Entreprise Mortier
Une structure bien ancrée dans l’Auxois-Morvan et le Charolais

Marc Labille
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La maison Mortier fait partie de ces entreprises qui ont su rester familiales et ancrées sur leur territoire. Aujourd’hui, ce sont les petits fils du fondateur qui sont à la tête d’une concession qui rayonne avec succès de l’Auxois-Morvan jusqu’au Charolais. 

Une structure bien ancrée dans l’Auxois-Morvan et le Charolais
Alexandre Mortier devant le nouveau bâtiment de Saint-Bonnet-de-Joux au cœur du Charolais.

L’histoire de la maison Mortier remonte à 1947 lorsqu’un maréchal-ferrant nommé Mortier s’installait à Censerey en Côte-d’Or, à une trentaine de kilomètres au nord d’Autun. Le grand-père des actuels gérants de la maison Mortier a vécu l’apparition des premiers tracteurs supplantant les chevaux dans l’Auxois-Morvan. Ses deux fils Bernard et Michel reprenaient le flambeau en 1985 en développant « le service commercial » alors que l’entreprise était désormais devenue agent Massey-Ferguson. Au même moment, Alexandre Mortier se destinait à intégrer à son tour l’entreprise familiale. Après un BEP au lycée Cassin à Mâcon puis une formation de technico-commercial en Corrèze, le jeune Côte-d’orien est allé travailler comme magasinier au sein d’une concession Massey-Ferguson à Mâcon. Puis il a rejoint une succursale de l’enseigne à Châtenoy-en-Bresse. Au début des années 1990, Alexandre Mortier a dû s’acquitter de son service national et fin 1991, il était de retour dans la société familiale à Censerey.

D’agent privilégié à concessionnaire

En 1993, la famille Mortier inaugurait un bâtiment neuf. À l’époque, l’entreprise employait quatre ou cinq salariés et Alexandre faisait ses armes à l’atelier. « À la fin des années 1990, je me suis lancé dans le commerce. Nous étions devenus un agent privilégié de la marque Massey-Ferguson (MF) et nous réalisions à l’époque 70 % du chiffre d’affaires tracteurs de la concession dont nous dépendions », raconte Alexandre Mortier. Profitant d’un voyage au salon Innovagri, le jeune entrepreneur rencontra alors le patron de MF qui prit connaissance de la situation de l’Autunois-Morvan. Au même moment, une société était en liquidation judiciaire à Saint-Bonnet-de-Joux. Massey-Ferguson sollicita la famille Mortier pour reprendre cette affaire à 110 km de Censerey. Alors que la concession autunoise dont elle dépendait ne manifestait aucun intérêt pour le site charolais, le dynamique agent côte-d’orien présentait avec succès une proposition de reprise au tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse. Ce coup de théâtre d’octobre 2001 a fini de convaincre MF d’attribuer sa concession à la famille Mortier.

De l’Auxois-Morvan au Charolais

Les dix années qui ont suivi ont été consacrées au développement de l’activité de la nouvelle concession qui rayonnait désormais sur l’Auxois-Morvan, l’Autunois et le Charolais. En 2004, la maison Mortier réalisait son record de vente de tracteurs avec plus de 50 unités sur son secteur. Dès lors, la concession a toujours maintenu une part de marché supérieure à la moyenne nationale de la marque. « En débarquant de la Côte-d’Or, on craignait un peu notre arrivée dans le Charolais », reconnaît aujourd’hui Alexandre. Mais ces territoires dominés par l’élevage se ressemblent beaucoup. « Et le fait qu’on porte souvent la cotte a joué en notre faveur », complète-t-il.

C’est en 2014 qu’Alexandre et son cousin Guillaume, tous deux petits-fils du fondateur, ont pris la succession de leurs parents à la tête de la concession. La même année, ils ont aussi repris l’affaire Moniot à Étang-sur-Arroux dont les propriétaires partaient en retraite. Cette acquisition leur offrait un site à mi-chemin entre Censerey et Saint-Bonnet-de-Joux ainsi que l’activité parc et jardin. Un nouvel atelier était construit à Étang.

Investissement à Saint-Bonnet-de-Joux

Devenus propriétaires des murs et du terrain de leur base du Charolais dont l’activité ne cessait de prendre de l’ampleur, les cousins Mortier se sont alors lancés dans la construction d’un bâtiment neuf à Saint-Bonnet-de-Joux. Ils ont tenu la gageure de maintenir toute leur activité pendant toute la durée des travaux. Pour ce faire, le projet a consisté à bâtir un tout nouvel atelier à côté de l’ancien, les deux unis par un auvent. Inaugurée le 1er avril dernier, la nouvelle installation aux couleurs de Mortier et de Massey-Ferguson fait la fierté de l’entreprise. Cette dernière emploie aujourd’hui 30 salariés sur ses trois sites. Son chiffre d’affaires atteint 9 millions d’euros.

