Damien Collignon à Navilly
Les semences sont un secteur de pointe

Marc Labille
-

Agriculteur multiplicateur de semences à Navilly, Damien Collignon est un des représentants des agriculteurs multiplicateurs de semences au sein de l’interprofession des semences Semae (ex-Gnis). Lui qui connait de l’intérieur la filière semences française, Damien Collignon parle d’un secteur stratégique de pointe faisant de la France un leader mondial. De quoi susciter beaucoup d’espoir quant aux défis que devra relever l’agriculture demain. 

Les semences sont un secteur de pointe
La France est avantagée par ses petites surfaces de semences et la diversité de ses producteurs sur des exploitations à taille humaine. C’est un atout pour le travail des sélectionneurs et obtenteurs, fait valoir Damien Collignon.

Producteur de céréales, d’oléoprotéagineux, de semences et de légumes à Navilly, Damien Collignon représente les agriculteurs producteurs de semences au sein de l’interprofession des semences et plants Semae, anciennement GNIS. 

C’est en 2003, alors que son exploitation effectuait déjà de la multiplication de semences de soja, que le jeune agriculteur a participé à la commission économique soja de la section Oléagineux de l’interprofession. Damien Collignon entrait du même coup à l’Association nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences d’oléagineux (Anamso), dont il est aujourd’hui le secrétaire général. Nommé au titre de l’Anamso, il est devenu membre du conseil de section Oléagineux de Semae. « Fondé en 1962, le GNIS est une interprofession qui réunit tous les acteurs de la filière semences : obtenteurs, multiplicateurs, semenciers, utilisateurs. C’est un espace de concertation pour toutes les semences végétales : céréales, oléoprotéagineux, pommes de terre, betteraves, lin et chanvre, fourragères, potagères. Le Gnis - rebaptisé Semae en janvier dernier, est un organisme privé mais chargé d’une mission de service public à travers le Service officiel de contrôle (SOC). Le SOC, dirigé par un haut fonctionnaire détaché du ministère de l’Agriculture, assure le contrôle et la certification des semences », présente Damien Collignon. 

« De l’éprouvette au jardinier ! » 

Semae fonctionne en sections où se discutent, entre représentants de tous les maillons de la filière, les problématiques, axes de travail, pistes de recherche, règlements techniques pour chaque culture… Ce lieu de débats réunissant tous les acteurs, de l’agriculteur utilisateur à l’entreprise de sélection, « a pour but, avant tout, d’assurer la disponibilité et la fourniture de semences et plants de qualité en s’adaptant à la diversité des attentes (agricultures, jardiniers, consommateurs) en France et sur les différentes zones de la planète. C’est sa raison d’être ! », expose Damien Collignon. Dans ce cadre, l’interprofession peut orienter les nouveaux critères de sélection pour adapter les variétés aux besoins du terrain et à la demande du marché ; adapter les itinéraires techniques à de nouvelles normes. « Cela implique de se projeter à cinq ou dix ans. On doit aussi prendre en compte les attentes sociétales, les défis alimentaires, évolutions climatiques, enjeux environnementaux… C’est un exercice difficile qui prend du temps et demande des moyens. La mise au point d’une variété peut prendre dix ans. On teste, on croise, mais cela ne marche pas à tous les coups ! », explique Damien Collignon. 

Une organisation qui a fait ses preuves

« Tout ce travail collectif, interprofessionnel de discussion et d’échanges pour bien construire les choses a un coût, payé par une CVO semences. Cette CVO, nous-mêmes professionnels de la filière, décidons de la payer et fixons son prix », informe le responsable. Ce travail collectif où « tout le monde participe à la performance de la filière », permet à la France d’être le premier exportateur européen de semences, fait-il valoir.  « En céréales, grâce à des accords interprofessionnels, les agriculteurs financent la recherche et l’amélioration variétale, même ceux qui utilisent des graines de ferme », rappelle Damien Collignon, qui ajoute que « si notre filière semences française est aujourd’hui au premier rang européen et parmi les leaders mondiaux, c’est grâce à cette organisation qui a fait ses preuves depuis des années. Les semences demeurent un secteur stratégique de pointe pour la France, au même titre que le nucléaire », affirme l’agriculteur de Navilly. 

Semae représente 72 entreprises de sélection, 250 entreprises de production, 19.000 agriculteurs multiplicateurs, 8.000 distributeurs et 15.000 emplois directs en France. « C’est un secteur qui exporte beaucoup avec une balance commerciale très excédentaire. La France est le premier exportateur mondial de semences », fait valoir Damien Collignon. 

Exploitations à taille humaine 

Contrairement à d’autres pays producteurs, la France est avantagée par ses petites surfaces et la diversité de ses producteurs et variétés multipliées. Source de revenu pour des exploitations à taille humaine, ce réseau de petites surfaces est un atout pour les sélectionneurs et obtenteurs en quête de meilleure tolérance aux stress hydrique ou coups de chaud, de résistances aux maladies et aux insectes... « La filière semences est à l’origine d’une évolution variétale énorme ces dernières années », affirme le représentant de Semae. C’est le cas du maïs vis-à-vis du stress hydrique ; du soja vis-à-vis de la richesse en protéines ; du blé vis-à-vis de la résistance aux maladies. La génétique augure encore d’énormes marges de progrès, confie encore Damien Collignon. Forte de sa diversité, de son unité et de son excellence, la filière semences française est capable de répondre à tous les défis de demain, assure-t-il. Et pour conserver sa place, il lui faudra s’adapter à ce qu’attendent ses nombreux clients étrangers : « un défi stratégique qui imposera de nouvelles méthodes de sélection plus rapides pour gagner du temps », estime Damien Collignon. Les nouvelles technologies de génie génétique en font partie et l’Union européenne, à contre-courant de toutes les autres grandes puissances, ne pourra pas leur tourner le dos durablement, conclut-il. 

En Bourgogne Franche-Comté, 1.200 ha de maïs semences sont cultivés autour du site Val-Union de Ciel. Terroir à soja, la région compte aussi 800-900 hectares de semences de cet oléagineux. En Saône-et-Loire, la production de semences concerne environ une centaine d’agriculteurs. Outre le maïs et le soja, ils produisent aussi des semences fourragères et un peu de graines de protéagineux. Des semences sont produites dans les usines de Ciel (Val-Union) et de Lacrost (Loras).