Volailles fermières du Charolais
Une page se tourne...

Marc Labille
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Le syndicat de la volaille fermière du Charolais n’est plus. Suite à la restructuration des abattoirs, les éleveurs de poulets label du Charolais ont été contraints de fusionner avec leurs collègues de la volaille de Bourgogne. Un mariage de raison qui n’a cependant rien d’un arrêt de production, même si l’appellation « Poulet Fermier du Charolais » est mise en sommeil.

Une page se tourne...
Pour leur dernière assemblée générale, les éleveurs du syndicat de la volaille fermière du Charolais ont posé pour une photo souvenir.

Le 7 avril dernier à Charolles, le syndicat des volailles fermières du Charolais a mis un terme à 43 années d’existence. Une assemblée générale extraordinaire entérinait en effet sa dissolution en même temps que sa fusion avec le syndicat des volailles fermières de Bourgogne. Ce rapprochement évoqué à plusieurs reprises ces dernières années a été précipité par une récente restructuration des abattoirs. Le groupe Ronsard, dont faisait partie l’abattoir de Saint-Jean-sur-Reyssouze dans l’Ain qui abattait les volailles fermières du Charolais, a été racheté par le groupe LDC. Se conformant aux lois régissant la concurrence, LDC ne souhaitait pas conserver le site bressan et devait le céder à une autre société. Bien qu’intéressé par l’appellation « volailles du Charolais », le repreneur projetait de produire du poulet « casher ». Mais ce cahier des charges rituel impose que les volailles soient blanches. Dans cette perspective, le syndicat de la volaille du Charolais mettait en place une production de « Charolais Blanc Label Rouge », tout en encourageant les éleveurs de volailles fermières du Charolais qui n’étaient pas adhérents au syndicat de la volaille fermière de Bourgogne à adhérer aux deux syndicats. Quatre exploitations adhérentes au Charolais ne pouvaient y prétendre étant situées hors de la zone IGP Bourgogne. Elles se sont tournées vers les volailles label rouge du Sud-Est et d’Auvergne. La reprise de l’abattoir Ronsard Bresse a entraîné un arrêt d’activité pour travaux. L’abattage des volailles fermières du Charolais a alors été transféré à Cuisery sur le site Guillot-Cobreda (LDC).

La fin du poulet noir du Charolais ?

Fin 2021, les mises en place de poulets noirs charolais cessaient au profit de poulets blancs charolais. Cet arrêt de la production de leur emblématique poulet noir, les éleveurs de volailles fermières du Charolais le regrettent. Mais il faut reconnaître que ce produit pourtant très qualitatif souffrait d’un manque de débouché. Faute d’un travail de prospection commerciale suffisant, beaucoup n’étaient pas valorisés en label charolais. Et lorsque Guillot-Cobreda a repris cette production, lui qui était habitué à travailler du Bourgogne s’est trouvé confronté à ce manque d’attachement des clients au Charolais. Sans grande volonté de l’abatteur d’imposer le produit, le sort de la production de volailles noires du Charolais était scellé. D’autant qu’en passant du noir au blanc, les labellisations ont chuté tant le Charolais était associé à la souche de poulets noirs.

« Une dissolution mais pas un vrai arrêt… »

La dissolution du syndicat et l’arrêt de la production de poulets noirs charolais n’est pas une fin pour les éleveurs adhérents. En rejoignant le syndicat des volailles fermières de Bourgogne, ils continueront à remplir leurs ateliers pour une filière qu’ils connaissent bien puisqu’elle partageait déjà beaucoup de choses avec le Charolais. De fait, tous deux en production label rouge, les syndicats étaient déjà très proches, partageant de longue date un certain nombre de partenaires et une même équipe administrative. Avec le rachat de Ronsard, ils livrent désormais au même abattoir. Le projet de rapprochement entre les deux syndicats a été acté en octobre 2021 et il a été convenu que trois éleveurs issus du Charolais entreraient au conseil d’administration du Bourgogne pour un total de neuf administrateurs éleveurs.

Un cahier des charges prêt à resservir…

Si le pincement au cœur était perceptible lors de l’ultime assemblée générale du syndicat, le président des volailles fermières du Charolais Jean-Jacques Minjollet positivait cependant. La production continue perpétuant ainsi cette diversification salutaire qui avait été optée en 1979 dans le Charolais. En conservant ses élevages qui plus est. Le président n’occultait pas le contexte particulier d’une situation économique tendue : hausse du prix des matières premières, coût des aliments, hausse du prix des volailles, pouvoir d’achat des consommateurs… Sans oublier l’impact de la crise du Covid et des conflits internationaux… Mais il évoquait aussi la demande persistante des consommateurs pour des volailles label ; des volailles de qualité produites localement. Et Jean-Jacques Minjollet de citer aussi les retombées économiques d’une telle filière. Autant de signaux qui confortent dans l’idée que « ce n’est qu’un transfert, une transition », analysait-il. D’ailleurs, malgré l’arrêt des mises en place de noirs charolais, le cahier des charges de l’IGP s’apprête à être réécrit. Comme si la marque se tenait prête pour une relance de sa production un jour. Une hypothèse que les éleveurs de Charolais entendent bien garder à l’esprit.

 

Influenza aviaire : claustration et biosécurité

De 2020 à aujourd’hui, les éleveurs de volailles fermières du Charolais ont connu deux épisodes d’influenza aviaire hautement pathogène. Le premier a sévi d’octobre 2020 à mai 2021 et le second a récidivé à partir de novembre 2021. Pour ce second épisode, les modalités de claustration et de dérogation ont changé vers plus de complexité. Pour cette saison, les volailles label doivent être fermées jusqu’à 10 semaines. Au-delà, « une sortie est possible sur parcours réduit », mais sous certaines conditions durant la période du 15 novembre au 15 mars (demande d’autorisation). Si, pour l’heure, la grippe aviaire ne concerne pas directement le Charolais, les éleveurs bourguignons suivent tout de même avec inquiétude l’évolution de la situation dans l’ouest de la France. Une perte de production nationale est attendue et cela concerne aussi les reproducteurs et les poussins. L’application stricte de règles de biosécurité est vivement recommandée, rappelait Jean-Jacques Minjollet.

Érosion des mises en place de - 5 % à l’échelle nationale

Avec la dissolution du syndicat, le volume de mises en place de volailles fermières du Charolais est passé de 472.500 poulets en 2020 à seulement 161.000 en 2021. À la place, les éleveurs ont rempli leurs bâtiments avec des volailles fermières de Bourgogne. À l’échelon national, on relève une baisse de -10 % des mises en place de poulets labels noirs ; -5 % en poulets labels blancs et –4 % en poulets labels jaunes pour une érosion globale de -5 % en volailles label.