EXCLU WEB / Stratégie bas carbone : l’agriculture doit poursuivre ses efforts

Christophe Soulard 
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Le Haut conseil pour le climat (HCC) a remis son rapport annuel 2022 le 29 juin à la Première ministre, Élisabeth Borne. Sans surprise, les 13 membres composant cet organisme indépendant demandent d’accélérer les transitions et réclament, notamment pour le secteur agricole, des « ajustements rapides ».

EXCLU  WEB / Stratégie bas carbone : l’agriculture doit poursuivre ses efforts

Pour le Haut conseil pour le climat (HCC) l’heure n’est plus au constat mais à l’action. « La réponse doit être globale et immédiate », a insisté sa présidente, Corinne Le Quéré qui a remis son rapport annuel intitulé « Dépasser les constats. Mettre en œuvre les solutions ». Même si les émissions de gaz à effet de serre par habitant en France (6,5 tonnes eqCO2) restent inférieures à la moyenne européenne (8,1 t eqCO2), elles ont toutefois augmenté au plan global d’environ 6,4 % de 2020 à 2021 pour atteindre 418 millions de tonnes eqCO2. Le secteur agricole représente 19 % des émissions nationales soit 79,42 Mt eqCO2, au même niveau que l’industrie (19 %) mais loin derrière le transport (31 %). Pour Marion Guillou, ancienne présidente de l’INRA, l’agriculture respecte peu ou prou la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone 2 (SNBC2). Cependant, ce secteur doit plus s’investir et « doubler son objectif de réduction avec la prise en compte du paquet européen « Ajustement à l’objectif 55 (Fit for 55) ». La membre du HCC demande notamment que la France fasse un effort pour réduire ses émissions de méthane (CH4) de 30 % d’ici 2030 comme elle s’y est engagée lors de la COP 26 à Glasgow ainsi que le niveau de protoxyde d’azote (N2O). Car ces deux gaz « représentent 86 % des émissions de l'agriculture », note le rapport. 

Manque d’ambition 

Le HCC a surtout dans son viseur le Plan stratégique national de la future PAC 2023-2027. Selon l’organisme, «  sa version actuelle contribuerait à atteindre seulement la moitié des objectifs climatiques fixés par la SNBC2 à horizon 2030 ». Ses membres demandent donc une amélioration des enveloppes budgétaires pour le climat et un renforcement des critères d’attribution des aides pour aligner le PSN sur la SNBC2. Plus encore, le HCC pointe les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie fossile. En cause, les avantages fiscaux et tarifs réduits dont les agriculteurs bénéficient pour le gazole, le fioul lourd et les gaz de pétrole liquéfiés utilisés pour les travaux agricoles et forestiers et qui représentent 1,4 milliard d’euros (Md€) de dépenses fiscales en 2021. « Surtout, la fin de ce dispositif n’est pas borné », a souligné Marion Guillou qui veut inciter les agriculteurs à développer l’usage des énergies renouvelables.

Le HCC regrette par ailleurs que « les bonnes pratiques de stockage de carbone organique dans les sols agricoles (soient) peu soutenues » et que leurs soutiens financiers « manquent d’ambition ». Pour atteindre les objectifs de réduction des GES, le dispositif devra « être complété par l’accès à des écorégimes des pratiques augmentant le stockage du carbone organique dans les sols (prairies temporaires, cultures intermédiaires notamment) », préconise le rapport qui émet en outre bien d’autres recommandations (lire encadré) et qui donne quitus aux objectifs de la Loi Climat et Résilience d’augmenter les menus végétariens dans la restauration collective. 

Le rapport est disponible sur le site du HCC : www.hautconseilclimat.fr rubrique Publications. 

La filière bois-forêt aussi concernée 

Le HCC pointe le fait que la forêt connaît des difficultés à capter du carbone principalement sous l’effet de trois facteurs : diminution de la production biologique, augmentation de la mortalité (sécheresse, tempêtes, incendies, scolytes) et accroissement des prélèvements. « Les puits nets observés depuis 2010 sont 60 % plus faibles que ceux retenus par la SNBC », note le rapport. L’organisme indépendant suggère d’élaborer un « plan cohérent avec la SNBC », notamment en augmentant significativement les lignes budgétaires visant le renouvellement des forêts, leur résilience et leur diversité. Il souhaite aussi renforcer le soutien à l’ensemble de la filière, ce qui passe par la sensibilisation des propriétaires à éviter les coupes rases et à diversifier les essences pour une meilleure adaptation aux évolutions climatiques. Lutter contre la déforestation importée et lutter contre l’artificialisation des sols sont deux autres recommandations du HCC.