VinEquip 2023
Agir contre le changement climatique et notamment contre le gel de printemps

Cédric Michelin
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Du 28 au 30 mars s’est tenu à Mâcon, le salon VinEquip avec plus de 300 exposants des filières vigne et vins. Plus de 3.000 visiteurs sont venus pour cette deuxième édition qui en appelle déjà une autre en 2024. Si produits et services étaient au centre, des conférences et tables rondes se sont tenues, dont une pour agir contre le changement climatique. À commencer contre le gel de printemps.

Agir contre le changement climatique et notamment contre le gel de printemps
De g. à d., Louis Poitout, Jean-Philippe Rousseau, Emilie Favre, Claude Perrot, Thomas Canonnier et Juliette Sarrazin.

Le changement climatique en viticulture est un thème tellement vaste qu’on peut s’y perdre et ne pas savoir par où commencer. Prenant le contrepied et résolument tournée vers l’action, la table ronde sur ce sujet réunissait des Cuma de l’Yonne habituées à lutter contre le gel de printemps, l’IFV de Villefranche pour réaliser un bilan carbone spécifique, un expert de la Chambre d’Agriculture pour faire des économies d’eau et d’énergies à la vigne et au chai ou encore l’Interprofession des vins de Bourgogne pour parler de la réduction des emballages et poids des bouteilles par exemple, sans oublier la réforme de l’Assurance climatique dans le cadre de la nouvelle Pac avec Groupama.

Programme chargé donc pendant une heure et demie, mais passionnante, sans forcément revenir sur les aléas climatiques à répétition, entre gel, grêle, canicule, sécheresse, inondations… Parole était donnée d’emblée au témoignage du vigneron, Louis Poitout puisque le « chablisien a malheureusement un historique de gel de printemps ». Les risques augmentent avec le réchauffement climatique. Revenant sur les « coups de froids » printaniers, Louis Poitout listait quelques-unes des solutions pour lutter : bougies, aspersion d’eau, tours antigel, câbles chauffants… Connue pour son efficacité, l’aspersion voit aujourd’hui une nouvelle limite, en plus de son coût de départ. « Il faut de l’eau », qui ne se trouve pas partout et encore moins en ce début de campagne 2023.

Vignoble morcelé mais lutte collective

Symbolique du reste de la Bourgogne, le vignoble est « morcelé ». Finalement, de cette particularité en ressort une certaine force, celle de devoir lutter collectivement, notamment en Cuma. Désormais, plusieurs autres systèmes de protection prennent le relais comme dans le village particulièrement gélif de Maligny où 13 ha de vignes à proximité sont protégés par des câbles chauffants. La section de la Cuma qui les gère « s’est branchée directement sur le réseau EDF ». Compter tout de même 43.000 €/ha d’investissement, sans oublier la hausse du prix du kilowatt cette année. Pour autant, les 13 vignerons ne regrettent rien. Si ce système revient au final autour de « 4.000 €/ha/an, à réserver aux belles appellations », la « souplesse » de fonctionnement est un avantage comme celui de ne pas faire de bruits dérangeant le voisinage.

Car la Cuma a également choisi de se protéger avec des tours antigels un peu plus loin. Les « éoliennes » ont aussi l’avantage de ne pas émettre de fumées ni d’odeurs (bougies, paille…). Une éolienne est, selon le fabricant, capable de protéger entre 6 et 7 ha, selon la topographie. Les Cumistes ont fait le choix de « concentrer » pour arriver à une éolienne pour 4,5 ha. Une cinquantaine (3 millions d’€) couvre donc actuellement 200 à 220 ha. Le système de chauffage aux granulés de bois a été préféré à celui au gaz, pour des questions de stockage surtout. Quatre Cuma se sont équipés et ont bénéficié d’aides FranceAgriMer, avec des taux et plafonds plus élevés qu’en cas de projet individuel. Au final, il n’a pas trop fallu batailler pour convaincre tous les vignerons « couverts », chacun comprenait que la lutte est collectivement plus efficace. Le coût autour de 1.000-1.200 €/ha est « plus raisonnable même pour un petit propriétaire qui n’a que 20 ares (200 €/an) protégés sans rien avoir à faire ».

Brasser l’air ou former un brouillard ?

Côté Mâconnais, après le gel 2021, et les alertes en 2022 ou encore la veille de cette table ronde, de premières réflexions se font jour, expliquait Thomas Canonnier, de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, qui accompagne plusieurs collectifs de vignerons pour choisir le matériel et l’installer. Deux types de matériels émergent, le brassage d’air via éoliennes et tours antigel, mais aussi du matériel pour former « un brouillard au sol contre le gel radiatif », type thermonébulisateurs. Ces derniers étant mobiles alors que les premières sont soit fixes soit mobiles. « On imagine plus des éoliennes mobiles pour s’adapter aussi à la topographie », pour tester et évaluer, avant de bétonner éventuellement.

Pas de miracle cependant à attendre en cas de froid « polaire advectif », type 2021, seule l’aspersion affiche encore une bonne efficacité de lutte alors que même les tours antigels chauffantes voient leur efficacité réduite dans ce cas. « Il aurait aussi fallu monter à 800 bougies par hectare toutes les 8 heures », faisait-il le parallèle, « devenant exorbitant », comme le câble chauffant pour des appellations mâconnaises. En revanche, les tours vont également « assécher » la vigne, diminuant les dégâts du gel en amont.