Filière forêt et bois
Le baptême du feu pour le Ministre à Euroforest

Cédric Michelin
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1 h 30, top chrono. Autant dire que le directeur d’Euroforest, Richard Lachèze était le maître du temps de la table ronde sur la filière bois et forêt, pour que le Ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, puisse ensuite inaugurer le salon à Saint-Bonnet-de-Joux le 23 juin dernier. Une première en neuf éditions. Une trentaine de présidents nationaux lui posaient des questions très spécifiques.

Le baptême du feu pour le Ministre à Euroforest

Sur le plan France 2030, sur les besoins des pépiniéristes, sur le changement climatique, sur la valorisation des feuillus arrivant « en masse » sur les marchés, sur les critiques des « coupes rases » ou forêt « productives » (les organisateurs avaient accepté la présence de l’association Canopée sur le salon ; des Soulèvements de la Terre manifestaient non loin, N.D.L.R.), sur la « multi-activités » des forêts, sur le milliard d’arbres à planter… Une première salve de questions auxquelles répondait Marc Fesneau.

Pour lui, la filière vit un « moment important » avec « des enjeux convergents » puisqu’une « grande partie des solutions réside en forêt ». Tellement centrale qu’il est obligé de freiner les ardeurs de ses collègues Ministres, car entre bois, énergies, construction, meubles, biodiversité… « on compte trois fois la même biomasse alors que nous allons devoir produire plus sous contrainte climatique », leur explique-t-il à Matignon.

Ne pas laisser faire la nature

Son enjeu est donc de bien « planifier » avec Élisabeth Borne car « la planification écologique et stratégie bas carbone » du Gouvernement reposent « beaucoup sur la forêt ». Pas question donc de remettre en cause la gestion forestière. Bien au contraire. Marc Fesneau l’a répété à plusieurs reprises, et tout au long de la journée, l’agriculture et la forêt « doivent combattre l’idée que laisser faire la nature permettra de produire mieux ou d’avoir plus de forêts ». Ce qui faisait rire jaune les professionnels, mais pas lui, qui côtoie nombre d’intellectuels déconnectés des réalités à Paris et à Bruxelles. Sa solution, poser le débat pour encourager la « restauration des écosystèmes », plutôt que le retour à « l’état de nature ».

Son meilleur atout pour faire cette « pédagogie » ? S’appuyer sur les trois millions de propriétaires forestiers, soit « treize millions de Français qui peuvent parler forêt ». Encore faut-il les recenser, ce que Bercy sait visiblement mieux faire que son Ministère… Les communes forestières, cadastres, notaires et mairies seront mises à contribution. L’enjeu est de « massifier » les bonnes pratiques de gestion forestière et de "médiation", à l’heure d’une adaptation sans précédent de nos forêts face au changement climatique.

Gibier, GNR, Douglas…

Place à la production donc. Et entre gestion des plantations ou gestion du gibier, Marc Fesneau a fait son choix par exemple. « L’argent public n’a pas vocation à financer les dégâts des gibiers (cervidés…) en forêt », disait-il, décrochant des sourires dans la salle, rajoutant n’être pourtant « pas hostile à la chasse ». Il préfère prendre ce budget pour le consacrer à la sélection variétale et production de graines.

Une autre salve de questions s’abattait ensuite sur le Ministre au sujet de la récolte et filières bois. Sur le flou pour tailler les haies, sur les vols et vandalisme, sur la taxation du GNR, sur l’arrosage des bois l’été, sur la réindustrialisation, sur l’accord-cadre « chêne », sur le « vilain canard » Douglas… Là encore, le Ministre répondait en bloc.

« Sur le GNR, ce n’est pas une taxation, mais la fin d’une défiscalisation. Sinon, on nous taxe d’avoir un discours non cohérent », jouait-il avec les mots, renvoyant la responsabilité à « 15 ans à tourner autour du pot ». Il renversait la situation en interrogeant la filière sur ce qu’il va faire des 300 millions d’€ de compensation (1,3 milliard pour la filière agricole, NDLR). Demandant à signer l’accord-cadre « chêne » rapidement, il défendait ensuite le douglas. « Ce résineux n’est pas l’adversaire du stockage de carbone sur un cycle de production. Comme le maïs, il est un bouc émissaire », expliquait le Ministre qui toutefois voit à l’avenir « plus de risques sanitaires pour les douglas en monoculture » ou autres espèces.

Des paysages en feu

Le président de Fibois, Paul Jarquin s’inquiétait lui « des règlements incendies ». Le ministre lui promettait une sortie « par le haut » avec ce dossier partagé avec le Ministère de l’Intérieur. Là encore, pas question de laisser la forêt amasser de la biomasse morte, véritable poudrière. Outre « combattre les idées reçues », il appelait néanmoins tous les professionnels à préparer les esprits du grand public « aux paysages qui vont radicalement changer. Notre rôle étant de préserver le monde vivant », insistait-il. « Une lourde tâche qui obligera à se regrouper et à de la cohérence », mettait la pression, Marc Fesneau qui sait la triple menace du feu, des maladies et du climat. Le président de l’ONF, Jean-Yves Caillet saluait la volonté du ministre de ne pas opposer la « solidarité entre privé et public », sachant leurs destins de soutenabilité liés, « car ne pas intervenir n’est pas un acte de protection, mais un acte d’abandon », citant en exemple la gestion au Canada en proie à des mégafeux. « Cinquante ans de perdu et de CO2 relâché », déplorait le Ministre.

