Vinipôle Sud Bourgogne
Réchauffement climatique en Bourgogne : les viticulteurs étudient de nouvelles pistes pour contrer les effets

Cédric Michelin
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La qualité du raisin et le rendement associé sont étroitement dépendants des conditions climatiques, actuellement considérées comme étant en plein dérèglement. Des expérimentations de terrain sont alors menées par le Vinipôle Sud Bourgogne avec des domaines partenaires en Saône-et-Loire. Ces essais visent une modification d’itinéraires techniques culturaux pour tester des leviers d’adaptation ayant pour objectif de contrer les effets du changement climatique.

Réchauffement climatique en Bourgogne : les viticulteurs étudient de nouvelles pistes pour contrer les effets

Au cours des dernières décennies, des changements significatifs dans le climat Bourguignon ont été notés. Cette fluctuation instable inter et intra annuelle des évènements climatiques et des températures agit notamment sur le déroulement du cycle végétatif et donc sur la précocité ou le retard de certains stades phénologiques (débourrement, floraison, véraison, maturité). En Bourgogne comme à l’échelle de la France métropolitaine, le réchauffement observé ces dernières années est déjà de +1,6°C, soit deux fois plus important qu’en moyenne planétaire. En relation avec cette hausse, la région a également connu une plus grande variabilité climatique, avec des périodes de chaleur intense et des canicules plus fréquentes, ainsi que des évènements météorologiques extrêmes tels que de fortes pluies et des tempêtes. Si l’on regarde de plus près le millésime 2024, l’hiver se classe au 3e rang des hivers les plus chauds depuis le début des relevés météo ! La pluviométrie se veut excédentaire depuis début janvier et le printemps actuel se classe au 4e rang des printemps les plus pluvieux et parmi les moins ensoleillés. Et malgré un ressenti maussade, les températures sont toujours alignées, voire supérieures aux normales en moyenne sur la saison, avec un écart de +0,8°C par rapport aux normales 1991-2020. Ces conditions climatiques anormales sont représentatives des tendances observées avec le changement climatique.

Pérenniser la vigne et la typicité des vins

L’intérêt pour la filière viti-vinicole est donc désormais de trouver des leviers techniques permettant de pérenniser la culture ainsi que la typicité des vins bourguignons, tout en préservant les terroirs. Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet régional pluriannuel Stratageme, en place depuis 2022. Il est en partenariat avec le BIVB et différents domaines viticoles et implique d’autres organismes techniques qui testent également des solutions dans leurs départements, notamment les Chambres de Côte-d’Or, de l’Yonne et BIOBFC.

L’objectif de ces travaux est de mieux réfléchir ensemble à des moyens d’anticiper les conséquences négatives du changement climatique, liées aux vagues de chaleurs et aux sécheresses marquées, en identifiant des solutions réellement applicables par la conduite de la vigne. Ainsi, l’intention finale des modalités testées est de diminuer les impacts des contraintes hydrique et thermique pour limiter le degré alcoolique des moûts et les pertes de rendement.

En Saône-et-Loire, le projet Stratageme (2022-2024) permet de suivre 10 parcelles qui ont été choisies en fonction de leur sensibilité au stress hydrique et thermique lors des précédentes campagnes. À la genèse du projet, des groupes de viticulteurs volontaires, en caves coopérative ou particulière, ont été sollicités afin d’identifier des parcelles pouvant répondre à la problématique. En fonction des contraintes de mise en place et de l’appétence de chacun pour la pratique test, les essais ont été établis sur trois approches majeures.(voir tableau)

En pratique, un nombre important d’indicateurs est suivi tout au long de la campagne pour permettre de discriminer les modalités entre elles. La modalité étudiée est toujours associée à une modalité dite témoin, qui se trouve être la pratique habituelle conduite par le viticulteur. Tout est pris en compte : phénologie de la vigne, contrainte hydrique et thermique, activité biologique et même la vendange (poids, nombre de grappes, paramètres œnologiques).

La campagne 2024 en est témoin : les millésimes se suivent, mais ne se ressemblent pas. Pour la plupart de ces pratiques testées, l’intérêt réside dans l’adaptation aux caractéristiques climatiques de chaque millésime et à la mise en place quasi instantanée à l’échelle de la parcelle. Mais les travaux du Vinipôle Sud Bourgogne ne s’arrêtent pas là. Des pistes d’adaptation sur le long terme sont également envisagées afin de disposer de toutes les armes pour s’adapter au mieux à demain.