Outre les tracteurs de la marque Massey-Ferguson, le concessionnaire commercialise tout le matériel qui va avec (fenaison, épandage, distribution, etc.). Sur une zone spécialisée dans l’élevage, la maison Mortier vend également énormément de tubulaires, matériel de contention, etc. « Notre secteur est aussi très demandeur en matériels d’occasion », confie Alexandre Mortier. L’occasion répond à une problématique d’allongement des délais de livraison et, dans une entreprise qui est très attachée au service après-vente, cette activité a le mérite de faire travailler l’atelier, ajoute le patron.

À la merci de cinq gros groupes…

Hausse des prix des machines, allongement des délais de livraison, évolution de l’agriculture… : l’avenir a de quoi inquiéter les concessionnaires. D’autant que la distribution est en pleine mutation, comme le décrit Alexandre Mortier par ailleurs vice-président du Sedima (syndicat national des distributeurs de matériel agricole et d'espaces verts). Les constructeurs sont aujourd’hui cinq gros groupes étrangers qui incitent de plus en plus leurs concessionnaires à se regrouper, certains n’hésitant pas à imposer des seuils en termes de chiffres d’affaires. « On nous pousse à grossir nos secteurs pour un volume de tracteurs suffisant », confirme Alexandre Mortier. Les entreprises sont encouragées à se tenir à l’affût des concessions en perte de vitesse ou sans repreneur… Dans cet univers impitoyable, arrivent des investisseurs qu’on ne connaissait pas jusqu’alors. C’est ainsi que le patron d’une compagnie aérienne, de supermarchés et de concessions automobiles s’est diversifié dans le machinisme agricole dans l’ouest de la France… des coopératives le font aussi. La stabilité économique du secteur attire ces nouveaux capitaux. Pour l’heure, le réseau Massey-Ferguson est celui qui conserve le plus de concessions sur le territoire. Si « la marque a toujours privilégié la taille humaine », Alexandre Mortier ne cache pas que le niveau d’exigence technique et les mouvements opérés par la concurrence ne laissent guère le choix. Mais « quand on reprend une concession, il faut laisser la cotte ! », regrette le petit-fils de maréchal-ferrant.

Un espace de travail moderne et ergonomique

Un espace de travail moderne et ergonomique

Situé dans la zone artisanale de Saint-Bonnet-de-Joux, le nouveau bâtiment de la concession Mortier couvre environ 1.500 m2. Aux 600 m2 de l’ancien atelier, se sont greffés 800 m2 d’un espace de travail moderne et ergonomique. Il s’agit d’un vaste hangar abritant dix postes de travail équipés d’aspirateurs de fumée, de récupérateurs d’huiles de vidange. Au faîtage, une large voûte translucide laisse pénétrer la lumière naturelle dans l’atelier. Celui-ci est chauffé par géothermie. Le bâtiment est recouvert de panneaux photovoltaïques. L’investissement s’élève à 1,2 million d’euros pour lesquels la famille Mortier a bénéficié des aides de la Région (50.000 €), de la Carsat (30.000 €) et de la communauté de communes du Grand Charolais (5.000 €).

Hausse des prix et des délais de livraison

Alors qu’il n’augmentait que de +3 % par an autrefois, le prix des tracteurs a bondi de +15 % ces deux dernières années, informe Alexandre Mortier. La filière subit la hausse des cours de l’acier, des pneumatiques… Comme pour les automobiles, les chaînes de production des tracteurs ont essuyé une pénurie de boîtiers électroniques (semi-conducteurs). Des ruptures qui allongent les délais de livraison dans une époque où il devient impossible d’avoir du stock, rapporte le concessionnaire. Cette conjoncture inquiète les professionnels du machinisme. S’ils ont été épargnés des conséquences du Covid et que les affaires ont été bonnes en 2021, les concessionnaires redoutent le manque de visibilité quant à la fourniture des produits pour l’année à venir. Et la hausse des prix des machines risque d’atteindre un point de rupture, redoute Alexandre Mortier qui constate une érosion du marché depuis une vingtaine d’années à laquelle la restructuration des exploitations n’est pas étrangère.

Des salariés compétents, formés, passionnés

La maison Mortier emploie cinq apprentis sur ses trois sites. « Nous avons toujours formé des jeunes en relation avec le CFA et le lycée Cassin de Mâcon et l’Agrocampus de Vesoul », confie Alexandre Mortier qui ajoute qu’il faut en former cinq pour espérer conserver un salarié. Car le secteur souffre d’un manque de main-d’œuvre chronique, poursuit le chef d’entreprise. Les salariés du machinisme agricole sont pourtant « des gens compétents, formés, passionnés. Nous avons tout un panel de métiers : mécanique, soudure, hydraulique, électronique… Nos salariés sont constamment formés en maintenance de matériel par les constructeurs. Ils sont très recherchés sur le marché de l’emploi ».