en fonction de l’état d’avancement du cycle végétatif. Nous pensons que les Chardonnay, plus en avance, auront été beaucoup plus touchés que les Pinot noir qui n’avaient pas encore fait leur débourrement. Il est impossible d’évaluer les dégâts pour le moment. Nous n’en mesurerons l’ampleur que dans quelques semaines. Les vignerons et négociants de Bourgogne ont fait ce qu’ils pouvaient pour lutter, mais chaque épisode de gel a été trop long et les températures trop basses. La nature a été plus forte que nous. Désormais, nous espérons que ce gel soit le dernier et que la sortie des bourgeons secondaires se passent bien. Toutefois, nous allons rester vigilants jusqu’au 15 mai, d’autant qu’une nouvelle baisse des températures est prévue dans les jours qui viennent. »