Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne
De la pédagogie sur les cotisations pour expliquer les actions des trois pôles

Cédric Michelin
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Étonnamment, si les vins de Bourgogne ne connaissent pas la crise qui sévit quasiment partout ailleurs, le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) se montre toutefois inquiet – par instants – sur l'avenir du vignoble et des vins de Bourgogne. Les trois pôles alertent sur des défis jamais vu. Le pôle technique avec le changement climatique, le pôle marchés avec les nouvelles générations de consommateurs et le pôle communication avec la « hausse des prix » de ces dernières années.

De la pédagogie sur les cotisations pour expliquer les actions des trois pôles

Pour tout observateur extérieur, tout paraît couler de source à Beaune. Pourtant, au BIVB, les défis s’accumulent. Lors de la dernière assemblée générale le 27 juin dernier au Palais des congrès, les président(e) s et directeurs (rice) se sont succédés pour attirer l’attention de tous sur un faisceau de facteurs, interne et externe, qui pourraient bien remettre en cause nombre de projets collectifs et individuels.

Du pôle Marché et développement, Manoël Bouchet répète inlassablement le même message d’alerte. Attention aux nouveaux consommateurs et au « changement de comportements » en matière de vins. Suite à leur enquête approfondie sur les Millenials – génération de clients ou prospects allant de 18 à 45 ans -, le directeur du Pôle, Philippe Longepierre en a tiré un tas d’outils : prospective sur le modèle économique des marchés, chaîne de valeur, modélisation pour aider les domaines et viticulteurs à « se projeter et prioriser », insiste Manoël Bouchet, qui appelle chacun à s’en servir. Le dirigeant de la Maison Roche de Bellene à Beaune voit ainsi en la « forte inflation des prix ces dernières années », une obligation de se poser les bonnes questions. « On commence à en mesurer les conséquences : sur comment gérer la montée en gamme, sur les investissements, sur le rythme à imposer au marché… ». Mais, il met en garde sur l’autre versant : « Ce fort transfert de valeur », sans prononcer le mot de spéculation, « peut intoxiquer les marchés et ces toxiques transférés peuvent avoir des retours… ». Des propos qui peuvent résonner comme une bulle spéculative pouvant exploser donc. En analysant les données des Douanes « sur l’histoire, le temps long », Philippe Longepierre remarque « depuis 2010, une évolution importante de la valorisation surtout à l’export par rapport à son univers ». Idem en grande distribution française. Il n’entrait pas dans les détails de « l’univers » des vins de Bourgogne, mais posait la question qui peut fâcher, à savoir si « l’image est au niveau de la qualité ? », attendue par ses clients. Pour s’en assurer, ou continuer de s’en assurer, Manoël Bouchet listait six actions prioritaires. Gérer les volumes sur les marchés, travailler sur l’écoulement des stocks notamment côté AOC régionales, étudier les réseaux sociaux, faire évoluer les indices de coûts de production par itinéraire en intégrant la réduction des émissions carbone, simuler les prix de vente et chercher les moyens de « financer tout ça », concluait-il. En résumé, s’assurer de l’adéquation offre-demande, mais avec une offre à la production, en baisse depuis 2000, enchaînement de « petites récoltes » et même, depuis 2010, « d’oscillations extrêmes » en volumes entre millésimes, malgré des surfaces en hausse.

Un bureau d’études global

Là intervient le pôle Technique et qualité du BIVB qui est « un bureau d’études » en quelque sorte, estime son directeur, Jean-Philippe Gervais. « Derrière le potentiel de production, il y a la question du dépérissement des vignes, l’obligation d’investir dans l’environnement et le tout avec, en face, un changement climatique colossal ». Le président du BIVB, François Labet rappelant que « Beaune aura le même climat que la ville d’Orange ». Pour accélérer sur ces défis techniques, le pôle Technique a vu son budget augmenté significativement l’an dernier, avec des recrutements sur le matériel végétal et « des chefs de projets » en 2023/2024. « Nous passons d’une posture consistant à faire avec des partenaires à une posture entre experts faisant ensemble », que ce soit en Bourgogne ou au niveau national, via des appels à projets de recherche notamment. L’objectif : « avoir et rendre un maximum de résultats transmissibles », veut Manuel Olivier, président du pôle Technique. Pour le vigneron de la côte de Nuits, si la réputation des vins de Bourgogne repose sur une certaine représentation de « la tradition », il ne cachait pas sa volonté de la changer : en faisant évoluer les densités de plantation, les pratiques d’enherbement… Le tout « pour produire de manière plus régulière et répondre aux attentes sociétales (bilan carbone…) ».

Éduquer et influencer

Car s’il n’est pas question de faire du « greenwashing », le BIVB sait les vins de Bourgogne très attendus sur ces questions, surtout depuis son Objectif climat d’atteindre la neutralité carbone en 2035. « Notre responsabilité et nos engagements sont attendus par nos clients et nous le devons aux générations futures. L’ampleur des adaptations à venir est considérable et il ne suffira pas de réduire notre empreinte carbone », insiste François Labet. Pas de précipitation néanmoins à communiquer. L’heure est toujours à « éduquer et influencer », résumait Virginie Valcauda, directrice du Pôle Communication. Son président, Michel Barraud mesure « l’ampleur du travail » nécessaire et réalisé à l’échelle mondiale. Un film récapitulatif des actions de communication et d'influence d’une année le prouvait. Ce qui impressionne le vigneron de Sologny, « c’est le niveau de détails » des informations collectées pour que demain « les vignerons soient soutenus dans leur communication, pour contacter les bonnes cibles », même s’il sait qu’il faudra accompagner certains dans leur « mue digitale ». Un défi qui se double pour la présidente-adjointe, Anne Moreau, « d’une évolution à prévoir dans la communication dans un contexte de hausse des prix » pour « justifier de notre valorisation », en « mettant en avant notre petite production à l’échelle mondiale » et toujours la qualité des vins et « nos engagements pour l’avenir ».

Lors du vote des familles, pour la FNEB, Albéric Bichot anticipait les « explications à donner » aux membres de la filière qui vont voir leurs cotisations BIVB augmenter. « Il faudra expliquer leur fléchage année après année ». Pour la CAVB, Thiébault Huber partage, mais n’a pas d’inquiétude : « il y a plein de projets sur la table (Qanopé, Cités…). Reste que les enjeux techniques sont énormes. Si les millésimes généreux s’enchaînent, ce que le vigneron de Meursault espère, il ne faudra pas oublier de communiquer sur nos valeurs pour élever encore plus haut la Bourgogne ». L'AG l'a démontré. Les défis sont prêts à être relevés au BIVB.