BIVB
Un changement de cap radical

Régis Gaillard
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Plutôt que de parler de réchauffement climatique, il conviendrait plutôt d’évoquer le changement climatique. Car si de nombreuses parties du globe voient les températures augmenter, d'autres zones se refroidissent. En même temps, la brutalité des aléas météorologiques impacte de plus en plus les activités humaines dont la viticulture. Des constatations qui doivent pousser à évoluer et à changer. Comme l’a parfaitement compris le BIVB.

Un changement de cap radical
Le président, le vice-président et le directeur (de gauche à droite) ont présenté les nouvelles orientations prises par le BIVB.

Une assemblée générale est notamment le lieu et l’occasion de se poser les (bonnes) questions et d’envisager les (possibles) évolutions. Mais, à l’image des géants des mers, il faut beaucoup et très tôt anticiper ces nouvelles directions à prendre. Car changer ses pratiques et ses habitudes, en viticulture comme ailleurs, prend du temps. Et suppose de mener une réflexion en profondeur afin ne pas se tromper.

La technique au cœur du réacteur

L’assemblée générale du 29 juin dernier à Beaune a permis de constater que les têtes pensantes de la viticulture bourguignonne étaient pleinement conscientes des besoins et des impératifs non seulement pour aujourd’hui mais aussi et surtout pour demain. Comme l’assistance a pu le constater lors de la présentation des programmes d’actions et des projets de budgets 2021-2022. Après la feuille blanche de 2020, place désormais à une feuille de route ambitieuse pour le pôle technique. Il s’agit de construire les modèles technico-économiques de demain en structurant les axes de R&D dans un contexte de transition écologique et de changement climatique. Alors que les professionnels seront placés au cœur des travaux de recherche dans une démarche collective, les axes prioritaires identifiés comme le dépérissement du vignoble et le matériel végétal devront se traiter au plan régional avec une gouvernance claire. Les enjeux sont identifiés et les axes connus (matériel végétal et itinéraires à fin d’adaptation). La méthode est validée : il s’agit de multiplier les essais par les professionnels avec un couplage de plateformes expérimentales construites avec la recherche au niveau national. Dès lors, il conviendra d’observer, d’étudier et de transmettre. Sur 15 projets auditionnés, seuls six ont été retenus. Ces six projets s’intéressent à la gestion et maîtrise de l’acidité, au rôle des vitamines en vinification, aux itinéraires d’adaptation à moyen terme face au changement climatique, à la conservation de la diversité génétique, au développement d’un outil d’identification moléculaire des clones de pinot et, enfin, à une plateforme d’évaluation des portegreffes (projet Greffes Bourgogne). En même temps, la profession continue son travail d’études déjà en cours à l’image de la parcelle de sélection intermédiaire à Aluze tout en poursuivant sa réflexion relative à la problématique flavescence dorée. La volonté, dans ce dernier cas, est d’améliorer toutes les étapes à l’image de la prospection avec, par exemple, l’utilisation de caméras embarquées, de drones et autres pièges connectés.

On soulignera donc une orientation forte de l’action du BIVB vers les sujets techniques, qui se construit dans une trajectoire de trois ans. À des projets court terme de 12 à 36 mois se superposent des programmes structurants et essentiels pour des pas de temps de 10 à 20 ans concernant le matériel végétal notamment. Avec, dès 2022, plus de 365 k€ de budget supplémentaire annuel alloué à ce domaine.

Communiquer autrement

Concernant le volet Marchés & Développement, certaines priorités ont été établies. À savoir conforter l’image tout en s’adaptant aux évolutions sociétales et au consommateur. Cela passera, notamment, par une étude Consommateurs de demain en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Il s’agira aussi de se doter et de déployer des outils d’intelligence économique et d’inventer de nouveaux modèles technico-économiques.

Mais comme tout ceci nécessite des financements, en parallèle, les budgets communication Chablis et Bourgogne baissent même si celui, à part, dédié aux Cités des vins explose, passant de 390.000 € à 1.300.000 €. Parmi les grands projets communication 2021-2022, on citera pêle-mêle le Grand Bourgogne Hôtel à Paris en janvier, The Big Bourgogne Reunion à Londres en mars, Les Grandes Retrouvailles Bourgogne à Montréal en mai, Bourgogne Homecoming à New York et Los Angeles en mai ou encore The (Re)Experience Bourgogne à Tokyo en juin/juillet. Il y aura, en outre, l’opération Rencontres avec les Bourgogne étendue sur l’année 2022 et le retour en présentiel des Grands Jours de Bourgogne. Sans oublier de nombreux webinaires. Enfin, pour aider les appellations en difficulté, il y aura un fort soutien aux appellations régionales et aux appellations villages moins connues. Avec, également, une mise en avant de la jeune génération de vignerons et une digitalisation plus grande de la communication.

