Gel d'avril 2021
Une catastrophe agronomique et une première réunion ministérielle le 12 avril

Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, a réuni, le 12 avril, les principaux responsables des organismes agricoles pour faire le point sur les dégâts de gel des nuits des 6, 7 et 8 avril.

Une catastrophe agronomique et une première réunion ministérielle le 12 avril

Établir un premier bilan ; mettre en place les dispositifs de gestion de crise, c’est-à-dire les dispositifs calamités, des exonérations de charges sociales et fiscales ; mettre en place un dispositif d’aide exceptionnel avec la définition de modalités sur le court et le long terme. Enfin assurer la collégialité de tous les acteurs que ce soit la MSA, les Chambres d’agriculture, les filières, les assureurs et les banques… Tels étaient les objectifs de la réunion qui a rassemblé, le 12 avril, par visioconférence, près d’une trentaine d’acteurs autour du ministre de l’Agriculture. Parmi eux les représentants des filières viticoles, céréalières (AGPB, FOP notamment), fruitières (FNPFruits) ainsi que des représentants des différents cabinets (Matignon, Bercy, Travail), afin de coordonner la réponse gouvernementale à cette crise.

Évaluation en cours

Dans ce rendez-vous, le ministre a commencé par rappeler l’ampleur des dégâts avec des centaines de milliers d’hectares. Il a surtout craint le nouvel épisode de gel qui était annoncé entre le 12 et le 15 avril et qui risquait, selon lui, d’aggraver la situation. Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé Viticulture de FranceAgriMer, a indiqué que 90 % du territoire était touché. Certaines zones le sont à 100 % quand d’autres, à l’image des deux Charentes et de l’Alsace ont subi un moindre impact du gel. À ce jour, il s’attend au minimum à 1/3 de perte de production, soit l’équivalent de 20 millions d’hectolitres et un manque à gagner de « plusieurs milliards d’euros ». 100 % des productions ont été touchées avec des pertes pouvant aller « jusqu’à 100 % sur certaines fermes », a détaillé Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). En maraîchage, l’impact semble avoir été variable selon les régions et l’évaluation des dégâts est en cours. Il en est de même sur les grandes cultures. Une partie du colza a souffert et des dégâts sont à craindre sur certaines céréales d’hiver. Ce serait entre 25.000 à 50.000 ha de betteraves qui auraient gelé. S’il est encore temps de re-semer, le coût avoinerait environ 700 euros/ha soit entre 17 millions et 35 millions d’euros pour les agriculteurs victimes du gel, a estimé la CGB.

Pool de coassurance

Toutes les filières demandent l’activation de mesures d’urgence comme l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti, le déplafonnement des aides de minimis, l’activation du Fonds d’allègement des charges (FAC) ou encore le déplafonnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). À plus long terme, certaines productions ont émis le souhait de travailler à un système assurantiel, de développer des moyens de protection aujourd’hui insuffisants par le manque d’eau (solution de stockage) et d’activer la recherche pour obtenir des semences résistantes. De son côté l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture s’est engagée à mettre en place une cellule de crise par département, notamment pour identifier les cas de détresse, et donner un premier niveau de conseils. Si les banques et assurances ont constaté que le nombre d’exploitations et d’ha assurés étaient encore faibles*, elles ont certifié que « les engagements seront maintenus » et souhaiteraient la mise en place d’un pool de coassurance pour la gestion des calamités nationales. Le ministre qui a demandé une « attention particulière aux jeunes agriculteurs » a donné rendez-vous aux mêmes acteurs pour une prochaine réunion dans la semaine du 19 au 23 avril.

 

*117.000 ha couverts sur 555.000 ha, 920 M€ de capital assuré et 40 M€ de cotisations selon Groupama. 80.000 exploitants assurés dont 13.000 contre le gel -3.400 déclaration de sinistres- 100 M€ d’indemnisations à venir.

La FNSEA en appelle à « la solidarité nationale »

La FNSEA en appelle à « la solidarité nationale »

« La mobilisation doit être générale et se traduire par un soutien massif de la Nation envers ses agriculteurs qui ont parfois tout perdu », a indiqué la FNSEA le 12 avril. Rappelant que « tous les Français ont été frappés » par les effets destructeurs du gel sur les cultures et que « la stupeur est immense dans les campagnes », la FNSEA demande de « mobiliser tous les outils à disposition » et « au-delà », à travers des aides financières, mais aussi par des dispositifs d'accompagnement humain « à la mesure du désarroi qui frappe les agriculteurs. Le réseau FNSEA, avec les MSA et les Chambres d'agriculture, sera à l'écoute des agriculteurs les plus fragilisés pour les accompagner au mieux », souligne le communiqué. Le syndicat agricole qui souhaite que cet effort trouve aussi un « écho favorable » à Bruxelles milite également pour la mise en place d’« une politique de gestion des risques efficace », notamment par une meilleure gestion de l’eau et en utilisant les marges de manœuvre du règlement européen “omnibus”. « Il en va une fois encore de la pérennité de la production agricole sur le territoire français », conclut le communiqué. 