Filière bois : le déficit du commerce extérieur se creuse

9,5 milliards d’euros (Md€) : tel est le déficit annuel de la filière bois constaté en France en 2022, selon Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. Ce déficit s’est creusé de 900 millions d’euros (M€) par rapport à l’année 2021. « C’est le déficit le plus important depuis 2012 », observe la note d’Agreste. Les importations se sont élevées en 2022 à 22,233 Md€, en hausse de plus de 3 Md€ (19,086 Md€ en 2021) et les exportations à 12,719 Md€ (10,465 Md€ en 2021). Le déficit commercial avec l’Allemagne (2,2 Md€), l’Italie (1,2 Md€), et la Chine (1,2 Md€) contribue pour près de la moitié au déficit global de la filière. Le creusement du déficit provient quasi exclusivement de la détérioration des échanges des pâtes, papiers et cartons. Petit point positif : la France a un solde commercial positif avec la Suisse (400 M€), les Etats-Unis (400 M€) et le Royaume-Uni (200 M€). 

ONF : le rapport d’activité 2022 en ligne

L’Office national des forêts (ONF) vient de publier son rapport d’activité 2022. Revenant sur les grands événements de l’année écoulée, en particulier sa contribution à la reconstruction de Notre-Dame de Paris ou encore la reconnaissance de la futaie régulière, inscrite au patrimoine immatériel de la France, l’établissement public détaille, dans ce document d’une quarantaine de pages, les grands partenariats qu’il a conclus dans de nombreux domaines (recherche, sports, loisirs, environnement, etc.). L’ONF revient aussi sur la nécessaire adaptation des forêts au changement climatique, sur le renouvellement forestier du plan France Relance et bien évidemment sur les importants feux de forêts qui ont marqué l’été 2022. 

Le rapport est disponible sur le site de l’ONF : www.onf.fr

Plus de 40.000 visiteurs pour Euforest 2023

Ce sont 42.540 visiteurs qui se sont rendus entre le 22 et le 24 juin à la 8e édition du salon Euroforest, l’équivalent du Salon international de l’agriculture pour la filière bois-forêt. Elle s’est déroulée à Saint-Bonnet-de-Joux. Cette manifestation qui a reçu la visite du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a notamment été placée sous le signe du changement climatique et de l’innovation. « Cette édition d’Euroforest a été un moment essentiel à la construction d’une vision commune de l’avenir de nos forêts, loin des clichés, des simplifications et des solutions toutes faites », a déclaré Jean-Philippe Bazot, Président d’Euroforest. La prochaine édition de ce rendez-vous quadriennal se tiendra en juin 2027, toujours à Saint-Bonnet-de-Joux.

Forêts durables : Courvoisier s’engage avec l’ONF

Dans un communiqué du 26 juin, la maison Courvoisier a annoncé avoir conclu un partenariat avec l’Office national des forêts (ONF) pour protéger neuf forêts du Val de Loire : Tronçais (Allier), Vierzon (Cher), Châteauroux (Indre), Orléans (Loiret), Blois (Loir-et-Cher), Moulière (Vienne), Bercé (Sarthe), Le Gâvre (Loire-Atlantique) et Senonches (Eure-et-Loir). Courvoisier va allouer 425 000 euros sur quatre ans pour « conduire une étude qui permettra de décrire et mieux comprendre les dommages portés aux massifs de chênes par plusieurs espèces d’insectes nuisibles ». En effet, le changement climatique et les attaques de nuisibles causent d’importants dégâts sur les chênaies. Or le bois de chêne, élément de base des chais, est un ingrédient essentiel à l’élaboration du cognac. La maison Courvoisier est devenue « Tree Positive » en 2022 en replantant un arbre pour chaque arbre utilisé, et en plantant ou protégeant un autre arbre dans des écosystèmes fragiles et menacés.

Euroforest : une charte FNEDT-FNCOFOR

Dans le cadre du salon Euroforest dont la huitième édition s’est achevée le 24 juin à Saint-Bonnet-de-Joux (Saône-et-Loire), le président de la Fédération nationale entrepreneurs des territoires (FNEDT) Gérard Napias et son homologue de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), Dominique Jarlier, ont signé, sous l’œil du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, une « charte de vitalité économique et sociale » des entreprises de travaux forestiers (ETF). Les deux fédérations s’engagent avec cet accord, « à encadrer les relations contractuelles entre les différents intervenants, rémunérer au juste prix les prestations, gérer durablement les forêts, veiller au respect de la réglementation, prendre en compte les aléas climatiques, assurer la formation et la sécurité sur les chantiers forestiers ». D’autres contacts ont été pris avec d’autres organisations de la filière forêt pour étendre cette charte. « Ils sont très avancés », selon le FNEDT.