Expérimenter et accompagner pour consolider nos entreprises agricoles

Expérimenter et accompagner pour consolider nos entreprises agricoles

Depuis maintenant 11 ans, le Vinipôle Sud Bourgogne représente une initiative majeure pour promouvoir la viticulture durable et l'innovation dans le secteur viticole. A l’origine, ce pôle est le résultat d’une volonté de trois membres : la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne et le Département de Saône-et-Loire. En 2013, l’objectif était de faire de l’expérimentation viticole une véritable mission à part entière pour les conseillers viticoles de la chambre d’agriculture. Aujourd’hui, le pôle est avant tout un centre de recherche appliquée. Il travaille avec et pour les viticulteurs bourguignons, toujours en demande de nouvelles références face aux défis environnementaux actuels. « C’est une structure qui nous réunit et nous implique. Elle porte des missions à forts enjeux », écrivait Jérôme Chevalier à l’occasion des dix ans de l’association. En collaborant étroitement avec des institutions académiques, des organismes professionnels et des viticulteurs locaux, l’association a réussi son implantation dans la filière en s’inscrivant dans différents programmes de recherche locale, régionale et nationale.  Pour autant, si les sujets évoluent et se diversifient depuis la création, la cible reste la même. Benjamin Alban, directeur du Vinipôle Sud Bourgogne, le confirme « nous devons être une référence pour la viticulture durable ». Cette année, parmi les axes de recherches principaux, nous retrouvons en première place l’adaptation au changement climatique. Cette grande problématique abrite en réalité de nombreux axes de recherche : l’adaptation du matériel végétal, l’optimisation des itinéraires techniques ou encore la réduction de l’empreinte écologique du vignoble. Pour les viticulteurs de Bourgogne et au-delà, le Vinipôle Sud Bourgogne représente une ressource majeure pour relever les défis de demain tout en produisant des vins de qualité.

Une diminution de la température du sol de 10 °C grâce au paillage 

L’installation de paillages synthétiques ou organiques sous le rang s’impose effectivement comme étant une alternative de limitation des effets du changement climatique. En viticulture, il est souvent utilisé sur des parcelles peu mécanisables dans un but de réduire son utilisation d’herbicides. Mais le projet Stratageme montre des résultats significatifs du paillage sur la diminution de la contrainte hydrique et thermique. Un effet tampon est engendré par l’épaisseur des plaquettes et l’évapotranspiration de la vigne peut ainsi être réduite. Les pertes et gains d’humidité sont moins brusques au niveau du sol. Ainsi, le paillage sous le rang aurait tendance à limiter la contrainte hydrique subie par la vigne en conditions climatiques chaudes et sèches. De plus, les températures sont largement inférieures sous le paillage que sur sol nu en période chaude. En 2023, un écart de température de 10 °C a été mesuré entre la modalité paillée et le sol nu au niveau de l’horizon superficiel (0-10 cm de profondeur). Le paillage vient également tamponner les écarts de température entre le jour et la nuit. Des résultats qui reconfirment l’importance de la couverture des sols pour limiter au maximum l’évaporation et l’accumulation de chaleur. Au niveau de l’activité biologique du sol paillé, la dynamique est maximale. Cela signifie que l’évolution du cycle de la matière organique du sol se réalise plus rapidement que dans un sol nu, les micro-organismes dégradent l’humus en quantité plus importante. Un sol paillé est un sol vivant !

Mais le paillage présente aussi quelques limites. La durabilité du paillage varie suivant une multitude de facteurs (conditions climatiques du millésime, épaisseur du paillis, type de sol…) et est estimée à trois ans en moyenne. Les cumuls de pluie très importants depuis janvier ont cette année largement favorisé la pousse des adventices, marquant définitivement la dernière année de l’essai. Au cours de ces trois années, un inconvénient majeur a été relevé. Les micro-organismes qui dégradent le paillage vont consommer l’azote du sol pour se multiplier provoquant ainsi une carence significative au fil de l’étude. Les premières tendances et observations seront à confirmer avec une troisième année de mesure. Une synthèse régionale sera également produite à l’issue du projet afin d’en tirer toutes les conclusions.