BIERE
La filière brassicole est en plein renouveau

La production de bière connaît depuis quelques années une envolée et un renouveau portés par des micro-brasseurs de plus en plus demandeurs de matières premières locales en orge et houblon. Mais la production de houblon local peine à suivre.

« Aujourd'hui, où que l'on soit, on peut trouver un brasseur à moins de 30 km. Depuis 2019, en moyenne, une brasserie ouvre tous les jours ». Ce constat dressé par Magali Filhué, déléguée générale de Brasseurs de France, souligne la croissance exponentielle que connaît la filière brassicole. Avec 2 300 brasseurs répartis sur le territoire, la France est aujourd'hui le premier pays européen en nombre de producteurs de bière. Alors qu'en 1900 on ne comptait pas moins de 3 000 brasseurs, leur nombre a chuté considérablement jusqu'à se limiter à une vingtaine dans les années quatre-vingt, avant de connaître un rebond progressif puis une nette accélération dans les années 2010. Longtemps alcool du quotidien, la bière offre aujourd'hui une large palette de recettes et est devenu un produit de dégustation recherché. Pourtant, si les Français sont amateurs de bière, ils ne sont pas les plus gros consommateurs et se classent avant-dernier, juste devant les italiens. Avec seulement 33 litres consommés par an et par habitant, l'Hexagone est même bien loin de la République tchèque et de ses 142 litres par habitant annuels. La France n'est que le huitième producteur européen en volume.

Le boom des microbrasseries

Alors que 70 % des bières consommées dans l'Hexagone sont produites en France, les consommateurs semblent apporter de plus en plus d'importance à la provenance de leur bière. « Le marché connaît depuis quelques années une dynamique portée par l'arrivée de petits brasseurs, tournés vers des bières de spécialités, issues de produits locaux », explique Magali Filhué. Toutes les régions de France voient apparaître des micro-brasseries proposant des breuvages plus aromatiques, des gammes de dégustation, parfois biologiques, pour répondre à une demande croissante des amateurs. Auvergne-Rhône-Alpes est particulièrement représentative de cette tendance. Avec une croissance de 17 % entre 2019 et 2021, Auvergne-Rhône-Alpes compte désormais 386 brasseries, faisant d'elle la première en la matière. La région voit même apparaître quelques cultures d'orge brassicole et de houblon afin de répondre à cette demande croissante émanant de micro-brasseries émergentes. La Région s'intéresse à ce marché, avec notamment la mise en place d’un plan de filière brassicole régional en 2021. Si à l'échelle nationale le secteur des micro-brasseries croît rapidement et permet l'émergence de filières spécialisées, il reste aujourd'hui une niche puisque l’on estime qu'il ne représente que 8 à 10 % du marché. La filière brassicole a été également portée ces dernières années par l'émergence de gammes diversifiées et aromatiques de bières sans alcool, répondant à une demande croissante de la clientèle.

 

Les matières premières : entre abondance et marché tendu

Les filières des deux principales matières premières brassicoles rencontrent des situations très différentes. Du côté de l’orge, la France connaît une situation d'abondance, grâce à un terroir agricole propice et un savoir-faire ancien. Réparties sur l'ensemble du territoire, particulièrement dans les régions céréalières, la France compte 120 000 exploitations, pour un total de 1,97 million d'hectares d'orges cultivés, soit 21 % de la surface céréalière française. Avec quatre millions de tonnes d'orges brassicoles annuelles, la France est le premier producteur de l’Union européenne. Ce qui permet de satisfaire largement la demande française mais également d'alimenter la demande mondiale. La France est le premier pays exportateur mondial de malt (80 % de sa production) et le deuxième pour l’orge brassicole. De l'autre côté, celui du houblon, « l’épice de la bière », la situation est complexe. Alors qu'on dénombre 605 ha cultivés aujourd'hui, les professionnels estiment que pour satisfaire la demande nationale, il faudrait 2 500 ha. Cependant, explique Antoine Wuchner, secrétaire général de l'Association générale des producteurs de houblon, « en 2021, nous avons eu une surproduction liée à une saison pluvieuse, dans un contexte de baisse de la consommation due au Covid. Ce qui fait que nous avons des stocks que nous n'avons pas encore écoulés ». La France exporte 40 % de sa production et est donc dépendante du marché mondial. De plus, il s'agit d'un secteur pointu où les brasseurs recherchent, au-delà de la provenance locale, une aromatique bien précise, que les États-Unis (26 000 ha de production) et l'Allemagne (22 000 ha) sont plus à même de satisfaire. « On ne produit pas assez en France mais paradoxalement on a du stock car on a une problématique de variétés et de gammes aromatiques qui ne correspondent pas toujours aux critères français », explique Matthieu Luthier, délégué général d'Inter-houblon, l’interprofession créée en 2019. « Pour pérenniser la filière, il va falloir être capable de sélectionner des variétés qui correspondent aux envies des brasseurs et qui s'adaptent au changement climatique et à la sécheresse », estime Antoine Wuchner. Un grand plan de recherche a été lancé mais qui va demander des années avant d’être opérationnel.

Leïla Piazza