Gérer habilement la pénurie

Président du BIVB, Frédéric Drouhin a souligné que sa « présidence arrive à un moment où nous venons d’être bousculés par les conséquences du réchauffement climatique. Nous sommes à un virage important ; cet électrochoc, conséquence du gel, nous amène à changer le prisme et à prendre les décisions qui nous permettront de produire d’excellents vins dans les 20, 30 ou 100 prochaines années… Nous connaissons en 2021 probablement la plus faible récolte de ces quarante dernières années. Même si nous reprenons un peu confiance avec les rouges, les blancs, en particulier en Côte-d’Or, sont hélas très touchés. Cette très petite récolte suit également 2020 et 2019 très modestes. C’est bien dommage, alors que l’économie mondiale redémarre de manière dynamique et que nous allons devoir gérer la pénurie. Notre enjeu aujourd’hui est donc de maîtriser notre production ».

Ne rien s’interdire

Avec, à la clé, une réorientation des budgets vers la technique, à un horizon à moyen et long terme. « Il faut être cohérent, l’échelle du temps dans la recherche et dans la vigne est longue ». Ce virage vers la technique a déjà été entamé en 2020, avec le Projet 2025. « Le premier axe était d’imaginer nos modèles de production pour l’avenir. Ce travail doit maintenant s’accélérer au sein de la commission technique. Il y a beaucoup de sujets techniques… Il nous faudra hiérarchiser les actions pour répondre aux différents enjeux identifiés. Aléas climatiques, adaptation réchauffement climatique, réduction d’intrants, lutte contre le dépérissement, potentiel de vieillissement de nos vins, il faudra tenir compte de nombreux critères environnementaux, développement durable et économique. Certains de ces sujets ont un horizon court et d’autres sont de vrais programmes qui s’engagent dans la durée. Nous allons travailler avec une grande ouverture d’esprit. Rien ne doit être interdit. Pour le financement, il faut s’appuyer sur la mutualisation nationale au sein du Cniv qui a montré l’efficacité d’une approche coordonnée des interprofessions au niveau national avec, par exemple, le plan de lutte contre le dépérissement. Nous allons éviter de refaire ce qui a déjà été fait, mais certains problèmes spécifiques demandent un investissement de la Bourgogne ».

Il s’agira alors de rechercher les actions à mettre en place et de transférer des résultats vers tous les opérateurs en mobilisant l’ensemble des structures. Avec une gouvernance à construire afin de fédérer les acteurs de la recherche, qu’ils soient publics, privés ou institutionnels. Et Frédéric Drouhin d’ouvrir la porte aux nouveautés. « Nous considérons que la distillation n’est pas la bonne solution car l’argent public est mieux investi dans la recherche et le développement. Le VCI, qui comme son nom l’indique est avant tout individuel, mais s’il est géré de manière collective par exemple en lien avec une réserve interprofessionnelle, serait un formidable outil pour atténuer les à-coups climatiques d’années de forte production qualitative comme de très petites récoltes. Le pilotage des volumes de production est un travail à mener au sein de l’interprofession. Nous avons une connaissance des stocks de la viticulture comme du négoce, nous avons un outil qui nous permet d’alimenter nos réflexions avec, par exemple, la gestion des plantations. Sur des produits d’appellations, il est normal d’avoir une gestion bon père de famille mais cela n’empêche pas un dynamisme pour d’autres ».

Garder des prix raisonnables

Président délégué du BIVB, François Labet a rappelé que si le marché est actuellement très actif, la récolte à venir sera, en revanche, très faible. Et de regretter « que l’on soit le seul pays qui dénigre ses propres produits ». Tout en se félicitant que les exportations « fonctionnent bien », le changement de présidence aux États-Unis ayant une influence positive. Quant au marché intérieur, la reprise de la restauration redonne inévitablement le sourire. Et d’élargir sa vision à l’ensemble des marchés. « Il faut être présent sur les marchés, mais en gardant des prix sages ». Et de conclure en ayant une pensée pour la viticulture qui commercialise en vrac et peu ou pas en bouteille.
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