Bâtiments en bois
Le bois se construit une place de choix

Leïla Piazza
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Bois local, auto-construction et bien-être animal font pencher de plus en plus d’agriculteurs vers la construction bois, qui représente plus d’un quart du marché en Auvergne-Rhône-Alpes. Éléments de compréhension.

Le bois se construit une place de choix
La construction du bâtiment de 300 m2 du Gaec Tramassac (Loire) et de son haut-vent ont représenté un coût total de 100 000 €. Les associées ont reçu 20 000 € d'aides de la région et de l'Union européenne. ©Jean-Pierre Mathé

En 2016, comme de nombreux autres agriculteurs, les deux maraîchères du Gaec Tramassac (Loire), Anne Faivre D'Arcier et Françoise Dufour, ont fait le choix du bois pour la construction de leur bâtiment de stockage, préparation et vente directe de légumes. « Nous voulions un lieu agréable pour travailler, fonctionnel et également joli car nous habitons à côté », se souvient Françoise Dufour. « Nous avons fait faire la structure en poteau-poutre de sapin et douglas local et nous avons fait nous-même l’isolation, le bardage et les aménagements intérieurs ». La fable des Trois petits cochons a fait son temps. Désormais, la construction bois représente 23,7 % des bâtiments agricoles français, et même 28,8 % en Auvergne-Rhône-Alpes (enquête nationale de la construction bois de 2021). « On en trouve dans tous les types d’exploitation », précise Jean-Pierre Mathé, prescripteur bois-construction à la Fibois Auvergne-Rhône-Alpes. « Beaucoup dans l’élevage et les centres équestres mais également chez des céréaliers, des maraîchers et des viticulteurs ».

Abondance et autoconstruction

Le bois a un gros avantage : il laisse la place à une part d’autoconstruction. « Il permet aux agriculteurs de faire par eux-mêmes, au moins le bardage, ce qui réduit considérablement les coûts et permet d’adapter à ses usages », explique Jean-Pierre Mathé. « De plus, il laisse la possibilité de modifier par la suite ». Les éléments sont bien souvent préparés et assemblés en amont et cela ne nécessite pas de temps de séchage lors de sa mise en œuvre, ce qui réduit le temps de construction. Et cette ressource est disponible au plus près, parfois même sur l’exploitation. Avec, là aussi, des économies substantielles et le soutien à une économie locale génératrice de plus de 60.000 emplois en Auvergne-Rhône-Alpes, première région française en volume de bois sur pied avec une grande variété d’essences : sapin, chêne, hêtre, châtaignier, douglas, pin sylvestre, épicéa…

Bien-être animal

Le bois est particulièrement apprécié dans les bâtiments d’élevage, car il est synonyme de bien-être pour les bêtes, à bien des égards. Avec de très bonnes performances thermiques, il participe au maintien d’une température agréable, été comme hiver. Régulateur d’humidité, il limite considérablement le développement de la condensation. Et il permet de maîtriser le renouvellement de l’air et l’éclairage naturel du bâtiment. Il absorbe les bruits, rendant les animaux plus calmes et moins stressés. Beaucoup d’éleveurs ont remarqué qu’en améliorant ces facteurs, ils réduisent les maladies parmi leur cheptel. « Des études menées en Bourgogne Franche-Comté ont même montré que la production de lait était plus importante au sein d’un bâtiment bois », relate Benjamin Mermet, également prescripteur bois-construction chez Fibois Auvergne-Rhône-Alpes.

Un prix de plus en plus compétitif

« Le plus grand ennemi du bois, c’est l’eau », nuance néanmoins Jean-Pierre Mathé. « Il faut un traitement spécifique et penser à l’associer à d’autres matériaux en zone humide. Néanmoins, face au feu, le bois brûle lentement et laisse le temps aux pompiers d’intervenir. Et avec du bois correctement séché et traité, il n’y a pas de difficulté particulière avec les insectes ». Le bois offre une grande diversité de possibilités esthétiques. Structurellement, on pourra s’orienter vers le traditionnel poteau-poutre et charpente en bois massif, ce qui offre la possibilité de se fournir localement. Ou alors vers le lamellé-collé, moins abondant, même si quelques fabricants ont fait leur apparition dans la région. Si dans le cas du bois massif, les poteaux peuvent servir de base pour des aménagements intérieurs, les portiques auto-stables en lamellé-collé autorisent une portée jusqu’à 30 mètres, sans poteau intermédiaire, ce qui facilite le passage de gros engins. Les usages déterminent ce choix, mais également le coût. En effet, dans un contexte économique tendu, notamment à cause de la guerre en Ukraine, « alors que le prix du lamellé-collé a été multiplié par trois, celui du sapin de la région n’a pas bougé », relève ainsi Jean-Pierre Mathé. Quant au principal concurrent de la construction bois, le métal, ses cours flambent. Ainsi, si jusqu’à maintenant la construction bois s’avérait souvent plus chère que ce dernier, cela pourrait évoluer rapidement.

 

Plus coûteux, le lamellé-collé offre une grande portée, laissant le champ libre au passage des engins. Ici, le hangar à fourrage du haras de Félines (Loire) accueille également le matériel et l’outillage nécessaires. ©Fabriques Architectures Paysages

Une empreinte environnementale réduite

Faire le choix du bois, ressource naturelle renouvelable, répond aussi à un enjeu environnemental. S’il provient de forêts locales, ou du moins européennes, il s’agit d’une ressource gérée de façon soutenable. En Auvergne-Rhône-Alpes par exemple, Fibois estime qu’on ne récolte que 50 % de l’accroissement biologique annuel. En réduisant l’empreinte carbone du transport, un approvisionnement local permet également de participer au développement d’une économie locale, bien souvent circulaire et peu consommatrice en énergie. Enfin, alors que la construction représente 30 % des émissions de gaz à̀ effet de serre, l’arbre a quant à lui la capacité de séquestrer du CO2 pour émettre de l’oxygène. On estime que 1 m3 de bois de construction correspond à 1 tonne de CO2 stockée.