Le gel a dévasté une partie des productions agricoles

La nuit du 7 au 8 avril restera marquée d’une pierre noire pour les agriculteurs. Les températures glaciales qui se sont abattues sur une grande partie du territoire ont causé d’importants dégâts sur les cultures. Les vignes et les vergers semblent avoir le plus souffert. Il est pour l’heure difficile et naturellement trop tôt pour établir un bilan chiffré de la vague de froid qui a frappé une grande partie de la France dans la nuit du 7 au 8 avril. Les températures sont, par endroit, descendues jusqu’à -8°C. De nombreuses stations météo ont battu leur (triste) record pour un mois d’avril. Ainsi celle de Chalon/Champforgeuil (Saône-et-Loire) qui affichait -6,2°C sous abri le 8 avril ou encore -4,5 degrés à 6 h 15, le même jour, à Villeneuvette (Hérault). L’avant-veille, le 6 avril, la ville de Beauvais (Oise) s’était réveillée sous un record hivernal (-6,9°C) alors que la semaine précédente, elle avait battu son record de chaleur : +24,8°C, le 31 mars. Partout en France, les températures ont avoisiné le -4°C/-5°C alors même que les vergers étaient en fleurs et que de très nombreuses vignes étaient en plein débourrement. Selon Météo France, « la nuit du 7 avril 2021 apparaît même comme l'une des plus froides depuis 1974 ».

« Nouvelles pas rassurantes »

Pour beaucoup de départements, « la vendange est déjà faite ». C’est notamment le cas dans la zone Armagnac où les 21.000 ha de vignes ont été touchés entre 70 % et 90 %. La Dordogne et le Lot-et-Garonne limitrophes ont aussi subi des dégâts. Les appellations Bergerac et Duras sont touchés sur toute la surface à des degrés divers, entre 5 % et 95 % selon les parcelles.  

En Gironde, où les températures sont descendues jusqu’à -5°C et où le recensement des préjudices est en cours, beaucoup de viticulteurs s’attendent à des pertes proches de celle du gel tardif de 2017 (20-21 avril puis 27-28 avril) qui avait entraîné une chute des récoltes de 30 %. Deux nuits de gel qui avaient impacté 60.000 des 114.000 ha des vignobles et engendré une perte d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires ! Plus au Sud, dans l’Hérault, 75 % des surfaces sont gelées à 100 %. Le département voisin de l’Aude n’a pas été épargné et selon les premières remontées du terrain, « tout le département est touché. Les nouvelles ne sont pas rassurantes », dit-on sur place.

« Sauver les exploitations »

Les arbres fruitiers ont malheureusement subi le même sort que les vignes. Dans le Lot-et-Garonne, on estime déjà que la prochaine récolte de pommes peinera à atteindre 20 % de la normale. Il en sera de même pour les kiwis. « Que ce soit dans l’Ouest, notamment en Anjou, dans le Sud-Ouest et le Sud-Est, c’est catastrophique. Seule une petite partie des Pyrénées-Orientales aurait été épargnée, sinon toute la France est touchée », a confié Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FPNF). Elle a ressorti les dossiers de 1991 quand le gel avait frappé la plupart des zones arboricoles et mis à terre 80 % de la production. Pour cette année, « on risque d’avoir perdu au moins 60 % des récoltes », a-t-elle ajouté. « Le plus dramatique est que certains agriculteurs ont lutté pendant 12 nuits consécutives pour sauvegarder leur récolte et qu’ils ont tout perdu en quelques heures, malgré tous les moyens qu’ils ont mis en œuvre : aspersion, feux de paille, bougies anti-gel… ». En Corrèze, autre bassin de production de pommes, la récolte 2021 devrait être réduite à sa part congrue. Il en sera de même pour la récolte des abricots dans la Drôme ou les Bouches-du-Rhône. Christel Césana, présidente de la FDSEA de l'Ardèche, a annoncé « 100 % de pertes en abricots et en cerises ». Le gel était si intense que « les feuilles de cerisiers craquaient sous la main quand on les serrait », a-t-elle précisé. Enfin certains betteraviers du Centre Val-de-Loire ont estimé avoir perdu 90 % de leur semis. « On a entrepris des démarches auprès des élus et des préfectures pour obtenir des suspensions de charges, des procédures de catastrophe naturelle, des calamités exceptionnelles. Les récoltes sont perdues. Il faut maintenant sauver les exploitations », a soutenu Françoise Roch.